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Politique

Et si je n'avais pas menti...

« Les coulisses de la politique », tous les matins à 7h20 sur RMC et RMC.fr avec C. Jakubyszyn.

« Les coulisses de la politique », tous les matins à 7h20 sur RMC et RMC.fr avec C. Jakubyszyn. - -

Certains ministres et hauts fonctionnaires ont des états d'âme. Face à la radicalisation de la politique du gouvernement. Face, tout simplement, à la violence d’Etat.

Ecoutez « Les coulisses de la politique » du 16/09/10 :

« Et si je n’avais pas menti ? »... Le message est arrivé dans la nuit sur mon téléphone portable. Qui m'écrit ? Eric Besson ? Le ministre de l’Immigration, qui jure ne pas avoir eu connaissance de la fameuse circulaire anti-Roms de son collègue du ministère de l’Intérieur. « Et si je n’avais pas menti ? ». Brice Hortefeux ? Qui jure, lui, ne pas avoir visé la circulaire de son directeur de cabinet. « Et si je n’avais pas menti ? ». Bernard Kouchner ? Peut-être s'agit-il du ministre des Affaires étrangères, qui a expliqué qu’il avait envisagé de démissionner pendant l’été face à la politique anti-Roms.

« Et si je n’avais pas menti ? ». Ça veut dire : « Je vous supplie de me croire. Je suis au gouvernement mais je n’en cautionne pas tous les actes, toutes les violences ». Je sais, bien sûr, qui m'a envoyé ce SMS. Mais je ne vous dirai pas qui c'est. Il s'agit d'un ministre avec qui j’ai quelquefois des discussions franches et sincères. C’est un ministre qui nous prend à témoin de la violence qui règne aujourd’hui au sommet de l’Etat. Et on veut bien le croire.

Ma nuit a été décidément bien agitée. Car la violence d’Etat, c’est aussi ce communiqué arrivé depuis l’Elysée sur mon ordinateur peu avant 22 heures : « La Présidence de la République prend acte des excuses de Mme Viviane REDING, Vice-présidente de la Commission européenne, Commissaire à la Justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, pour ses propos outranciers à l’endroit de la France ». Quand vous acceptez des excuses – pardon, quand vous prenez acte, ce qui est déjà un peu méprisant - est-ce que vous remuez le couteau dans la plaie ? Est-ce que vous critiquez une nouvelle fois les propos de celui qui s’est excusé ? Oui, Mme Viviane Reding a eu tort. Tort de comparer des expulsions de Roms à des déportations pendant la seconde guerre mondiale. C’est plus qu’une erreur. C’est une faute. Une faute morale, une faute historique, une faute à l’égard des victimes des déportations. Nicolas Sarkozy a eu raison d’exiger des excuses. Mais pas pour lui. Des excuses pour les victimes de la seconde guerre mondiale.

En revanche, le président de la République n’a toujours pas présenté ses excuses pour une circulaire infamante de son administration. Une circulaire qui cible une population, une ethnie et qui pourrait faire condamner le gouvernement français devant n’importe quelle juridiction. Du Conseil d’Etat à la Cour de Justice européenne. Mais les Français donneront raison à Nicolas Sarkozy. Face à l’Europe, il est toujours payant de bomber le torse. L’Elysée le sait. L’Elysée fait de la politique. Hier mercredi, Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, expliquait avec mépris « ce n'est pas comme cela que l'on s'adresse à un grand Etat ». Tout à l’heure à Bruxelles, Nicolas Sarkozy dira la même chose : nous sommes un grand Etat. On ne nous parle pas comme ça. C’est pas tout à fait comme ça qu’on a fait l’Europe.

Allez, pour finir, encore de la violence d’Etat. A l’échelle du simple citoyen cette fois. A notre échelle. C’est ce matin dans Le Parisien. L’histoire du fils du patron de la police interpellé cet hiver sur les Champs-Elysées, zigzagant sur un scooter avec 0,79 g d’alcool dans le sang, et insultant les policiers. Vérification faite, il aurait vite été relâché. Le lendemain, au commissariat, les policiers ont été convoqués par leur supérieur : « Savez-vous qui a été amené au poste cette nuit ? » L’un a répondu « oui, le fils de la DGPN » [ndlr, la Direction générale de la police nationale]. Réponse du supérieur : « Je ne veux plus jamais entendre cette réponse ! Il ne s’est rien passé cette nuit ». Il y a certainement eu un policier dans ce commissariat qui a voulu qu’on sache.
Comme un ministre qui envoie un SMS dans la nuit.

Christophe Jakubyszyn