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Politique

En ciblant Manuel Valls, l’UMP se trompe de combat

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno c'est tous les jours sur RMC à 8h25.

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno c'est tous les jours sur RMC à 8h25. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

Le groupe UMP a déserté l’Assemblée hier pour protester contre l’attaque de Manuel Valls envers le député Claude Goasguen et le refus du ministre de l’intérieur de présenter des excuses. Votre parti pris : en ciblant Manuel Valls, l’UMP se trompe de combat.

L’incident qui a opposé Manuel Valls à Claude Goasguen n’était ni grave ni choquant. C’était une attaque personnelle comme il y en a à chaque séance à l’Assemblée. Du reste, ce qu’a dit Manuel Valls est exact : Claude Goasguen, qu’il ait été ou non à Occident, a bien milité à l’extrême-droite dans sa jeunesse.

Donc ce n’est pas du tout la sortie de Manuel Valls qui justifie que l’UMP soit sortie de l’hémicycle. La vérité, c’est que l’UMP veut cibler Manuel Valls pour le mettre en difficulté – parce qu’il est, non pas le maillon faible mais le maillon fort du gouvernement. Mais en faisant cela, l’UMP se trompe de terrain, de tempo et même d’adversaire.

Pourquoi cela ? Vous pensez que Valls n'est pas un adversaire dangereux pour l'UMP?

Bien sûr que si. Mais l’UMP s’est fait plus de tort que de bien en sur-réagissant et en boycottant l’Assemblée. Tout le monde a compris que c’était du théâtre – et pour un élu, la politique de la chaise vide n’est pas une bonne façon d’honorer son siège.

Surtout, c’est une stratégie erronée : elle repose sur le sentiment que Manuel Valls est le prétendant le plus sérieux pour succéder à Jean-Marc Ayrault et qu’avec sa popularité, il pourrait restaurer le crédit de l’exécutif. Il faut donc l’affaiblir pour l’empêcher. Sauf que ce n’est pas le scénario de François Hollande – donc la droite gaspille ses coups. Et ces attaques aident même la majorité à se ressouder – donc l’UMP se tire une balle dans le pied.

Tous les sondages montrent que les Français pensent que Valls peut être à Matignon. C

C’est vrai mais il y a une forme d’illusion d’optique dans ces sondages. Manuel Valls est reconnu comme un ministre compétent et très actif, mais sa personnalité et son équation politique ne font pas de lui, aujourd’hui, le Premier ministre idéal pour François Hollande.

Il a montré une indépendance critique envers lui, qui pourrait faire passer sa nomination à Matignon pour une sorte d’abdication. Surtout, il est rejeté par une part importante de la majorité (chez les alliés du PS mais aussi au sein du PS). En fait, dans ce sondage, il y a plus de sympathisants de droite qui le réclament à Matignon. C’est aussi ce qui agace l’UMP. Mais c’est un vrai handicap pour Manuel Valls.

A la suite des incidents de ces deux derniers jours, des députés de droite et de gauche proposent la suppression des séances de questions au gouvernement. Une bonne idée?

Pas du tout. L’argument est que ces séances donnent une mauvaise image de la politique – donc on ne donnerait plus d’image du tout. C’est absurde. Le spectacle fait partie de la politique, le débat parlementaire est un moment démocratique, même s’il ne porte pas sur un texte de loi.

Dans tous les Parlements du monde, il y a des effets oratoires et des incidents surjoués – c’était déjà le cas sous Jaurès et Clémenceau. Si on veut supprimer tout ce qui relève du cérémonial inutile, on peut commencer par le conseil des ministres (où il ne se passe jamais rien d’important)… Il y a un discrédit de la parole politique. Ce n’est ni par l’absence ni par le silence qu’on peut y remédier.

Hervé Gattegno