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Qatar: à Doha, Hollande va remplacer Sarkozy sans faire de vagues

François Hollande

François Hollande - -

Loin du "tout-Qatar" de Nicolas Sarkozy, le chef de l’Etat a pris son temps avant de se rendre à Doha. Syrie, économie mais surtout normalisation des relations entre les deux pays sont au programme de ce voyage officiel essentiel.

Un voyage attendu. La toujours plus influente Doha commençait à s’impatienter et la visite officielle de François Hollande au Qatar ce week-end répond à une logique, il est devenu urgent de donner publiquement les garanties d'une affection réciproque. Un voyage attendu car le chef de l’Etat s’est déjà rendu chez les voisins des Émirats arabes unis et de l’Arabie Saoudite. Un voyage attendu pour François Hollande enfin car, avec son prédécesseur Nicolas Sarkozy, qui continue de se rendre à Doha régulièrement, l’amour était fou.

"La relation entre Nicolas Sarkozy et l’émir du Qatar s’est personnalisée très vite, détaille pour BFMTV.com Nabil Ennasri, auteur de L’énigme du Qatar (Editions de l’Iris). Les deux hommes avaient le même rapport décomplexé à l’argent, de grandes ambitions pour leurs pays respectifs et leurs deux épouses véhiculaient la même image glamour".

Le défi qui attend François Hollande serait donc très délicat, lui le président "normal", chez qui l’on a senti "une volonté de rompre avec le ‘tout-Qatar’ de l’ère Sarkozy". Le chercheur estime néanmoins que "l’épine dorsale" de la relation entre les deux pays est "préservée puisque l’alternance politique n’influe pas la politique qatarie". La contuinité malgré une méfiance, et une défiance grandissante de l’opinion française ces derniers temps en raison de véritables, ou "fantasmés", tempère Nabil Ennasri, investissements massifs (PSG, Banlieues, entreprises…) de l’émirat dans l’Hexagone mais aussi d’une suspicion de corruption concernant l’attribution de la Coupe du monde de football 2022. 

Cinq ministres pour un "signal fort"

L’un et l’autre ont de toute manière des intérêts convergents. Pour la France, le Qatar, et son marché émergent, est un alléchant gâteau commercial en période de crise économique. L’Elysée a d'ailleurs convié de nombreux chefs d’entreprises à intégrer la délégation. A l’inverse, l’émirat gazier, comme le montre sa stratégie de la dernière décennie, cherche en permanence à densifier ses relations avec les pays puissants pour assurer sa sécurité, voire "sous-traiter sa souveraineté", selon Nabil Ennasri.

Nul doute que l’émir Hamad Ben Khalifa al-Thani, à qui l’on prête la volonté de passer la main à son fils le prince Tamin sous peu, devrait apprécier le geste "symbolique" de François Hollande qui débarquera à Doha en compagnie, outre les acteurs économiques, de cinq ministres: celui des Affaires étrangères Laurent Fabius, de l’Intérieur Manuel Valls, de la Défense Jean-Yves Le Drian, du Commerce extérieur Nicole Bricq et des Transports Frédéric Cuvillier. "Un pays, qui a pu se sentir snobé, appréciera ce signal fort", prédit Nabil Ennasri qui imagine des coopérations possibles, notamment en ce qui concerne l’Intérieur et la Défense.

Laurent Fabius, lui, vient pour évoquer la question syrienne qui occupe une large place à l’agenda. Dès samedi, les ministres des Affaires étrangères des onze pays du groupe des "amis de la Syrie" se réunissent dans la capitale qatarie pour discuter de l'aide à apporter à la rébellion syrienne. France, Royaume-Uni, Etats-Unis, Allemagne, Italie, Jordanie, Arabie Saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Turquie et Egypte doivent impérativement coordonner leurs actions.

Syrie: la crainte d'"un conflit confessionnel"

Le Qatar, soupçonné d’accorder des financements à des groupes islamistes radicaux, en Syrie (mais aussi au Mali), se sait attendu au tournant. En outre, l'émirat est aussi surveillé de près pour avoir autorisé les talibans à ouvrir un bureau à Doha. Mais le soutien de plus en plus appuyé du Hezbollah libanais, chiite, aux troupes d'al-Assad fait aussi craindre aux dirigeants qataris, sunnites, "que le conflit devienne toujours plus confessionnel", analyse Nabil Ennasri. "L'élan pour la question syrienne est si fort dans les pays du Golfe", explique-t-il, que chaque prise de décision est scrutée.

L’organisation compliquée de la conférence Genève-2, qui prône une issue politique au conflit syrien, devrait aussi figurer au programme puisque la question de la confiance à accorder à la rebellion est sensible. Comme la place accordée à l’Iran, un pays sans l’aide duquel il sera difficile d’avancer, et à son nouveau président Hassan Rohani. Depuis l'officialisation de l'utilisation d'armes chimiques par le régime de Bachar al-Assad, les "Amis de la Syrie" se savent attendus au tournant. Ont-ils perdu patience? 


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Samuel Auffray