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Ecoutes de Sarkozy: les contradictions de Christiane Taubira

La ministre de la Justice Christiane Taubira, mercredi 12 mars 2014

La ministre de la Justice Christiane Taubira, mercredi 12 mars 2014 - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

Les derniers rebondissements autour des écoutes de Nicolas Sarkozy fragilisent la ministre de la Justice, qui a exclu de démissionner après avoir présentée des documents à la presse. Jean-Marc Ayrault a assuré qu'elle a "sa place" au gouvernement. Pour le moment.

Près de deux ans après son entrée au gouvernement, Christiane Taubira cristallise autour de sa personne les débats les plus virulents. Mercredi, une fois n’est pas coutume, la ministre de la Justice est intervenue lors du point presse traditionnel à l'issue du Conseil des ministres.

Attaquée par l'opposition qui demande sa démission, puis confirmée dans la foulée par le Premier ministre, qui l’avait lui-même mise la veille en porte-à-faux dans l’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy, Christiane Taubira s'est défendue en brandissant deux courriers censés l’exonérer de toute ingérence, et assurer qu’elle n’était pas informée des écoutes avant la date du 26 février. Celle-là même qu’a donnée Jean-Marc Ayrault sur France 2... après avoir dit autre chose devant la caméra de BFMTV.

> Taubira mise au courant le 26 février

Dans cet échange avec Philippe Lagauche, avocat général à la Cour d'appel de Paris, publié par Le Monde, et qui fait suite à un courrier d’Eliane Houlette du pôle financier, il apparaît clairement que Christiane Taubira était informée a minima dès le 26 février dernier des écoutes téléphoniques ciblant l'ancien président de la République.

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Il est aussi mentionné que la ministre de la Justice est "régulièrement" mise au courant de l’enquête sur un possible financement par la Libye de la campagne présidentielle de 2007 de l’ancien chef de l’Etat. "Non je n’ai pas menti", a martelé la Garde des Sceaux, qui plaide un "malentendu".

A tout le moins, Christiane Taubira s’est montrée évasive lors de ses sorties médiatiques sur France Info puis au 20 heures de TF1 lundi. Mais, plus ennuyeux pour la Garde des Sceaux, le contenu des écoutes, au moins partiellement, lui a été communiqué.

La mise sur écoute de Nicolas Sarkozy, permise notamment par la loi Perben 2 de 2004, se justifie selon les enquêteurs pour faire face à de possibles fuites émanant d’un haut magistrat du parquet général de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, en échange d’un poste prestigieux à Monaco. Cette mesure d'enquête intervient donc dans le cadre de soupçons de trafic d’influence.

> Sarkozy fragilisé?

Pourtant, ces écoutes renforcent les soupçons à l'encontre de Nicolas Sarkozy, quant à la passation d'un marché: "Il apparaît que les deux hommes [Sarkozy et Herzog] évoquent à plusieurs reprises les interventions réelles ou supposées d'un magistrat du parquet général de la Cour de cassation", écrit notamment Philippe Lagauche.

Dans le détail de l’enquête, le parquet financier a de son côté communiqué que Nicolas Sarkozy était écouté depuis le 3 septembre 2013 sur ordonnance des juges enquêtant sur les accusations de financement libyen. Le 19 septembre, c’est le second téléphone, enregistré sous le nom d’emprunt de Paul Bismuth, qui est à son tour placé sous écoute par le parquet. Par ailleurs, l'avocat de Nicolas Sarkozy, Me Herzog, n'a pas été placé sur écoute par les juges, précise le parquet financier.

Les anciens ministres Claude Guéant et Brice Hortefeux et l’ancien directeur de cabinet Michel Gaudin ont eux été placés sur écoute dans cette instruction, selon Le Monde. Mediapart publie d'ailleurs des extraits d'écoutes de Brice Hortefeux qui tendent à prouver que ce proche de Nicolas Sarkozy a été informé et préparé à une audition de justice dans le cadre de cette même affaire.

> Hollande a-t-il pu rester à l'écart? Valls a-t-il pu ne pas savoir?

Pour sa part, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a assuré avoir appris l’existence de ces écoutes par la presse le 7 mars seulement, contrairement à ce qu’affirme Le Canard Enchaîné qui a révélé les "mise au parfum" de Christiane Taubira. Des connaisseurs de la police s’étonnent néanmoins, rapporte l'AFP mercredi, que la hiérarchie policière dont Manuel Valls occupe le sommet n’ait pas fonctionné.

Fort de son expérience à Matignon, Jean-Pierre Raffarin parle d’une "affaire majeure" et s’étonne que le chef de l’Etat ait pu rester tenu à l’écart d’une "telle information". "Je n’ai pas informé le président, s’est défendue la ministre de la Justice, déjà embarrassée récemment par l’insistante proposition de reconversion proposée au procureur général de Paris François Falletti, nommé par la droite, ou encore par la circulaire entérinant… la remontée d’informations importantes.

> Taubira, la clé?

Chez les socialistes, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a concédé la nécessité d'une "amélioration à avoir dans le cadre de la communication gouvernementale" mais affirme n’avoir "aucun doute: il n'y a aucune intervention gouvernementale dans le cadre de cette affaire" des écoutes de Nicolas Sarkozy. Au PS, on dénonce ardemment la "stratégie de diversion" mise en place par l’UMP.

Ce mercredi soir, la question n’est plus de savoir quand le gouvernement a été mis au courant. Mais de savoir qui exactement savait et quel a été le cheminement au sein du pouvoir du la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy. Là encore, tous les regards convergent vers Christiane Taubira.

Samuel Auffray