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Élysée

L'alerte de Macron contre la "lèpre nationaliste" fait grincer des dents

Visant notamment l'Italie, le chef de l'Etat a fustigé jeudi en Bretagne "le nationalisme qui renaît" en Europe.

"Vous les voyez monter, comme une lèpre, un peu partout en Europe, dans des pays où nous pensions que c'était impossible de les voir réapparaître". A l'occasion d'un déplacement en Bretagne jeudi, Emmanuel Macron a livré une charge contre "le nationalisme qui renaît, la frontière fermée que certains proposent" et ceux qui "trahissent même l'asile", tout en revendiquant de ne pouvoir "accueillir tout le monde".

"Et les amis voisins, ils disent le pire, et nous nous y habituons! Ils font les pires provocations, et personne, personne ne se scandalise de cela", a ajouté le président français dans un discours enflammé à Quimper, à quelques jours d'un sommet européen crucial sur la gestion des migrants. Une référence à l'Italie notamment, qui n'a pas échappé au ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini.

"Si Macron cessait d'insulter et pratiquait concrètement la générosité qui emplit sa bouche, en accueillant les milliers d'immigrants que l'Italie a accueillis ces dernières années, ce serait mieux pour tout le monde", a déclaré jeudi le leader de l'extrême droite italienne lors d'une visite à Terni, dans le centre du pays.

"Accueillez des migrants et ensuite on pourra parler"

Matteo Salvini était interrogé sur les tensions avec la France, comme le rapporte l'agence de presse italienne AGI. "Nous sommes peut-être des lépreux populistes, a-t-il ajouté, mais je tire les leçons de ceux qui ouvrent leurs propres ports. Accueillez des milliers de migrants et ensuite on pourra parler".

"Les insultes des gros bavards Macron et (l'écrivain Roberto) Saviano ne me touchent pas, elles me rendent plus fort. Alors qu'ils parlent, aujourd'hui je suis en train de travailler pour bloquer le trafic des clandestins en Méditerranée" a ajouté le leader populiste sur Twitter. 

Défendant ses choix alors qu'il avait été critiqué pour son silence face à la détresse de l'Aquarius et de ses près de 700 migrants, le chef de l'Etat s'est aussi emporté contre "les donneurs de leçons" qui "m'expliquent qu'il faut accueillir tout le monde" sans voir "les fractures de la société française".

"Je préférerais que Macron aille plus loin"

Il a défendu une politique migratoire "dont nous n'avons pas à rougir", "un chemin qui est toujours plus difficultueux car personne n'est jamais content, mais plus responsable que celui qui joue avec les peurs".

"Je vous demande de ne rien céder, dans ces temps troublés que nous vivons, de votre amour pour l'Europe", a-t-il aussi lancé en Bretagne, territoire très attaché à l'Europe, dans une envolée qui sonnait comme une profession de foi à un an des élections européennes de 2019.

"Je suis séduit par son discours mais je regrette qu'il se soit tu le jour où l'Aquarius ne savait plus où aller et où l'honneur de la France a été sauvé par la Corse", a réagi sur notre antenne l'avocat et président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme Henri Leclerc vendredi matin. "Le discours de Macron, c'est très bien, mais je préférerais qu'il aille plus loin", a-t-il ajouté, estimant qu'en France "les lois de police font lieu de politique migratoire". 

"Hypocrite", "incendiaire"

Les propos du chef de l'Etat ont fait réagir l'opposition, car beaucoup y voient une certaine hypocrisie. 

"Ces mots sont doux aux oreilles. Malheureusement, ils sonnent faux au regard de la politique que Monsieur Macron mène dans son propre pays sur cette question", a réagi Ian Brossat, le chef de file des communistes pour les élections européennes, qualifiant le chef de l'Etat d'"humaniste en peau de lapin" dans un communiqué publié jeudi.

Même registre pour Benoît Hamon, qui qualifie sur Twitter le président d"hypocrite" et d'"incendiaire".

"Bien sûr, la lèpre populiste n'a absolument rien à voir avec la peste néo-libérale qui a consciencieusement abattu les défenses des citoyens européens en matière de services publics, droit du travail et protection sociale", a écrit le chef de file du mouvement Générations.

A droite de l'échiquier, Marine Le Pen s'est offusquée sur Twitter de l'emploi du mot "lèpre". "Va-t-il nous fâcher avec le monde entier?" a interrogé la présidente du Rassemblement national (ex-FN). "Qui sont les lépreux? Les citoyens inquiets par l'immigration massive?" a pour sa part écrit Laurence Sailliet, la porte-parole des Républicains. 

Charlie Vandekerkhove