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François Hollande a-t-il attenté à la sécurité de la France?

Secret défense: que risque François Hollande?

Secret défense: que risque François Hollande? - Matthew Mirabelli - AFP

Pour Nicolas Sarkozy, cela ne fait pas de doute: François Hollande a violé le secret défense en divulguant des informations classifiées aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Dans les faits, ce qui est reproché au président de la République reste pourtant difficile à prouver, et ne constitue pas forcément une menace pour la sécurité de la France.

Pour ses adversaires, et Nicolas Sarkozy en premier lieu, cela ne fait pas un pli: François Hollande a violé le secret défense. Le chef de l'Etat aurait franchi la ligne rouge en confirmant à Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde, avoir autorisé quatre assassinats ciblés. Les deux auteurs du livre Un président ne devrait pas dire ça... auraient en outre pu consulter le 7 mars 2014 une liste de 17 responsables terroristes à neutraliser, qui, si elle existe, est sans doute classifiée.

Les deux journalistes ont aussi obtenu la copie d'un document classifié "confidentiel-défense" qui traînait sur le bureau de François Hollande lors d'une de leurs rencontres. On ignore cependant de quelle manière ils se sont procuré ce document et tous deux peuvent opposer à toute interrogation le secret des sources. Ce qui est avéré, c'est que François Hollande a consulté ce document devant eux. Le document a ensuite été publié par Le Monde le 25 août dernier. Sur le papier, les éléments sont nombreux. Mais dans les faits, ils sont difficiles à prouver.

Vécu ou fantasmé?

Dans un premier entretien, le président aurait déclaré aux deux journalistes "j'en ai décidé quatre au moins", à propos des assassinats ciblés. Mais dans un second, il revient en arrière, affirmant que "c'est totalement fantasmé". Interrogé à ce sujet récemment, François Hollande a semblé assumer ces révélations, tout ne ne citant pas précisément les assassinats ciblés, qui sont illégaux.

"Ceux qui s'attaquent à la France doivent pouvoir être pourchassés, poursuivis et bien sûr neutralisés quand c'est possible", a-t-il déclaré à Bruxelles en marge du sommet européen des 20 et 21 octobre.

Une ligne suivie ce mercredi par Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement. 

"Il n'y a pas de violation du secret défense (...) Ce qu'a dit le président de la République, c'est qu'il a pris des décisions contre ceux qui étaient des terroristes qui agissaient contre la France. Point", a-t-il fait savoir.

Sept ans de prison et 100.000 euros d'amende

Les informations classifiées sont organisées selon trois catégories: la plus simple est celle du "Confidentiel-défense", comme le document publié par Le Monde. Viennent ensuite la catégorie "Secret-défense", puis "Très secret-défense".

D'après le Code pénal, "détruire, détourner, soustraire, reproduire" un élément ayant un caractère de secret de la défense nationale, ou encore en "donner l'accès à une personne non qualifiée", est puni de sept ans de prison et de 100.000 euros d'amende. Mais même si les faits qu'on reproche à François Hollande étaient avérés, il ne risquerait rien, parce qu'il est couvert pas son immunité, comme le fait remarquer Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, interrogé par BFMTV.com.

Un problème de principe plutôt qu'une question juridique

Pour lui, les faits évoqués sont très sérieux non pas pour une question juridique mais pour une question de principe et d'exemplarité. 

"On attend des autorités gouvernementales françaises qu’elles soient exemplaires dans ce domaine et peut-être que François Hollande ne l’a pas été. Sur le principe, c’est tout de même des choses qui auraient dû être évitées", estime-t-il.

Selon lui, ce qui ressort de l'affaire des assassinats ciblés et du document publié par Le Monde, c'est qu'ils ne constituent pas une mise en danger de la sécurité nationale.

Rien qui nuise "à la sécurité de l'Etat"

"Dans le premier cas, il aurait donné le nombre d’opérations de neutralisation qu’il aurait autorisées lui-même, je ne vois pas en quoi ça compromettrait la sécurité de la France. Deuxièmement, s’agissant de la planche reproduite par le site du Monde, elle est naturellement classifiée par principe, mais s’agissant d’une opération qui n’a pas eu lieu, et surtout de la nature des informations données, je ne vois absolument rien qui soit de nature à nuire à la sécurité de l’Etat", poursuit-il, précisant cependant que la question de cette violation supposée mérite d'être posée.

"Sur le fond, je crois que ce n’est vraiment pas un drame. Ce n’est pas le premier président à donner des informations classifiées à des journalistes", résume Bruno Tertrais. 

Charlie Vandekerkhove