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Marine Tondelier, la bonne élève à la tête des écologistes

Marine Tondelier le 18 juin 2020 à Hénin-Beaumont

Marine Tondelier le 18 juin 2020 à Hénin-Beaumont - FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Appréciée des militants EELV, la trentenaire prend la direction d'un parti fragilisé. Mais celle qui s'est construite politiquement contre Marine Le Pen promet "avoir de la force" et met le cap sur les européennes en 2024, sans La France insoumise.

Un profil qui coche tous les cases sans jamais sortir du cadre. Marine Tondelier vient d'être très largement élue à la tête des écologistes avec 90,8% des voix des 400 délégués du congrès.

"Une nouvelle page s’ouvre, nous allons repartir à l’offensive avec une ligne politique claire, ambitieuse, authentique. (...) L’objectif, c’est un million de sympathisantes et de sympathisants avant la fin du mandat", a-t-elle lancé lors de son discours samedi soir. Nous devons nous refonder. Cette classe écologique est partout, pas seulement dans les métropoles".

Charge en effet à la conseillère régionale des Hauts-de-France de consolider désormais un mouvement abîmé par une présidentielle jugée désastreuse et l'affaire Bayou. Pas de quoi faire peur à la jeune femme de 36 ans, qui, inconnue du grand public, à réussi à mettre KO la motion de Yannick Jadot et de Sandrine Rousseau fin novembre.

"Une sorte de plan de carrière"

"Ma victoire a surpris tout le monde. Mais les militants n'arrêtent pas de me dire que je leur ressemble parce que je suis courageuse et que je sais ce qu'est une situation compliquée, dure politiquement", décrypte cette fan de trail auprès de BFMTV.com.

Il faut dire que Marine Tondelier dispose d'un atout d'importance dans sa manche dans un parti qui adore les psychodrames: celle d'avoir toujours su être proche des directions successives depuis presque 10 ans.

"Dès qu'elle est arrivée chez nous, elle a d'emblée eu dans la tête l'idée d'avoir des responsabilités nationales, comme une sorte de plan de carrière", assure ainsi Hélène Hardy, l'une de ses concurrentes pour prendre la tête d'Europe-Écologie-Les-Verts.

José Bové et les OGM

Diplômée de Sciences-Po Lille, la trentenaire tombe dans la marmite politique en 2009 lors d'un meeting de José Bové et Eva Joly pendant la campagne des européennes. Dans la salle, elle voit des dizaines de sympathisants qui portent des tee-shirts contre les OGM, contre le nucléaire ou en soutien à la Palestine.

"C'est un peu étrange à dire mais je me suis sentie très alignée, au bon endroit dès cet instant", assure celle qui prépare alors le concours pour devenir directrice d'hôpital.

Avant donc de dire bye bye à l'administration hospitalière, foncer à Copenhague pour la Cop 15 et prendre sa carte chez les écologistes. Elle y rencontre son compagnon, avec qui elle aura un petit garçon en 2019 et "des amis pour la vie".

Combat à Hénin-Beaumont

Celle que beaucoup décrivent en interne comme "la bonne copine" monte pour la première fois au combat en 2012 à Hénin-Beaumont, la ville dans laquelle elle a grandi et affronte Marine Le Pen aux législatives.

Si elle ne recueille que 1,63% des voix, elle se fait repérer des journalistes alors que la candidate du RN affrontait également Jean-Luc Mélenchon. Avec une stratégie parfois étonnante comme lorsqu'elle pousse la chansonnette lors d'un karaoké de la brocante de la commune.

"On va s'aimer dans un avion à Bamako, on va tous tenir, revenez chez nous", chante-t-elle, avec son équipe de campagne hilare, alors que Marine Le Pen est attablée à table à quelques mètres en train de boire un verre de rosé.

Si la quinquagénaire ne gagne pas, deux ans plus tard, c'est Steeve Briois, l'un des intimes de la patronne du RN, qui devient le maire de cette commune du bassin minier en 2014.

"Elle est courageuse parce qu'elle aurait pu aller se faire élire ailleurs, dans un endroit plus facile. Après, elle est l'incarnation des Verts issus d'une classe sociale assez aisé, loin des problématiques des électeurs RN et qui ne risque pas vraiment d'inverser la vapeur", analyse un ancien écologiste.

Des groupes de paroles pour militants "dans l'adversité"

Élue conseillère municipale d'opposition dans la foulée, cette fille de médecins raconte dans un livre "l'embauche de proches et d'élus du FN" ou encore "les injures proférées à l'encontre des habitants".

De quoi fâcher Steeve Briois qui lui a intenté un procès en diffamation pour lequel elle est d'abord relaxée avant que le maire RN ne soit débouté en seconde instance. Le bras de fer lui donne en tout cas des idées alors qu'elle se représente à nouveau contre lui aux municipales puis contre Marine Le Pen entre 2017 et 2022.

La jeune femme lance alors un groupe pour "soutenir les militants dans l'adversité" avec au menu de la sophrologie et des groupes de parole, à commencer par celui d'EELV dans le bassin minier.

Et de raconter que pendant le mouvement des Gilets jaunes, elle se rendait avec son bébé dans une poussette pour aller à leur rencontre sur les ronds-points du Pas-de-Calais pour défendre une "écologie populaire".

"Marine n'a jamais été où c'était facile. Vous savez, elle aurait pu avoir un pur parcours d'apparatchik et ça n'a jamais été son cas", se félicite l'un de ses proches David Cormand.

"Personne ne sait vraiment quelles sont ses idées"

La jeune femme a pourtant travaillé aux côtés de Cécile Duflot à l'Assemblée nationale puis d'une sénatrice écologiste pendant plusieurs années. Avant de devenir finalement salariée pendant 8 ans d'une fédération environnementale, multipliant pendant des années les allers-retours entre Hénin-Beaumont où elle vit toujours et Paris - elle a finalement quitté son poste début décembre.

Ces dernières années, soucieuse de son influence au sein du parti, l'écologiste organise les journées d'été du parti : une belle mission pour rencontrer des centaines de militants, tous les élus locaux qui l'ont quasiment tous soutenu pour le congrès, et de nombreux journalistes.

Jusqu'à soutenir la campagne d'Éric Piolle à l'été 2021, alors que le maire de Grenoble est grand favori de la primaire interne. Finalement battu au premier tour, la trentenaire se tourne vers Yannick Jadot, dont elle devient porte-parole.

"Elle a un côté très plastique. Personne ne sait vraiment quelles sont ses idées, là où elle veut emmener le parti. C'est peut-être ça sa chance. Personne ne peut pas en vouloir à quelqu'un comme ça", tance une sénatrice socialiste.

Cap vers les européennes sans La France insoumise

Dans un parti qui voudrait bien accélérer sa notabilisation et qui compte sur les prochaines échéances électorales, sa figure consensuelle rassure. Autre atout dans la manche de Marine Tondelier: elle est prête à faire une liste autonome aux européennes, sans La France insoumise qui aimerait bien, elle, une liste étiquetée Nupes.

"Il ne faut pas s'y tromper. Elle est sympa mais elle est bien là pour faire tourner la boutique et les européennes, ça a toujours été LE scrutin qui nous a permis de faire des scores et de récupérer des fonds. On va pas se faire hara kiri pour les beaux yeux de Mélenchon", traduit l'un de ses soutiens au parti.

Reste désormais à Marine Tondelier à trouver sa place de secrétaire nationale face à d'autres cadres du parti plus médiatisé bien que minoritaire à l'issue du scrutin. Pour asseoir sa position, Marine Tondelier veut placer très haut la barre: "un million de sympathisants d’ici 2027" et des "états généraux de l'écologie", dès le mois de janvier.

"Si on est attaqué, on répondra"

Lors de ce concours pour devenir fonctionnaire hospitalière, elle avait planché à Rungis. Son sacre a eu lieu ce samedi après-midi au même endroit. De quoi lui donner de "la force", promet-elle.

"Je n'ai aucun souci humain avec Sandrine Rousseau ni avec personne d'ailleurs. Mais j'en aurai un si on se met à dénigrer le parti. Si on est attaqué, on répondra". La "bonne copine" peut aussi hausser le ton.

Marie-Pierre Bourgeois