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Après les violences à Paris, Christophe Castaner au coeur des critiques

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, le jour du vote solennel en première lecture à l'Assemblée nationale de la proposition de loi "anti-casseurs", le 5 février 2019. - Jacques Demarthon - AFP

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, le jour du vote solennel en première lecture à l'Assemblée nationale de la proposition de loi "anti-casseurs", le 5 février 2019. - Jacques Demarthon - AFP - -

Le regain de violences du 16 mars à Paris a suscité, de la part des oppositions, des critiques en cascade. À défaut de douter de ses compétences, certains membres de la majorité attendent le ministre de l'Intérieur au tournant.

Pour le gouvernement, la mobilisation des gilets jaunes produit le même effet que des montagnes russes. La manifestation du samedi 16 mars, avec son cortège de violences et de vandalismes le long des Champs-Élysées, a (re)mis sous tension un exécutif qui, semble-t-il, pensait que les images de chaos à Paris étaient derrière lui.

L'un des premiers à subir le procès en amateurisme est le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. D'après des échos diffusés par RTL ce lundi matin, le locataire de la place Beauvau suscite le doute de certains membres de la majorité présidentielle. L'intéressé se serait même fait "remonter les bretelles" par Emmanuel Macron, avance la radio, en marge de la cellule de crise organisée au ministère samedi soir. 

"Ça suffit les fleurs!"

Dans les rangs des oppositions, en tout cas, le mot d'ordre paraît clair: haro sur "Casta". Plusieurs cadres des Républicains ont nommément appelé le ministre de l'Intérieur à la démission, notamment le trésorier du parti, Daniel Fasquelle, ou la porte-parole Lydia Guirous. "Imagine-t-on, avec Nicolas Sarkozy ou Charles Pasqua [tous deux anciens ministres de l'Intérieur, NDLR] un tel laxisme vis-à-vis de ces bandes de casseurs depuis quatre mois?", a écrit sur Twitter Agnès Evren, présidente de la fédération LR de Paris. 

Dès dimanche midi, la tête de liste du parti aux élections européennes, François-Xavier Bellamy, s'est indigné de voir Christophe Castaner se rendre devant la plaque commémorant la mort du policier Xavier Jugelé:

"Ça suffit les fleurs. Ça suffit la mise en scène. Ça suffit de voir notre ministre de l'Intérieur constater les dégâts", a-t-il tancé sur notre antenne.

Critiqué d'entrée de jeu

Visant le gouvernement dans son ensemble, le député de l'Essonne Robin Reda a déclaré ce lundi que l'équipe faisait preuve "soit d'inconséquence, soit d'incompétence" en matière de sécurité. L'élu francilien a ensuite fustigé la "décontraction" et la "légèreté" avec lesquelles était traitée la question des casseurs ultra violents qui se sont immiscés chez les gilets jaunes.

Ces deux derniers termes ne sont pas choisis au hasard. Dès son arrivée place Beauvau, Christophe Castaner a essuyé de nombreuses critiques, émanant aussi bien de la droite que de la gauche, certains lui reprochant une forme de tolérance vis-à-vis du communautarisme, d'autres son passé d'apparatchik au Parti socialiste.

"Là-dessus, il faut être clair: un ministre de l'Intérieur n'est pas censé être un spécialiste, c'est avant tout un politique", défend auprès de BFMTV.com Jean-Michel Fauvergue, député La République en marche et ancien patron du Raid. Lequel rappelle que Christophe Castaner a été, d'entrée de jeu, flanqué d'un technicien du maintien de l'ordre, Laurent Nuñez. Un peu à la manière du tandem Charles Pasqua-Robert Pandraud dans les années 80 - le politique et le "techno". 

Contraste d'images

Reste que l'ancien maire de Forcalquier a été récemment victime d'un embarrassant contraste: celui entre ses coups de menton visant les gilets jaunes "complices" du désordre et les images, révélées par Voici, de l'intéressé faisant la fête dans une boîte de nuit parisienne. De quoi raviver une image de bon-vivant un peu dilettante, un peu "kéké", comme Christophe Castaner lui-même s'en est amusé dans un portrait que lui a consacré Le Journal de Dimanche en 2018.

"C'est sa vie privée, on n'a pas à le juger sur ce terrain. Il fait ce qu'il veut après 2 heures du matin", balaye un pilier du groupe LaREM à l'Assemblée nationale. Mais de reconnaître toutefois que "cela vient nuire à l'image d'autorité du ministre de l'Intérieur". 

Problème de com'?

Et Dieu sait si l'intéressé invoque cette image. Très actif sur Twitter, - en comparaison avec d'autres membres du gouvernement - Christophe Castaner n'a eu de cesse, le 16 mars, d'y qualifier les casseurs présents à Paris de "pillards" et d'"assassins". 

"S'il ne faisait aucun tweet, on le lui reprocherait. Mais c'est vrai qu'il tweete un peu trop", reconnaît un autre élu de la majorité, qui préfère la communication plus sobre du Premier ministre. 

"Le vrai problème, c'est que quand il y a dysfonctionnement, comme l'a dit Nuñez sur RTL, on ne parle pas de gosses de 5 ans qui jettent des billes. Là, on a affaire à 1500 sauvageons, donc la moindre erreur, on la paye 'cash'", développe ce député. Et d'ajouter:

"Castaner a un job qui n'est pas facile. Après, on a eu des discussions sur un changement de la doctrine de maintien de l'ordre dès la 2e semaine du mouvement, et on en est à la 18e. Je comprends qu'on veuille éviter un Malik Oussekine, mais bon..."

Delpuech, fusible de substitution

Cette crainte, celle d'avoir un décès chez les forces de l'ordre ou chez les manifestants, pèse sur l'ensemble de la chaîne de commandement.

"Depuis la mort de Malik Oussekine (en 1986), on a à Paris une doctrine de maintien de l'ordre basée sur le statique, et non pas sur le dynamisme comme c'est le cas en province. Et c'est ce qu'il faut absolument changer", affirme Jean-Michel Fauvergue. 

Pour d'autres députés LaREM, la responsabilité des errements du 16 mars n'est pas à chercher du côté de Beauvau, mais plutôt du côté de la préfecture de police de Paris. "C'est un État dans l'État", déplore un élu.

Bon timing. Parmi les annonces faites ce lundi après-midi par Édouard Philippe, il y a eu le limogeage du préfet Michel Delpuech au profit de son homologue de la Gironde, Didier Lallement. Un remplacement qui permet de faire l'économie d'un quelconque changement au ministère de l'Intérieur.

Par ailleurs, Christophe Castaner a été convoqué mardi par les commissions des Lois et des Affaires économiques du Sénat, avec son collègue du gouvernement Bruno Le Maire. L'occasion, peut-être, de sortir renforcé d'une crise qui aurait pu faire vaciller ce proche d'Emmanuel Macron.

Jules Pecnard