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Le baromètre des éditorialistes: Macron a voulu "faire patienter les Français"

Le baromètre des éditorialistes

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Baromètre des éditorialistes - Après l'intervention télévisée du président, nos éditorialistes politiques Christophe Barbier et Laurent Neumann jugent la prestation du chef de l'État. Ce dernier aurait cherché à "faire patienter les Français" et à "décoller l'étiquette de 'président des riches'".

C’était une intervention particulièrement attendue. Emmanuel Macron a accordé dimanche soir sa première interview télévisée en France cinq mois après le début de son mandat. Après des sorties parfois houleuses, la mise en place de réformes contestées par une frange de la population, le chef de l'État était attendu sur de nombreux sujets.

Nos éditorialistes politiques Christophe Barbier et Laurent Neumann reviennent sur la prestation du président de la République en distribuant leurs bons mais aussi leurs mauvais points permettant de juger en détail la qualité de son intervention.

Christophe Barbier
Christophe Barbier © BFMTV

> "Un président qui n'a cédé en rien sur l'incarnation du pouvoir"

"Je pense qu’il y avait trois aspects à cette opération du président. D’abord, rétablir son personnage. Il est où le président jupitérien? Avec un président qui se taisait et qui maintenant parle, avec un président qui a été dans des polémiques sur l’emploi de termes un peu populaires dans son langage… Il fallait clarifier cette position. On a eu dimanche soir un président qui n’a cédé en rien sur l’incarnation du pouvoir, sa légitimité, sa détermination. C’est plutôt un bon point.

Ensuite, il devait expliquer sa politique économique. Il ne cesse de le faire depuis des semaines. Ça ne passe pas complètement dans l’opinion. En favorisant les entreprises et les contribuables les plus aisés, il sert l’économie française parce qu’il veut réamorcer la pompe de cette création de richesse qui demain doit donner de la redistribution. Et c’est sur ce dernier point que le président a encore été un peu faible. Il nous dit ‘libérer’, il nous dit ‘protéger’, mais il oublie de nous dire ‘redistribuer’. Quand est-ce que dans la poche des Français les plus défavorisés il y aura plus d’argent, et plus d’emploi dans leurs quartiers?

Il est dans une dynamique française du volontarisme, de l’exemplarité et de la réussite altruiste et c’est là où il y a un piège pour le président. Ce sont les effets d’aubaine. Il fait une réforme de l’ISF pour que les riches remettent leur argent dans l’économie française. Mais qui nous prouve qu’ils ne vont pas mettre leur argent dans des produits financiers étrangers? Il explique qu’il faut que les entreprises tirent vers le haut l’économie française pour le profit de l’emploi. Mais qui nous dit que ces entreprises ne vont pas d’abord favoriser leur profit? Il est obligé de faire un pari sur les forces économiques de ce pays. Il y aura des effets d’aubaine. Il y aura sans doute des effets pervers. Et il nous dit désormais que les résultats d’envergure, c’est pour dix-huit mois ou deux ans. Mais il a intérêt à avoir des résultats plus rapides parce qu’avant cette échéance, il y aura des élections européennes et elles seront celles de la punition s’il n’y a pas de résultats concrets".

Laurent Neumann
Laurent Neumann © BFMTV

> "Donner des éléments pour faire patienter les Français"

"C’était une intervention utile. Ça faisait cinq mois que l’on attendait qu’il parle. Il y avait des objectifs affichés: il devait notamment décoller l’étiquette de 'président des riches', montrer qu’il ne s’occupait pas que de la France qui va bien mais aussi de celle qui va mal, qu'il marche sur sa jambe gauche et sur sa jambe droite. Mais il avait aussi un objectif caché: faire patienter les Français. Les Français jugent la parole politique sur les résultats. Or, la question fatale est ‘quand est-ce que la politique va donner des résultats?’. Dimanche soir, le président nous a dit ‘dix-huit mois, deux ans’. […] Il fallait donner des éléments pour faire patienter les Français et c’est pour cela qu’ils ne sont pas si convaincus, parce qu’ils ont compris qu’il allait falloir patienter pour voir les résultats des réformes de temps long.

Pour les faire patienter on utilise des métaphores comme ‘premiers de cordée’ (expression employée par le chef de l’État pour désigner les riches, ndlr). C’est l’explication pédagogique de sa stratégie, de sa politique. Ensuite, il y a ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas. La question de cette métaphore du ‘premier de cordée’, elle est assez valide si on est dans une société où il n’y a pas d’inégalités sociales. Ce n’est pas le cas, il y a encore des différences colossales. On est dans un pays où il y a trois millions et demi de chômeurs, huit à neuf millions de pauvres. Donc cette théorie-là, elle pourra peut-être marcher dans trente ou quarante ans. Mais dans l’immédiat, cela ne tient pas. Mais en même temps, c’est l’explication qu’il donne à sa stratégie et il y croit lui, c’est l’essentiel.

Le président a également fait quelques annonces sur le terrorisme. Il a dit en substance que les étrangers en situation irrégulière qui commettront des délits seront expulsés, en réaction à l’affaire de l’assassin de Marseille. […] Il y a 13.000 expulsés par an, mais il y a 91.000 personnes en situation irrégulière sur le sol français et qui ne sont pas expulsées alors qu’elles ont été interpellées. Emmanuel Macron ne dit pas ‘on va expulser tout le monde’ car il sait que c’est impossible. Donc il fait la promesse d’expulser ceux qui ont déjà été condamnés. C’était déjà une promesse de Nicolas Sarkozy. Cette promesse est importante. La question est de savoir comment il la tient, et pour le moment il n’a pas donné de réponse".

P.L