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Quand François Hollande défend BFMTV en Egypte

Le Président français a assuré ce dimanche que les questions sur les droits de l'homme en Egypte ne constituaient pas une "attaque" contre le pays.

L'entourage de François Hollande avait assuré que les droits de l'homme seraient évoqués "de manière discrète et efficace" au Caire. Mais le sujet a occupé la quasi-totalité de la conférence de presse donnée dimanche par François Hollande et son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

L'envoyé spécial de BFMTV, Adrien Gindre, a posé au Président français une question portant sur les violations des droits de l'homme commises par le régime égyptien. Les cas du français Eric Lang, arrêté en 2013 au Caire par la police et retrouvé battu à mort dans sa cellule, ainsi que celui de l'étudiant italien Giulio Regeni, mort sous la torture fin janvier dans cette même ville, ont été cités.

"Nous avons évoqué avec le président Sissi les droits de l’Homme, y compris les sujets les plus sensibles", a assuré le chef de l'Etat français. Son entourage a indiqué qu'il allait remettre à son homologue égyptien lors d'un tête-à-tête une liste d'une quinzaine de cas de violations présumées des droits de l'Homme, sans plus de précisions. 

Sourire crispé, le maréchal al-Sissi a fait une précision qui ne manquait pas de sel: "Nous apprécions tout à fait votre question et nous voulons vous rassurer." Pour justifier un régime particulièrement dur, le maréchal al-Sissi prétexte la lutte contre le terrorisme.

"La région dans laquelle nous vivons est une région très perturbée. Les critères en Europe, qui sont au sommet du progrès et de la civilisation, ne peuvent prévaloir dans la situation que vit notre région, notamment l’Egypte, a-t-il répondu. Nous sommes confrontés à des forces diaboliques qui essaient d’ébranler l’Egypte", notamment par "ces accusations qui visent à affaiblir la police, la justice".

"Manque de transparence" des médias occidentaux

La question a également agacé un journaliste égyptien visiblement proche du pouvoir. Il y a vu une "entrave aux relations" des deux pays et dénoncé le "manque de transparence, de franchise et de sincérité" de certains médias occidentaux (voir la séquence isolée dans la vidéo ci-dessus). 

Une fois n'est pas coutume, François Hollande a pris la défense de la presse occidentale en assurant qu'il ne fallait pas voir dans ces questions "une attaque" mais une "attente et aussi une 'exigence'". "C’est parce que nous sommes très attachés à ce que représente l’Egypte que cette question est légitime", a-t-il défendu.

"C'est en parlant, c'est en faisant en sorte de converger dans la lutte contre le terrorisme que nous pourrons aussi apporter des réponses en matière de droits de l'homme", a-t-il assuré.

Graves répressions contre la société civile

Avant le voyage, la Fédération internationale des Droits de l'Homme (FIDH), Amnesty international et Human Rights Watch (HRW) notamment ont dénoncé le "silence assourdissant" de la France sur la "gravité de la répression contre la société civile" égyptienne, "au prix d'une augmentation vertigineuse de la pratique de la torture, des incarcérations abusives, des disparitions forcées et des violences (...) sans précédent dans l'histoire récente de l'Egypte".

Depuis que Abdel Fattah al- Sissi, alors chef de l'armée, a destitué et fait arrêter en juillet 2013 le président islamiste Mohamed Morsi, premier chef de l'Etat démocratiquement élu en Egypte, son régime réprime dans le sang les Frères musulmans de Morsi, mais muselle aussi l'opposition laïque et libérale.

Dans les semaines qui ont suivi la destitution, plus de 1.400 manifestants pro-Morsi ont été tués dans les rues. Plus de 40.000 personnes ont été emprisonnées et des centaines, dont Mohamed Morsi, condamnées à mort dans des procès de masse expéditifs qualifiés par l'ONU de "sans précédent dans l'Histoire récente" du monde.

La France, gros fournisseurs d'armes

Le régime de Sissi, élu président en mai 2014, invoque le fait que l'Egypte est "le dernier rempart contre les jihadistes" et en proie à de nombreux attentats, visant essentiellement les forces de sécurité et revendiqués par la branche égyptienne de Daesh.

Paris est l'un des principaux fournisseurs d'armes du régime de Abdel Fattah al-Sissi, qui lui a notamment acheté en 2015 24 avions de combat Rafale, une frégate multimissions et les deux navires Mistral dont Paris avait annulé la vente à la Russie en raison de la crise ukrainienne.

K. L. avec Adrien Gindre