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Politique

Enquête sur des soupçons de corruption dans l'affaire de Karachi

Selon une source judiciaire, le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke (photo) va mener une enquête sur des soupçons de corruption dans le dossier visant le paiement de commissions occultes en marge d'une vente de sous-marins français au Pakistan en 1994.

Selon une source judiciaire, le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke (photo) va mener une enquête sur des soupçons de corruption dans le dossier visant le paiement de commissions occultes en marge d'une vente de sous-marins français au Pakistan en 1994. - -

Un juge d'instruction veut enquêter sur des soupçons de corruption en marge de la vente de sous-marins français au Pakistan en 1994, un dossier susceptible d'inquiéter Nicolas Sarkozy, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.

L'affaire est liée à l'attentat commis à Karachi le 8 mai 2002 dans lequel furent tuées 15 personnes, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la Direction des constructions navales (DCN), travaillant à la construction de ces sous-marins. La piste islamiste évoquée initialement a été abandonnée, les suspects ayant été blanchis au Pakistan. Divers renseignements, mais aucune preuve, laissent penser que l'armée pakistanaise aurait commandité l'attentat en représailles du non versement d'un reliquat des commissions par la France. Contre l'avis du procureur, qui jugeait ces faits prescrits, le juge Renaud Van Ruymbeke a jugé jeudi recevable une plainte pour "corruption et abus de biens sociaux" concernant un éventuel retour en France d'une partie de ces commissions destinées à des officiels pakistanais, lit-on dans l'ordonnance du magistrat que Reuters a pu consulter. Le procureur Jean-Claude Marin peut faire appel et bloquer au moins temporairement l'instruction. L'argent du contrat pakistanais pourrait être revenu pour partie en France afin de financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, selon les éléments d'une enquête préliminaire de police menée depuis l'été. Le nom du porte-parole de cette campagne, Nicolas Sarkozy, ministre du Budget du gouvernement Balladur en 1993-1995, figure dans des documents saisis par des policiers luxembourgeois lors d'une enquête au Grand-Duché avant l'été. UNE DÉCOUVERTE IMPLIQUANT BALLADUR
Par ailleurs, les policiers français ont saisi des pièces au Conseil constitutionnel montrant que ses rapporteurs avaient recommandé en vain le rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur, en raison de versements en espèces de plus de 13 millions de francs (deux millions d'euros) dans sa caisse, apprend-on dans l'ordonnance du juge van Ruymbeke. Edouard Balladur avait expliqué au Conseil constitutionnel que cet argent provenait de la "vente de gadgets et de T-shirts", est-il précisé par le juge. Cette explication a été jugée peu crédible par les rapporteurs du Conseil, qui relevaient 22 dépôts en espèces en mars et avril 1995, dont un de plus de 10 millions de francs le 26 avril 1995. Une mission d'information parlementaire a conclu au printemps dernier que le versement de 84 millions d'euros avait été convenu en marge du contrat de vente de sous-marins Agosta par la DCN au Pakistan, signé pour 826 millions d'euros par le gouvernement Balladur en 1994. Sur ces 84 millions, 33 ont été demandés au dernier moment par un intermédiaire libanais, Ziad Takieddine, envoyé par le ministre de la Défense de l'époque, François Léotard, toujours selon cette mission parlementaire. La trace de l'argent se perd dans les circuits off-shore à l'Ile de Man, au Liechtenstein, en Suisse et dans les Caraïbes, écrit le juge Van Ruymbeke. Jacques Chirac, une fois élu président contre Edouard Balladur, a ordonné l'arrêt des paiements de commissions, a montré l'enquête de police. Ce serait le mobile de l'attentat selon une enquête privée menée par d'ex-dirigeants de la DCN. D'après les documents saisis au Luxembourg, Nicolas Sarkozy serait à l'origine de la création de deux sociétés mises en place pour recevoir initialement les commissions, Heine et Eurolux. Le président français a contesté toute implication dans l'affaire et a parlé publiquement de "fable". Edouard Balladur a déclaré publiquement ne rien savoir de cette affaire. Il a dit devant la mission d'information parlementaire que les espèces de sa campagne provenaient de dons de militants dans les meetings.