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Politique

François Hollande et la fiscalité, une histoire d'amour vache

François Hollande aime la fiscalité et ses pièges, c'est pourtant sur ce terrain qu'il a enregistré certains des revers les plus spectaculaires de son début de quinquennat: le recul face aux "pigeons" et désormais la censure de sa taxe à 75% sur les ultra

François Hollande aime la fiscalité et ses pièges, c'est pourtant sur ce terrain qu'il a enregistré certains des revers les plus spectaculaires de son début de quinquennat: le recul face aux "pigeons" et désormais la censure de sa taxe à 75% sur les ultra - -

par Jean-Baptiste Vey PARIS (Reuters) - François Hollande aime la fiscalité et ses pièges, c'est pourtant sur ce terrain qu'il a enregistré...

par Jean-Baptiste Vey

PARIS (Reuters) - François Hollande aime la fiscalité et ses pièges, c'est pourtant sur ce terrain qu'il a enregistré certains des revers les plus spectaculaires de son début de quinquennat: le recul face aux "pigeons" et désormais la censure de sa taxe à 75% sur les ultra-riches.

Ces échecs font écho aux atermoiements du candidat socialiste pendant la campagne présidentielle sur la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, quand ce qui semblait devoir être un chantier prioritaire était devenu un objectif "à terme".

Une autre polémique avait éclaté quand les socialistes ont émis l'idée de supprimer le quotient familial, une exception française dont le bénéfice est fortement concentré sur les ménages les plus riches. François Hollande a finalement décidé de se contenter d'abaisser le plafond de cet avantage fiscal.

L'"amour vache" de François Hollande pour la fiscalité avait déjà perturbé la campagne présidentielle de son ex-compagne Ségolène Royal, lorsqu'il avait jugé qu'on était "riche" avec 4.000 euros par mois, une formule qui avait aidé le futur vainqueur Nicolas Sarkozy.

Sortie du chapeau par le candidat socialiste pour consolider sa base électorale, la taxe à 75% sur les revenus dépassant un million d'euros par an avait surpris dans sa propre équipe, à commencer par celui qui allait devenir ministre du Budget, Jérôme Cahuzac.

Cette taxe est depuis devenue le symbole de la présidence Hollande à l'étranger et a été accusée de provoquer l'exil fiscal de grandes fortunes, à l'image de l'acteur Gérard Depardieu qui vient d'annoncer son départ en Belgique.

UNE TAXE DANS LES LIMBES

Après sa censure samedi par le Conseil constitutionnel, la taxe à 75% semble dans les limbes, sans nouveau calendrier précis ni détails sur la façon dont elle sera refondue.

"Cela sera bien voté dans les délais pour que cela s'applique sur les revenus 2013", a assuré le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, expliquant au Journal du Dimanche que "nous reviendrons en 2013 avec une mesure capable de mettre en oeuvre cette philosophie".

La droite, qui avait saisi le Conseil constitutionnel, a attaqué l'"amateurisme" du gouvernement, déjà contraint de reculer en octobre sur la taxation des cessions devant la fronde de chefs d'entreprise se faisant passer, par dérision, pour des "pigeons".

L'ancien ministre de l'Economie, l'UMP François Baroin, déclare au JDD que "la censure était courue d'avance", tandis que l'ancien président de la commission des Finances du Sénat et vice-président de l'UDI, Jean Arthuis, estime dans Le Parisien que "c'est la sanction de l'aveuglement dogmatique du gouvernement et d'une certaine façon la sanction de son amateurisme".

Annoncée quand le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, montait dans les sondages, cette taxe était davantage politique qu'économique. Elle devait toucher moins de 2.000 foyers pendant deux ans et rapporter quelques centaines de millions d'euros.

Au total, les mesures censurées représentent 300 à 500 millions d'euros et n'affecteront pas la trajectoire de réduction des déficits publics, a assuré Pierre Moscovici.

Les Sages ont ainsi également retoqué le relèvement de la fiscalité sur les stock-options et les actions gratuites et l'intégration dans le calcul du plafonnement de l'ISF des bénéfices ou revenus auquel le contribuable n'a pas encore accès.

UNE FUTURE RÉFORME TOUJOURS FLOUE

En censurant la taxe à 75%, le Conseil constitutionnel souligne une autre particularité du système français d'imposition des revenus, qui s'appuie sur la notion de foyer fiscal. Il estime ainsi que la taxe aurait créé une inégalité entre des foyers touchés et d'autres non touchés alors qu'ils gagnent au total des montants équivalents.

Les conséquences d'une refonte ou d'une suppression de ce "quotient conjugal", que la France et l'Allemagne sont les seuls à utiliser en Europe, pour individualiser l'imposition, sont un des obstacles sur la route d'une grande réforme fiscale.

Dans un entretien croisé réalisé par Mediapart en 2011 avec l'économiste Thomas Piketty, chantre d'une fusion impôt sur le revenu-CSG pour reprendre la progressivité du premier et l'assiette large de la seconde, François Hollande reprend cette idée mais tique sur les détails.

"Thomas Piketty est pour l'individualisation de l'impôt, je pense qu'il faut faire attention" aux hausses de prélèvements que cela déclencherait pour certains. "On crée un risque que la réforme ne soit pas comprise et ne soit pas admise."

"Je pense que dans un premier temps, il faut instaurer un transfert des hauts revenus vers les revenus moyens et modestes et ne pas créer de transferts à l'intérieur des revenus moyens et modestes", poursuit le futur président.

Le quatorzième engagement présidentiel de François Hollande prévoit "une grande réforme permettant la fusion à terme de l'impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d'un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR)".

Edité par Jean-Loup Fiévet