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35 heures : retour sur une polémique en cinq actes

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault - -

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a provoqué un tollé en jugeant "non taboue" la question d'un retour aux 39 heures.

Jean-Marc Ayrault a déclenché mardi un tollé jusqu'au sein de son gouvernement en évoquant dans un entretien au Parisien le sujet du retour aux 39 heures par semaine, une question qu'il a jugée non taboue. Retour sur une polémique en cinq actes.

Acte 1 : Ayrault ouvre la porte aux 39h

Face à un panel de lecteurs du Parisien/Aujourd'hui en France, le Premier ministre a d'abord lancé un pavé dans la mare en estimant que le retour aux "39 heures payées 39" est un thème qui fera "débat". "Mais pourquoi pas ? Il n'y a pas de sujet tabou. Je ne suis pas dogmatique", ajoutait-il.

Jean-Marc Ayrault, qui multiplie depuis plusieurs semaines les rencontres avec des chefs d'entreprises, relevait en particulier dans cet entretien que les 35 heures ont "causé plus de difficultés aux petites entreprises, il ne faut pas le nier".

Acte 2 : le gouvernement incrédule

Le ministre du Travail, Michel Sapin est ensuite interrogé sur RTL. Il met immédiatement en garde contre une éventuelle suppression des 35 heures qui doivent selon lui rester la durée légale du travail de "référence".

"Supprimer les 35 heures, c'est supprimer les heures supplémentaires, c'est donc travailler plus pour payer moins", prévient-il. "Il dit qu'il n'y a pas de tabou [...] mais enfin il dit qu'il n'est pas favorable à cette mesure", a pour sa part relevé le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, pour qui il y "aura sûrement un débat" sur les 39 heures.

Face aux réactions jusqu'au sein de son gouvernement, Jean-Marc Ayrault a dû mardi matin atténuer, lui-même, ses propos en assurant sur France Info qu'il n'est "pas question de revenir sur les 35 heures parce que ce n'est pas la cause de nos difficultés économiques, il y en a beaucoup d'autres".

Acte 3 : les syndicats scandalisés

Les déclarations de Jean-Marc Ayrault ont fait sortir de ses gonds le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, qui a lancé sur France Info qu'il n'était "pas question de remettre en cause la durée légale du travail".

Si le gouvernement y touchait, il trouverait "la CFDT en travers de sa route", a averti le dirigeant cédétiste.

Les 35 heures sont "un acquis social", a estimé de son côté Maurad Rabhi, secrétaire confédéral de la CGT chargé de l'emploi.

Le présidente du Medef, Laurence Parisot, a salué la prise de position du Premier ministre, qui montre selon elle que les 35 heures posent réellement "problème".

Acte 4 : l'opposition jubile

L'opposition, qui réclame depuis des années une remise à plat des 35 heures sans pour autant avoir touché à la durée légale du travail quand elle était au pouvoir, s'en est pour sa part donné à cœur joie.

"C'était trop beau pour être vrai ! J'ai, pendant quelques minutes, fait un rêve : que le Premier ministre endossait enfin les habits du courage politique", a ironisé l'UMP Jean-François Copé. "Hélas, cela n'aura duré que quelques minutes, puisqu'il a été immédiatement rectifié sur la question des 39 heures par son subordonné, le ministre du Travail", a-t-il ajouté.

Un couac également commenté par l'ancien Premier ministre François Fillon. Au micro de BFMTV, celui-ci a dénoncé un quiproquo symbolique, selon lui, de "l'amateurisme" du gouvernement socialiste.

L'ex-ministre UMP Valérie Pécresse a elle aussi "salué l'éclair de lucidité de Jean-Marc Ayrault" qui s'est, selon elle, rallié à ce qui est aussi une des grandes propositions de François Fillon, rival de Jean-François Copé pour la présidence de l'UMP, à savoir la suppression des 35 heures.

Avant la mise au point de Jean-Marc Ayrault, l'ex-ministre UMP Nadine Morano avait que ce dernier était "totalement décrédibilisé", en commentant sur Europe1.fr les propos croisés du Premier ministre et du ministre du Travail. "C'est incroyable. J'ai le sentiment que Sapin a exécuté le Premier ministre en direct à la radio !".

Une vision partagée par le président de l'UDI Jean-Louis Borloo, lequel a estimé sur BFMTV que Jean-Marc Ayrault avait été "rectifié" par son ministre du Travail.

Acte 5 : Ayrault clôt l'incident à l'Assemblée

Interpellé à l'Assemblée à ce sujet, le Premier ministre a réaffirmé sa position.

"Je vais vous décevoir : la position qui est la mienne et qui a toujours été la mienne, c'est d'ailleurs pour cela que je combats votre politique, c'est que la durée légale du travail est de 35 heures et elle ne changera jamais tant que la gauche sera au pouvoir", a-t-il lancé au président du groupe UMP, Christian Jacob, qui l'interpelait.

Vivement critiqué jusque dans son propre camp, le Premier ministre était déjà revenu sur ses déclarations de la matinée : "Ce n’est pas une maladresse [...], c'est une politesse".