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Élysée

Macron rencontre les deux grands rivaux de la crise libyenne

Khalifa Haftar et Fayez al-Sarraj.

Khalifa Haftar et Fayez al-Sarraj. - FETHI BELAID, KHALIL MAZRAAWI - AFP

Les frères ennemis libyens, le politique Fayez al-Sarraj et le militaire Khalifa Haftar, se rencontrent mardi près de Paris sous l'égide du président français Emmanuel Macron, qui espère leur faire signer un engagement à oeuvrer pour sortir le pays du chaos.

Rendez-vous est pris à la Celle-Saint-Cloud, en région parisienne. Ce mardi, à 15 heures, Emmanuel Macron doit superviser une rencontre entre les deux principaux acteurs de la crise libyenne, les grands rivaux Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar. Objectif: obtenir des deux parties qu'elles s'engagent à oeuvrer pour sortir le pays du chaos. Peu avant, un communiqué de l'Elysée a annoncé que les deux hommes s'engageaient à un cessez-le-feu et à des "élections dès que possible". 

La Libye a sombré dans la crise fin 2011, après la chute du colonel Kadhafi. Aujourd'hui, plusieurs autorités rivales et milices se disputent le pouvoir, la menace jihadiste reste présente, et les trafics d'armes et d'êtres humains prospèrent. 

Qui sont les Libyens conviés à Paris par Macron?

Le politique Fayez al-Sarraj et le militaire Khalifa Haftar sont aujourd'hui les deux principaux protagonistes de la crise libyenne. Ils seront reçus tour à tour par le président français, avant une réunion tripartite en présence du nouvel émissaire de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salame. Il s'agit de la troisième rencontre entre les deux rivaux, dont la dernière en mai à Abou Dhabi n'avait pas donné de résultats.

Fayez al-Sarraj est l'actuel Premier ministre, chef du gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale. Il a en effet été désigné Premier ministre en décembre 2015, sur fond d'un accord conclu entre les deux autorités rivales syriennes de Tripoli et Tobrouk, sous l'égide de l'ONU, afin de mettre un terme à la guerre civile qui ravage le pays. Il prend ses fonctions en mars 2016, mais est entre temps victime d'une tentative d'assassinat. 

Mais malgré les espoirs placés par la population dans son arrivée au pouvoir, Fayez al-Sarraj n'est toujours pas parvenu, après plus d'un an à la tête du gouvernement, à mettre fin à la crise et redresser la situation économique du pays, tandis que la situation sécuritaire s'est considérablement dégradée au sein de la capitale, Tripoli.

En face de lui, Khalifa Haftar conteste sa légitimité. A la tête d'une milice paramilitaire, il est nommé commandant en chef de l'Armée nationale libyenne, en mars 2015. A ce moment, la Libye est divisée en deux, entre l'Ouest et l'Est. C'est d'ailleurs dans l'Est libyen qu'il bénéficie d'une large légitimité, appuyé par un gouvernement parallèle et par le Parlement de Tobrouk, qui le nomme maréchal en septembre 2016 et rejette le gouvernement d'union nationale de Fayez al-Sarraj. Khalifa Haftar a remporté plusieurs victoires militaires sur le terrain. 

Une situation favorable à Haftar?

Pour l'Elysée, cette rencontre entre les deux protagonistes est un "signal fort" et démontre "l'engagement personnel" du chef de l'Etat français. "L'idée n'est pas de trouver demain une solution à la crise libyenne, mais nous souhaitons que les deux protagonistes se mettent d'accord sur une déclaration conjointe", réitérant notamment qu'il n'y a pas de solution militaire en Libye, indique-t-on à la présidence.

Le nouveau président français a fait du dossier libyen une de ses priorités, et avalisé la ligne "pragmatique" de son chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian, ancien ministre de la Défense, qui "prend en compte la réalité du terrain", et considère le maréchal Haftar comme le principal rempart à la menace jihadiste. 

"L'équilibre des forces sur le terrain a basculé en faveur d'Haftar: il a sécurisé plusieurs bases dans le sud du pays, a conquis la base stratégique d'Al Joufra dans le centre et pourrait se diriger vers Syrte (ouest) dans les prochaines semaines", résume Mattia Toaldo, spécialiste de la Libye à l'ECFR (European Council on foreign relations).

Mais, selon Mattia Toaldo, le succès "est loin d'être garanti". Fayez al-Sarraj, soutenu par la communauté internationale, n'a pas réussi à installer son autorité plus d'un an après l'installation du gouvernement d'union nationale à Tripoli. Quant au maréchal Haftar, nombre d'observateurs indépendants s'interrogent sur ses ambitions réelles et sa volonté de se soumettre à une autorité civile.

Adrienne Sigel avec AFP