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Élysée

Les bonus méconnus du président de la République

Emmanuel Macron, à l'Hôtel de Ville de Paris, le jour de son investiture.

Emmanuel Macron, à l'Hôtel de Ville de Paris, le jour de son investiture. - CHARLES PLATIAU - POOL - AFP

Nommer des académiciens, des évêques, chasser le gibier dans les parcs des châteaux de la Loire… si la charge présidentielle est lourde, elle implique quelques honneurs étonnants et pas forcément déplaisants.

"Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi". Dans une interview à Le 1 Hebdo parue en juillet 2016, Emmanuel Macron semblait exprimer une forme de nostalgie de la monarchie. Mais que le chef de l’Etat fraîchement investi se console: la France républicaine n’a pas tout renié de l’Ancien régime.

Le locataire de l’Elysée, "monarque républicain" et chef des armées, dispose de plusieurs prérogatives héritées des souverains français. Des pouvoirs souvent ignorés, issus de traditions très anciennes, que BFMTV.com se propose de passer en revue.

> Il peut entrer à cheval dans la cathédrale du pape

Depuis 1604 et le règne d’Henri IV, chaque nouveau chef de l’Etat français hérite du titre de "premier et unique chanoine honoraire de l’archibasilique majeure de Saint-Jean-de-Latran" (la cathédrale de l’évêque de Rome, c’est-à-dire du pape). Une fonction honorifique qui accorde à son titulaire le droit de pénétrer dans l’édifice… à cheval.

Mais pour cela, le président de la République doit d’abord se rendre à Rome pour prendre officiellement possession de son titre. Emmanuel Macron, qui revendique une approche "jupitérienne" du pouvoir, fera-t-il le voyage? Le général de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy l’avaient fait, à l’inverse de Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande.

> Il nomme les évêques de Strasbourg et de Metz

Autre privilège du locataire de l’Elysée dans le domaine religieux: il participe à la nomination de l’archevêque de Strasbourg et de l’évêque de Metz. C’est le Vatican qui choisit l’heureux élu, en lien avec le ministère des Affaires étrangères français, mais c’est le président de la République qui donne son feu vert par un décret officialisant l’investiture.

Cette prérogative étonnante au pays de la laïcité est une survivance de l’histoire: annexée par l’Empire Allemand en 1871, l’Alsace-Moselle n’a pas été concernée par la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat. Après leur réintégration à la France, ces territoires sont restés sous le régime du Concordat, qui prévoit depuis 1801 le contrôle par l’Etat des représentants de l’Eglise.

> Il décide des nominations à l’Académie française

Sous l’Ancien Régime, un candidat élu à l’Académie française devait être reçu et approuvé par le roi pour que son élection soit définitive. Dans la France républicaine, la règle continue de s’appliquer. En tant que "protecteur" de l’institution, le président est celui qui valide l’élection d’un "Immortel" en lui donnant audience.

> Il "règne" en partie sur une principauté

Depuis 1278, la France assure la "cosuzeraineté" d’Andorre, petite principauté de 500 km2 et 85 000 habitants nichée dans les Pyrénées. Le chef de l’Etat français partage le titre de "coprince" avec l’évêque d’Urgell, en catalogne espagnole. Comme le rappelait Europe 1 en 2014, cette fonction accorde en théorie de larges prérogatives au locataire de l’Elysée: convoquer des référendums, sanctionner ou promulguer des lois, exercer une grâce, désigner de hauts responsables des institutions de l’Etat, accréditer ses représentants diplomatiques…etc..

Selon la Constitution de 1993, les coprinces bénéficient aussi d’une "dotation", dont ils "peuvent disposer librement pour le fonctionnement de leurs services". Son montant est de 353 753,88 euros, nous apprend Europe 1.

En pratique, les présidents français se contentent toutefois d’exercer leur fonction de manière protocolaire. La tradition veut qu’ils se rendent au moins une fois dans le pays au cours de leur mandat, pour y effectuer une tournée des "paroisses" (régions administratives). Comme François Hollande l'avait fait lui-même en juin 2014.

> Il peut organiser des chasses présidentielles

Elles sont les copies des chasses royales de François Ier et ont été pratiquées tout au long de la Ve République, jusqu’à leur abolition officielle par Nicolas Sarkozy en 2010. Plusieurs fois par an, le président pouvait organiser des parties de chasse privées dans les domaines de Chambord, Marly-le-Roi ou Rambouillet.

Un formidable outil d’influence auprès des rares invités à ces battues (patrons, responsables politiques étrangers, hauts fonctionnaires), selon ses partisans. Une pratique archaïque et peu démocratique, selon ses détracteurs, en raison de l’opacité entourant le coût des réceptions ou l'identité des personnalités conviées.

En mars, Emmanuel Macron s’est pourtant dit favorable au retour des chasses présidentielles, "un élément d’attractivité" symbole de "la culture française", à ses yeux. Leur réouverture se ferait "de manière encadrée, transparente", a-t-il toutefois précisé, pour ne pas donner prise aux accusations d’entre-soi.

Ghislain de Violet