BFMTV
Rassemblement national

Assistants parlementaires FN: Marine Le Pen a-t-elle produit un contrat de travail "faux"?

Marine Le Pen au Parlement européen, le 7 juillet 2015.

Marine Le Pen au Parlement européen, le 7 juillet 2015. - Patrick Hertzog - AFP

Alors que la justice française enquête sur l'activité de plusieurs assistants parlementaires d'eurodéputés frontistes, l'Office européen de lutte antifraude lui a transmis en juillet son rapport sur ces emplois, dont certains sont soupçonnés d'être fictifs. Le document, dont des extraits sont publiés par Mediapart ce jeudi, pointe le contrat et le bulletin de travail "apparemment faux" qu'aurait produits Marine Le Pen.

Il n'y a pas que l'affaire François Fillon. Même si cela ne semble pas affecter sa campagne, ni ses résultats dans les sondages, Marine Le Pen fait, elle aussi, l'objet de soupçons d'emplois fictifs. Le Parlement européen soupçonne le Front national d'avoir employé plusieurs assistants parlementaires qui travaillaient en réalité pour le parti et non dans le cadre des mandats européens de leurs députés. En décembre 2016, le parquet de Paris s'est d'ailleurs emparé du dossier, ouvrant une information judiciaire (après avoir d'abord ouvert une enquête préliminaire) pour abus de confiance, recel d’abus de confiance, escroquerie en bande organisée, travail dissimulé, faux et usage de faux.

L'enquête concerne la période 2010-2014, soit deux mandats consécutifs, et repose en partie sur les investigations de l'Olaf, l'Office européen de lutte antifraude, qui a passé au peigne fin l'activité des douze assistants parlementaires employés par le FN sous les deux mandats. Ce rapport a été remis en juillet à la justice, et des extraits en sont publiés ce jeudi par Mediapart et Marianne, qui ont enquêté sur le sujet. Alors que Marine Le Pen et le Front national se disent victimes de persécutions à ce sujet, ce document de 28 pages pourrait s'avérer embarrassant pour la présidente du parti.

7.237 euros net par mois pour un temps partiel

Cette dernière est visée en particulier pour avoir employé Thierry Légier, qui était en parallèle son garde du corps, et Catherine Griset, qui travaillait sous son autorité directe au siège du Front national, à Nanterre.

"Après un premier contrat de quatre mois, en 2009, Thierry Légier (...) en a signé un second du 1er octobre au 31 décembre 2011. Il bénéficiait alors d’une rémunération mensuelle de 7.237 euros net pour un trois quart temps. L’équivalent de '9.649 euros net à temps plein', précisent les enquêteurs de l’Olaf, qui ont tiqué sur cette rémunération qualifiée d’'extrêmement élevée'", explique Marianne.

Un bulletin et un contrat "apparemment faux"

De plus, concernant les activités du garde du corps, l'Olaf estime que Marine Le Pen a produit un bulletin de salaire et un contrat de travail "apparemment faux" et que "Marine Le Pen a reconnu d'une part que les bulletins de salaire établis sur la période d'octobre à décembre 2011 (...) n'ont jamais été payés au bénéficiaire indiqué, M. Légier, et que d'autre part elle n'avait pas employé M. Légier pendant ces 3 mois".

"L'objet de cette opération aurait été d'obtenir du Parlement la régularisation de dépenses de salaires et charges antérieurs qui n'avaient pas été payées par ce dernier", précise le rapport.

En clair, Marine Le Pen aurait utilisé les bulletins en question non pas pour rémunérer son assistant, qui selon elle n'a pas travaillé à cette période, mais pour obtenir le remboursement de frais. Comme le précise aussi le document, "les faits en question pourraient être constitutifs d’infractions pénales d’abus de confiance, voire d’escroquerie ainsi que de faux et d’usages de faux, selon les dispositions respectives du code pénal français." 

Réaction de Marine Le Pen

Ce vendredi, la présidente du Front national a réagi à ces informations, niant avoir "reconnu" quoi que ce soit. "Je n'ai jamais reconnu quoique ce soit devant des enquêteurs que je n'ai jamais vu", a-t-elle déclaré sur France Bleu Besançon, alors que son avocat, Maître Marcel Ceccaldi, a réagi lui aussi par voie de communiqué.

"Ma cliente n'a jamais "reconnu avoir salarié fictivement" son assistant mais a fait procéder à une régularisation comptable. Elle n'a d'ailleurs jamais fait l'objet de la moindre audition de la part de l'OLAF", explique l'avocat, qui confirme par la même occasion que le bulletin visait à rembourser des frais. 

L'avocat explique également que Marine Le Pen conteste le salaire évoqué.

340.000 euros retenus sur les indemnités de Marine Le Pen

"Les fonctionnaires de l'OLAF ont assisté les policiers français dans l'exploitation des données saisies dans le cadre des perquisitions. Les enquêteurs doivent établir les faits qui sont susceptibles d'être poursuivis, ceux qui ne le sont pas, et ceux qui sont prescrits", explique Mediapart, qui rappelle que l'Olaf est un organe administratif qui a pour but de mener des enquêtes puis de faire des recommandations. S'il estime que des poursuites sont justifiées, il transmet ses conclusions au Parlement européen et aux autorités du pays concerné, et c'est ce qui s'est passé dans cette affaire. 

Pour cette même affaire, Marine Le Pen a refusé de rembourser les 340.000 euros de salaire versés à ces deux assistants (Thierry Légier et Catherine Griset) que lui réclame le Parlement européen. Depuis le 1er février, ce remboursement est directement retenu sur les indemnités de l'eurodéputée, comme le précise Mediapart: 50% de son indemnité d'élue, 100% de ses frais généraux et 50% de ses indemnités journalières sont ponctionnés. 

Charlie Vandekerkhove