BFMTV
Politique

François Hollande contraint de sortir de l'ambiguïté

L'exécutif français, écartelé entre gauche radicale et contraintes économiques, a plus à perdre à cultiver le flou politique qu'à assumer une ligne clairement réformiste, selon des analystes interrogés par Reuters. /Photo prise le 3 décembre 2012/REUTERS/

L'exécutif français, écartelé entre gauche radicale et contraintes économiques, a plus à perdre à cultiver le flou politique qu'à assumer une ligne clairement réformiste, selon des analystes interrogés par Reuters. /Photo prise le 3 décembre 2012/REUTERS/ - -

par Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - L'exécutif français, écartelé entre gauche radicale et contraintes économiques, a plus à perdre à cultiver le...

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - L'exécutif français, écartelé entre gauche radicale et contraintes économiques, a plus à perdre à cultiver le flou politique qu'à assumer une ligne clairement réformiste, estiment des analystes interrogés par Reuters.

Le bras de fer entre ArcelorMittal et Arnaud Montebourg, avec son issue en demi-teinte et probablement pas définitive, l'a abondamment illustré.

En laissant le ministre du Redressement productif brandir l'arme de la nationalisation pour tenter de sauver les hauts-fourneaux de Florange sans aller finalement au bout de cette logique, le président François Hollande et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ont suscité des espoirs forcément déçus.

A l'inverse, ils ont pris le risque de conforter chez les investisseurs, en particulier étrangers, l'image d'une France en retard d'une mondialisation.

Pour l'ancien directeur général du Crédit Agricole SA George Pauget, président du cabinet de conseil Economie, Finance et Stratégie, ce n'est là que la dernière en date d'une série d'"erreurs psychologiques" commises par l'exécutif français.

"Je suis frappé de rencontrer des chefs d'entreprises qui disent 'on ne veut pas investir, on n'y voit pas clair'. La conséquence est que vous avez un pays à l'arrêt", dit-il.

Pour Céline Bracq, directrice adjointe de BVA Opinion, le dossier Florange est sans doute un moment clef de ce début de quinquennat de François Hollande pour la majorité "rose-verte".

De toute manière, les relations avec la gauche de la gauche, qui a défendu une nationalisation de l'usine d'ArcelorMittal et dénoncé la solution finalement retenue par le gouvernement, risque d'être tendue, fait-elle valoir.

"AUTANT SORTIR DE L'AMBIGUÏTÉ"

Le Parti communiste et ses alliés du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon ont déjà empêché l'adoption de plusieurs textes au Sénat, où le PS n'a pas seul la majorité.

"Autant sortir de l'ambiguïté et expliquer exactement ou l'on va et ce que l'on fait et ne pas toujours faire des retours en arrière", ajoute la même analyste. "Sinon cela crée une espèce de doute, d'hésitation continue et d'espoir déçu et il n'y a rien de pire que l'espoir déçu en matière d'opinion."

Un avis partagé par le député socialiste Christophe Caresche, selon qui nombre d'élus et responsables de gauche auraient voulu faire de la nationalisation de l'usine un "symbole de la reconquête" du pouvoir économique par l'Etat.

"Mais je ne crois pas qu'on réglera les problèmes en donnant des gages à la gauche radicale", dit-il à Reuters.

Pour lui, l'orientation réformiste de François Hollande et du gouvernement ne fait aucun doute - il en veut pour preuve le "pacte de compétitivité" récemment annoncé en faveur des entreprises ou la politique européenne du chef de l'Etat.

Mais il regrette qu'elle ne soit "pas suffisamment assumée et expliquée", que l'exécutif ait une approche "trop tacticienne" et fasse les choses "sans le dire ou les assumer de crainte de mécontenter un certain nombre de gens".

Pour Christophe Caresche, "c'est la pire des situations", car "si vous faites les choses sans les assumer politiquement en donnant le sentiment que vous êtes gêné aux entournures, c'est là que vous avez des problèmes".

"Le risque c'est qu'on dérive et qu'on soit soumis à la pression de Mélenchon. Quand on n'a pas soi-même les idées claires, ce sont ceux qui en ont qui les imposent."

INFLEXION PROGRESSIVE

François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont déjà sensiblement infléchi leur discours depuis le mois de septembre, notamment lors de la première conférence de presse du chef de l'Etat et de la présentation du pacte de compétitivité.

Ils ont ainsi admis que la France avait un problème de coût du travail, se sont résigné à la fermeture de l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois ou à augmenter la TVA et à tailler dans la dépense publique pour financer leur plan compétitivité.

Pour Jérôme Fouquet, de l'institut de sondage Ifop, cette inflexion est précisément le signe d'une sortie progressive de l'ambiguïté sous la pression des contraintes économiques.

Il explique la dégradation rapide de la cote de popularité de François Hollande par le fait que les Français ont eu le sentiment qu'il n'avait pas pris toute la mesure de la gravité de la crise économique et "ne savait pas comment y répondre".

"D'où l'intérêt de trancher, quitte à prendre le risque d'avoir des problèmes avec l'aile gauche de la majorité, plutôt que de renvoyer l'image d'un gouvernement pris au piège de ses contradictions internes", estime cet analyste.

Le fait que le gouvernement n'ait pas suivi Arnaud Montebourg est "un signal supplémentaire que c'est la ligne réaliste, réformiste ou sociale-libérale qui prévaut", dit-il.

Mais "on peut se demander s'il n'y pas une autre ligne de fracture en gestation au sein-même du PS, avec une aile gauche qui estimerait que le curseur est trop reparti vers le centre et qu'on en fait trop pour satisfaire les demandes des milieux économiques", ajoute-t-il cependant.

Edité par Yves Clarisse