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Crise agricole: un nouveau front pour le gouvernement?

Plusieurs agriculteurs se mobilisent pour dénoncer l'accord de libre-échange entre l'UE et le Canada

Plusieurs agriculteurs se mobilisent pour dénoncer l'accord de libre-échange entre l'UE et le Canada - Jean-François MONIER / AFP

Alors que le projet de loi de ratification du traité CETA doit être approuvé par le Sénat dans les semaines qui viennent, les actions de syndicalistes agricoles à l'encontre d'élus de la majorité se multiplient.

La nature n'étant plus à un paradoxe près, les étés sont devenus propices aux effets "boule de neige". On l'a vu sur le terrain politique, entre la polémique autour de la disparition à Nantes de Steve Maia Caniço et, ces dix derniers jours, la grogne de plus en plus bruyante des agriculteurs

Exprimant leur désapprobation franche et massive du traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (dit CETA), plusieurs syndicalistes du secteur ont pris pour cible des permanences d'élus La République en marche. Dans la nuit de jeudi à vendredi, vingt tonnes de fumier ont été déversées devant celle de Monique Iborra, députée LaREM de Haute-Garonne. Comme beaucoup de ses collègues du groupe, elle a voté en faveur de la ratification du CETA, adoptée le 23 juillet à l'Assemblée nationale.

"Convaincre le citoyen"

Contactée par BFMTV.com, elle assume pleinement le fait d'appartenir aux 266 députés à l'avoir votée.

"Il y a un hiatus entre ce qu'on nous reproche et la manière dont on a procédé. En 2016, François Hollande a signé le traité CETA au nom de la France sans demander l'avis de qui que ce soit. Le gouvernement actuel a eu une démarche consistant à demander leur avis aux députés", défend l'élue occitane. 

D'après Monique Iborra, il ne faut pas céder à la panique face aux initiatives de certains représentants agricoles.

"Des cailloux dans nos chaussures, on en a eu beaucoup depuis deux ans... Comme souvent en France, la température monte ici de manière catégorielle. Au-delà de la mousse, de l'agitation, les Français sont capables de comprendre. Ceux qui ne veulent pas être convaincus, par définition ils seront impossibles à convaincre. Ce qui m'importe, c'est de convaincre le citoyen du bien-fondé de ce texte", affirme-t-elle. 

Invité d'Europe 1 ce vendredi, l'eurodéputé Jérémy Decerle n'a pas produit le même son de cloche. Invoquant "une différence entre le vandalisme et quelques tonnes de fumier", l'ancien président des Jeunes agriculteurs a affiché son soutien à la profession. 

Le CETA au Sénat

Les attaques visant les permanences de députés peuvent-elles dégénérer en (énième) crise du secteur agricole? Son ministre de tutelle, Didier Guillaume, s'est exprimé à plusieurs reprises sur les antennes depuis le début de la grogne. Cette dernière est aggravée par la période de sécheresse qui la précède et à laquelle les réponses du ministère ont pu sembler tardives. 

"Le monde agricole est très bien organisé", souffle un pilier du groupe LaREM auprès de BFMTV.com. "Il y a 30 ans, ses syndicats remettaient en cause la légitimité de François Mitterrand. Aujourd'hui c'est sur Emmanuel Macron et la majorité que ça tombe. Je ne remets pas en cause la bonne foi de l'agriculteur, mais il y a une instrumentalisation des craintes de l'inconnu."

Après le palais Bourbon, le projet de loi de ratification du CETA va désormais passer au gril du Sénat. Aucune échéance précise n'est pour l'instant inscrite à l'agenda de la Haute assemblée pour un vote sur le texte. Il sera intéressant de voir comment la droite, qui domine le Sénat et qui voté massivement contre le CETA à l'Assemblée nationale, prendra position à la rentrée. 

"Il faut attendre que les choses se calment. Lorsque le texte sera discuté au Sénat, il faudra rappeler que Nicolas Sarkozy et François Hollande ont tous deux voulu cet accord de libre-échange. De là, il va falloir qu'on nous explique, alors qu'on lui a apporté des éléments nouveaux, en quoi c'est un mauvais texte", prévient Monique Iborra. Un message adressé aussi bien à la droite qu'à la gauche sénatoriales. 

"Il s'agit d'une minorité"

Sur le contexte plus global, d'autres ne se laissent pas désarçonner. Pour le député de l'Eure Bruno Questel, la multiplication des actions militantes et de dégradations de permanences d'élus ne doivent rien au hasard.

"Tout cela est savamment orchestré. Qui a intérêt à ce que ça soit le désordre, à ce que la légitimité démocratique soit mise en cause? Après avoir échoué avec les gilets jaunes, des anarchistes de droite et de gauche veulent préparer les esprits à une rentrée difficile."

Et de se rassurer en concluant: "Il s'agit d'une minorité, il ne faut pas additionner les contraires. La diversité d'origine de nos oppositions fait que, pour l'instant, il n'y a pas de réel péril."

Jules Pecnard