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Élysée

Loin de l'apaisement, Emmanuel Macron reste offensif face aux syndicats et aux oppositions

Interrogé sur la réforme des retraites lors d'une interview pour Challenges, le président de la République a multiplié les tacles, accusant ses opposants d'être dans un "déni de réalité".

"L'entêtement fait-il une bonne méthode de gouvernement?". La question est posée par notre éditorialiste politique Matthieu Croissandeau au lendemain d'une interview d'Emmanuel Macron dans le magazine Challenges.

Dans cet entretien consacré avant tout à sa stratégie pour réindustrialiser le pays, le président de la République revient également sur la réforme des retraites. Et livre une partition déjà jouée depuis plusieurs semaines: il défend bec et ongles son projet, dénonce le "déni de réalité des oppositions", et ne lâche quasiment rien, estimant simplement que son camp "aurait dû plus expliquer la nécessité" de cette loi.

La politique du "réel"

Sans surprise, le chef de l'État est plus volubile lorsqu'il s'agit de dénoncer les "postures" et le "cynisme" de ses opposants.

"On ne peut pas être le pays qui a le modèle social le plus généreux [...] et qui choisit d'être celui où on travaille le moins longtemps en Europe [...] Ceux qui disent le contraire sont dans le déni de réalité", assène l'hôte de l'Élysée à leur adresse.

Avant de leur imputer "une lourde responsabilité": celle de prépar[er] ainsi l'arrivée au pouvoir des extrêmes". Mais Emmanuel Macron est-il exempt de tout reproche? Certes, ce dernier "a battu deux fois Marine Le Pen", en 2017 et 2022, note Matthieu Croissandeau, "mais il ne l'a pas non-plus empêché de progresser, ni de faire entrer 89 députés du Rassemblement national (RN) à l'Assemblée".

Le président défend néanmoins la stratégie adoptée face à l'extrême droite lors des deux joutes élyséennes. Il s'agissait, non pas de faire "la morale" ou de donner "des leçons" aux "électeurs" lepénistes, mais de montrer en quoi les propositions de leur championne étaient "irréalisables", explique le chef de l'État. Et de poursuivre:

"Je suis parti du réel pour construire un idéal. Il n’y a pas de politique française si on ne parle pas du réel".

Main tendue aux oppositions

Un mot qu'Emmanuel Macron ressort au moment de cibler la gauche et les syndicats, considérant qu'un "nombre considérable d'acteurs de la démocratie sociale et politique se sont affranchis du rapport au réel dans le débat que nous avons eu", sur les retraites. Il leur reproche également, en creux, de n'avoir rien proposé, soit un angle d'attaque qu'il avait déjà choisi en visant la CFDT.

"S'opposer, ça ne fait pas une politique", tacle le chef de l'État.

La droite en prend également pour son grade. En cause: ses divisions internes sur le sujet, au moment où le camp présidentiel espérait son soutien pour passer la réforme des retraites sans avoir recours à l'article 49.3 de la Constitution. Ciblant les élus Les Républicains (LR) réfractaires, le président juge qu'ils ont trahi "la promesse faite à leurs électeurs", après avoir défendu "un projet 'retraites' avec une mesure d'âge d'au moins 65 ans".

Ce discours particulièrement offensif à l'égard des oppositions s'accompagne d'une main tendue de circonstance: sans elles, l'exécutif ne peut passer ses textes, faute de majorité absolue à l'Assemblée nationale. Dès lors, Emmanuel Macron répète la volonté de son camp de trouver des "majorités pied à pied", "texte par texte", sur des "projets de bonne volonté". Il cite LR, mais aussi Europe-Écologie - Les Verts (EELV), ainsi que le Parti socialiste (PS). Soit les "deux partis de gouvernement à gauche", selon lui.

Rien d'étonnant pour Matthieu Croissandeau, qui ne s'attend pas à voir la stratégie présidentielle évoluer. "Ceux qui rêvaient d'un changement de méthode ou une inflexion de sa politique en sont pour leurs frais", explique l'éditorialiste. Le président, lui, estime que "la constance bâtit la confiance", comme il l'a déclaré à Challenges.

Baptiste Farge