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Politique

Gouvernement économique : Berlin impose sa vision à Paris

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par Emmanuel Jarry

BERLIN (Reuters) - L'Allemagne et la France ont rapproché lundi leurs positions sur un gouvernement économique de l'Europe mais Berlin a imposé sa vision à Paris, qui a renoncé à l'institutionnalisation des sommets de l'Eurogroupe.

Une semaine après leur rendez-vous manqué du 7 juin, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se sont retrouvés à Berlin pour un entretien et un dîner de travail, dont la gouvernance économique de l'Europe était un des principaux sujets.

A trois jours du Conseil européen de jeudi, la chancelière et le président se sont accordés pour considérer que les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'Union européenne devaient constituer le gouvernement économique de l'Europe.

"Nous avons besoin d'un gouvernement économique renforcé, plus fort que ce qui existe aujourd'hui et, pour moi, et ça c'est un point important, ce gouvernement économique se sont les 27 chefs d'Etat et de gouvernement", a déclaré Angela Merkel lors d'une conférence de presse commune.

"Ce n'est que de cette façon, compte tenu des faiblesses dont souffre l'Europe aujourd'hui, que nous pourrons refaire aller l'Europe de l'avant", a-t-elle ajouté.

Elle a également dit être convenue avec le président français de la possibilité de réunir les chefs d'Etat et de gouvernement des 16 Etats de la zone euro "en cas de nécessité", comme cela s'est déjà produit trois fois depuis le début de la crise financière internationale en 2008.

"Il ne s'agit pas de créer de nouvelles institutions", a cependant pris soin d'ajouter la chancelière allemande.

"PRAGMATISME"

Exit, donc, les réunions régulières des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro, que Nicolas Sarkozy avait proposé en vain en 2008 et qu'il espérait pouvoir remettre à l'ordre du jour après la crise de la dette grecque et de l'euro.

Exit aussi le secrétariat général permanent dont la France souhaitait doter ce gouvernement économique de la zone euro.

Nicolas Sarkozy l'a confirmé quelques instants plus tard, en invoquant le "pragmatisme".

Il s'est ainsi dit "convaincu", à l'instar d'Angela Merkel, que la solution aux problèmes de l'Europe ne résidait pas dans la création de nouvelles institutions.

"Ce qu'on a choisi de faire, c'est d'être pragmatique, d'être opérationnel et de montrer une Europe réactive (...) et ne pas nous engager dans des débats théologiques qui nous feraient beaucoup de mal", a-t-il dit.

"Donc (...) l'espace naturel de ce gouvernement économique est à 27 mais s'il y a un problème dans la zone euro, eh bien on se réunira dans le cadre de la zone euro et on a convenu tous les deux qu'il valait mieux alléger les systèmes européens en ne multipliant pas les institutions", a-t-il ajouté. "Je crois qu'en faisant, ça on a fait chacun un pas vers l'autre."

Si Nicolas Sarkozy a pu dire sa "joie" d'entendre Angela Merkel défendre l'idée d'un gouvernement économique de l'UE dont elle a longtemps rejeté l'idée-même, la France semble cependant avoir fait une enjambée plus grande que l'Allemagne.

Celle-ci en reste peu ou prou à ses positions de ces dernières semaines. Et son acceptation de réunions des chefs d'Etat et de gouvernement des Seize "en cas de nécessité" est une concession en trompe-l'oeil, dans la mesure où c'est déjà ce qui se fait depuis la crise de 2008.

ACCORD SUR LE PACTE DE STABILITÉ

On est loin, en revanche des positions qui étaient encore défendues ces derniers jours par Paris.

"Pour nous, le gouvernement économique, c'est forcément à 16", disait ainsi à Reuters un haut responsable français la semaine dernière. "Il faut un minimum d'harmonisation des coûts du travail, de la fiscalité, etc. Le lieu pour en décider c'est l'Eurogroupe, et les personnes, ce sont les chefs d'Etat et de gouvernement."

Et d'ajouter qu'il fallait aussi un "secrétariat général pour assurer le suivi des décisions".

La présidence française affirmait pour sa part qu'il ne s'agissait plus de savoir si le gouvernement économique de l'Europe devait être à 27 ou à 16 : "Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est les deux et l'enjeu c'est de trouver le juste équilibre", expliquait l'entourage de Nicolas Sarkozy.

Lundi, Nicolas Sarkozy assurait que la France et l'Allemagne étaient "plus que jamais décidées à parler d'une même voix" et a qualifié de "bon" le compromis finalement atteint.

La chancelière allemande et le président français ont d'autre part lancé un appel au renforcement du pacte de stabilité et de croissance européen et se sont prononcés pour une suspension du droit de vote au Conseil européen des pays "laxistes" en matière budgétaire et financière.

Berlin et Paris n'écartent pas, dans cette perspective, une modification des traités.

Ils ont en outre annoncé l'envoi d'une lettre au Premier ministre canadien Stephen Harper, exposant leur position commune pour le sommet du G20 des 26 et 27 juin à Toronto.

Avec Sophie Louet à Paris, édité par Pascal Liétout