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Élysée

75 ans du débarquement en Provence: Macron et Sarkozy affichent une fois de plus leur proximité

Depuis son élection, le président de la République prend le temps d'entretenir sa relation avec son prédécesseur, au risque d'agacer ses soutiens issus de la gauche. Il l'a montré une nouvelle fois ce jeudi, à l'occasion des commémorations du débarquement de Provence.

Côte à côte, l'un légèrement penché vers l'autre, l'air apaisé. Les médias ont tendance à surinterpréter certaines images. Celles d'Emmanuel Macron et de Nicolas Sarkozy à Saint-Raphaël ce jeudi, lors des commémorations du débarquement de Provence, confirment toutefois cette bonne entente qui caractérise leur relation depuis le début du quinquennat.

Certes, l'ex-chef de l'État est venu parce qu'il a, rappelle-t-il, "une maison à 50 kilomètres", au Cap-Nègre, où il passe actuellement ses vacances. "C'est une marque de respect pour les anciens combattants", a affirmé Nicolas Sarkozy face à la nuée de micros qui lui ont été tendus après la cérémonie. François Hollande, on l'aura remarqué, n'était pas du nombre, même s'il a été invité. Interrogé par un journaliste du Monde présent sur place, l'ancien maire de Neuilly s'est d'ailleurs permis de préciser:

"Ça aurait été désagréable de ne pas venir. C'est un moment de rassemblement et de respect. Après, chacun fait ce qu'il veut". 

"Il est bien élevé"

Après les bains de foule, auxquels se sont adonnés les deux locataires de l'Elysée, passé et actuel, vient le moment de casser la croûte. Selon nos informations, Emmanuel Macron a convié à déjeuner ses homologues ivoirien et guinéen, Alassane Ouattara et Alpha Condé, présents à la cérémonie, mais aussi Nicolas Sarkozy. 

Cette sollicitude à l'égard de son prédécesseur, le chef de l'État prend soin de l'entretenir depuis son élection. Dès le mois de juillet 2017, le couple Macron invite Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à dîner à l'Elysée, dans un cadre privé. "Un dîner privé qui s'inscrit dans une série de rencontres que le chef de l'État compte avoir avec ses prédécesseurs", précise alors la présidence de la République auprès du Figaro. On attend toujours les agapes avec François Hollande et Julie Gayet. 

"Lui, au moins, il est bien élevé, il est républicain", va jusqu'à glisser l'ex-ministre de l'Intérieur à ses proches, selon Le Parisien

"Bluffés"

Dès les premiers pas d'Emmanuel Macron à la tête de la France, Nicolas Sarkozy se dit "bluffé", selon son entourage, par le talent de son successeur. "Nicolas se retrouve un peu dans son tempérament. Macron, c'est l'énergie de Sarkozy avec la tête de Pompidou", a résumé un proche.

Cette séduction exercée par Emmanuel Macron sur Nicolas Sarkozy n'empêche pas ce dernier de se montrer dubitatif sur sa présidence. "Ça va très mal finir", a-t-il répété à son entourage dès l'automne 2017, lorsque les "petites phrases" et le procès en arrogance de la macronie ont commencé à devenir un fait d'actualité. 

Et puis il y a eu la séquence des gilets jaunes. Lorsque le mouvement social menace de dégénérer, début décembre 2018, le dialogue entre les deux hommes a atteint son acmé. Nicolas Sarkozy lui prodigue des conseils en matière de maintien de l'ordre et lui enjoint de réinstaurer la défiscalisation des heures supplémentaires, dispositif supprimé par François Hollande. Son retour, annoncé dans la foulée par Emmanuel Macron puis officiellement acté en janvier 2019, a été vite perçu comme la résultante d'un conseil entendu. 

Intérêts bien compris

Pour l'un comme pour l'autre, cette proximité présente un intérêt politique. Fort de son hold-up sur l'électorat de droite modérée aux européennes, Emmanuel Macron compte bien capitaliser sur l'attrait qu'exerce toujours Nicolas Sarkozy sur son camp. Alors que son ouvrage, Passions, a fait un tabac en librairie cet été, 59% des sympathisants Les Républicains le considèrent comme le meilleur leader de la droite, selon notre baromètre Elabe du 5 juin dernier. 

L'ex-président, quant à lui, est de facto admis à un rang lui permettant de rester dans le jeu. De conserver sa stature d'homme d'État, qui plus est capable de se montrer amical avec un successeur extérieur à sa famille politique. Cette relation, dont la constance (du moins en surface) est assez inédite dans l'histoire de la Ve République, rappelle à bien des égards celle qu'entretiennent souvent les présidents américains, démocrates et républicains confondus. Rien de tel vis-à-vis de François Hollande, pour qui les deux hommes nourrissent une animosité commune.

Pour apaisés qu'ils soient, leurs rapports cordiaux ne font pas que des heureux dans les camps respectifs des deux intéressés. Au sein de l'aile gauche de La République en marche, certains s'inquiètent à l'idée de voir leur chef déplacer son curseur à droite de façon définitive. 

De l'autre côté, certains sarkozystes appellent le "boss" à ne pas être dupe. "Vous pensez qu'il vous aime, mais il vous neutralise", a glissé Rachida Dati à Nicolas Sarkozy d'après Le Monde. Faute de mieux, autant rester dans le giron élyséen. 

Jules Pecnard