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Proposition de Placé: "Les lois pour contrer la diffamation sur Internet existent déjà"

L'UEJF avait lancé son combat judiciaire après la diffusion en octobre 2012 de très nombreux tweets reprenant les mots-clés #unbonjuif et #unjuifmort

L'UEJF avait lancé son combat judiciaire après la diffusion en octobre 2012 de très nombreux tweets reprenant les mots-clés #unbonjuif et #unjuifmort - -

Le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé veut légiférer à propos des insultes, notamment racistes, sur Internet. Mais des "moyens efficaces existent" déjà, assure une avocate spécialisée à BFMTV.

Le président du groupe écologiste au Sénat, Jean-Vincent Placé, a annoncé dimanche son intention de plancher sur une proposition de loi visant à faciliter les procédures judiciaires afin de lutter contre les insultes et diffamations sur les réseaux sociaux. "L'anonymat ne peut plus être une protection dans le cadre d'insultes et diffamations sur la Toile", fait-il valoir. Alice Guizard-Collin, avocate spécialisée dans le conseil sur les contentieux internet et informatique, évalue cette "annonce" pour BFMTV.com.

Une loi, comme celle évoquée par Jean-Vincent Placé, est-elle utile pour "réguler" la diffamation et l'injure sur Internet?

Les lois pour contrer ces pratiques existent déjà. Le texte du 21 juin 2004, intitulé "Pour la confiance dans l'économie numérique", expose déjà que "tout contenu illicite", et donc raciste, "peut être supprimé". Il existe plusieurs niveau d'intervention pour ce faire. D'abord la notification directe à l'auteur si on est en capacité de le désigner (article 6). Ensuite, si l'auteur est protégé par un pseudonyme, comme cela est souvent le cas, une notification peut être adressée à l'éditeur du site Internet. Enfin, si ce dernier n'est pas identifiable - y compris dans les mentions légales obligatoires - une notification peut être envoyée à l'hébergeur du contenu.

Une notification, c'est une mise en demeure de retirer un contenu. Pour l'hébergeur qui est le dernier recours, il n'a pas l'obligation de surveiller les contenus publiés mais s'il ne retire pas un contenu répréhensible signalé, sa responsabilité est alors engagée. Les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête, n'échappent pas à la règle et ont développé des "boutons" qui permettent à leurs utilisateurs de signaler des contenus jugés déplacés.

Une nouvelle loi est donc inutile...

Oui d'autant plus que la loi de la presse de 1881 régit également la diffamation et les propos à caractère racistes. Des outils performants sont à disposition aujourd'hui avec les pays qui coopèrent. Bien sûr, il est plus simple d'intervenir dans certains pays plutôt que dans certains autres. Mais en France, on peut supprimer un contenu en moins de cinq jours après l'avoir fait constater par un huissier de justice, car il faut justifier sa demande auprès du juge.

Sur les réseaux sociaux "grand publics" qui inquiètent aujourd'hui, les données d'identification des internautes et des contenus postés sont conservées, idem pour les fournisseurs d'accès ou les hébergeurs. Les juges n'hésitent pas quand l'infraction est caractérisée et il est aisé d'obtenir des informations: l'adresse IP d'abord puis l'identité. Alors oui, il est toujours possible de contourner la loi, mais les moyens efficaces existent pour retrouver les auteurs.

Jean-Vincent Placé cite par exemple le site internet d'Alain Soral, proche de Dieudonné. Faut-il "contrôler" Internet en France?

Intervenir sans passer par un juge est une erreur. La liberté d'expression doit être garantie tant que l'infraction n'est pas réelle, quel que soit le lieu de publication. Il est important de conserver le cas par cas et de se placer sous l'autorité du juge. Il ne doit pas y avoir de doute et la loi précise bien: le contenu doit être "manifestement illicite".

Les réseaux sociaux obéissent à la même logique que n'importe quel site internet, c'est leur fonctionnalité qui est différente. Juridiquement c'est équivalent et les procédures, si elles restent perfectibles, sont aussi pertinentes.

Propos recueillis par Samuel Auffray