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Élysée

Comment François Hollande empoisonne la primaire à gauche

François Hollande le 15 janvier à Paris, après une visite au forum "La France s'engage".

François Hollande le 15 janvier à Paris, après une visite au forum "La France s'engage". - François Mori - AFP

Entre les confidences distillées par ses proches et ses critiques à peine voilées des candidats, François Hollande brille par son absence dans cette primaire de la gauche.

Dimanche soir, il n'était pas autour des pupitres mais a été le centre de l'attention pendant tout le deuxième débat de la primaire à gauche. Cet homme qui a brillé par son absence, c'est François Hollande.

Non pas que son nom ait été prononcé à outrance dans les échanges. Si François Hollande a attiré l'attention, c'est parce que la journée de dimanche a commencé avec une rumeur insistante: le chef de l'Etat serait prêt à soutenir Emmanuel Macron, selon un de ses proches, l'avocat Dominique Villemot. Un soutien à Emmanuel Macron au lieu d'un candidat du PS: l'annonce provoquerait un énorme séisme au sein de la gauche française et achèverait de plonger le PS dans l'abîme.

Le Président n'est pas le seul à envisager cette hypothèse: depuis quelques semaines, les soutiens de ses proches à Emmanuel Macron se multiplient. De Jean-Pierre Mignart, dont le soutien a été clair et franc, à Ségolène Royal qui ne cesse d'envoyer des signaux, en passant par Jean-Marc Ayrault qui ne dément pas, les fidèles de François Hollande se cachent à peine. Reste à savoir si l'intéressé les suivra.

Michel Drucker sur les planches

C'est fort de ce début de journée agité qu'ont commencé les préparatifs pour le deuxième débat de la primaire. A 16 heures, les candidats étaient déjà tous au studio Gabriel, en face de l'Elysée, prêts à prendre leurs marques avant de s'affronter à 18 heures. François Hollande, lui, avait déjà un programme pour sa soirée, et ne s'en est pas caché: il s'est rendu au théâtre pour voir jouer Michel Drucker

A la sortie, assailli par les journalistes, il a justifié sa sortie par la "promesse" qu'il aurait faite à l'animateur. Mais dans Le Parisien, Michel Drucker a dit avoir invité le Président il y a longtemps "par courtoisie", et était le premier étonné de sa présence. Peu importe: François Hollande lui a préféré le débat. Et "le studio Gabriel, j'aurai l'occasion de le revoir", a-t-il dit à la presse dans une tentative de dédramatisation. Pourtant lors du premier débat, il n'avait pas caché non plus avoir éteint sa télévision "avant la fin". Ambiance. 

Des critiques nourries contre les candidats

Il faut dire que depuis le début de la campagne, François Hollande n'a pas particulièrement brillé par son soutien à la primaire de la gauche. C'est même le contraire: il ne s'est pas empêché d'émettre des jugements parfois forts critiques contre les candidats. A propos de Manuel Valls, il disait la semaine passée, selon le Canard enchaîné, que sa campagne "zigzague un peu". Quant à Vincent Peillon, il "n'est pas préparé" et fait preuve, pour François Hollande, "d'une légèreté absolue". Seul Benoît Hamon aurait trouvé "la bonne posture", aux yeux du chef de l'Etat.

François Hollande semble presque s'agacer de ne pas figurer au milieu de la compétition, pourtant initiée par le PS en concertation avec son agenda. Il regrette "sans doute" sa décision d'avoir renoncé à briguer un second mandat, a même concédé Jean-Marc Ayrault. Une hypothèse qui n'apparaît pas sans fondement lorsqu'elle vient d'un proche du Président. D'autant plus quand celui-ci, en déplacement en Afrique, avoue devant la foule ressentir "un goût d'inachevé".

Ou bien le chef de l'Etat souhaite-t-il uniquement conserver la distance de vue qu'impose son renoncement? Son agenda officiel parle en tout cas pour lui: lors du premier tour de la primaire, il sera en déplacement officiel au Chili et en Colombie. Impossible pour lui de voter, donc. On peut imaginer qu'après avoir raté le premier tour, le chef de l'Etat ne se déplace pas pour le second – même si selon son agenda, il sera bien en France. 

Regrets, amertume ou simple volonté de rester en retrait: le personnage du Président est en tout cas bien présent dans une primaire qui se passerait bien de sa présence. Mais jusqu'ici, la plupart des candidats n'ont pas voulu lui en tenir rigueur. Seul le directeur de campagne d'Arnaud Montebourg, François Kalfon, a estimé sur Sud Radio que la sortie au théâtre de François Hollande était "un mauvais signal". Avant de finalement estimer plus prudent l'éloignement du Président: "Beaucoup de candidats se passent de son soutien et ça leur va très bien. Vous croyez que l'onction presque divine du président de la République est un service à rendre? Je n'en suis pas certain."

Ariane Kujawski