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Municipales: comment LaREM veut aider ses candidats à faire "le bon choix" au second tour

Stanislas Guerini

Stanislas Guerini - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Document BFMTV - Dans un document auquel BFMTV a eu accès, le parti macroniste donne des indications à ses quelques centaines de têtes de liste à travers le territoire. Avec un objectif affiché: faire barrage au Rassemblement national.

Les cadres de la macronie, du moins ceux qui se penchent de près sur les élections municipales, ont tous cette donnée à l'esprit. La preuve d'ailleurs: à la commission nationale d'investiture (CNI) de La République en marche, des lignes téléphoniques supplémentaires ont été commandées pour y faire face. "Une cellule est prête", nous confirme-t-on en interne. 

"On va avoir 400 têtes de liste autonomes dont ne peut pas connaître de façon scientifique les réflexes au soir du premier tour", s'inquiétait fin février un membre éminent de la CNI auprès de BFMTV.com. Et notre source d'évoquer les "250 à 300 interlocuteurs à appeler en moins de 30 heures pour éviter les surprises". 

Les "surprises". Comprendre, des choix effectués sur le terrain par des candidats qui, déçus ou en désaccord avec la stratégie imposée par Paris, décident de fusionner avec ou de se désister en faveur de la "mauvaise" liste. 

Indications techniques... et politiques

Pour inciter ces têtes de liste LaREM - celles qui défendent les couleurs du parti présidentiel sans s'associer à une quelconque liste sortante - à faire le "bon choix", le mouvement a prévu des instructions. Elles sont dressées dans un document auquel BFMTV a eu accès.

Après quelques indications liminaires sur le fonctionnement global d'un second tour d'élection municipale - le seuil de 10% pour se maintenir, le seuil de 5% pour fusionner avec une autre liste, ou les conditions spécifiques aux villes à arrondissements par exemple -, le texte se veut beaucoup plus politique. 

"En cas d'alliances, 4 principes doivent pouvoir guider vos choix", peut-on lire à l'entame d'un paragraphe, qui énumère donc plusieurs options. "La liste - avec laquelle vous pourriez fusionner ou au profit de qui se désister - peut-elle agir de façon constructive (sur des points de projet) avec le gouvernement ou la majorité?", dit l'une d'entre elles. 

En cas d'alliance, quelle place dans la majorité?

Autre obligation pour que la fusion ou le désistement soit validé par les hautes instances: que la liste s'apprêtant à absorber LaREM respecte "les 10 engagements de l'élu progressiste". Et aussi, le fait de s'assurer que l'alliance permette à LaREM "d'avoir une représentation politique réelle dans la future majorité" municipale.

Il faut préciser qu'au demeurant, si la liste macroniste n'est pas en position de pivot après le premier tour - beaucoup de listes LaREM auront un score situé entre 5 et 10% ou à peine supérieur à 10% -, cette assurance est difficile à obtenir de la part d'une liste arrivée en position de force. Pour mener à bien une négociation, il faut avoir des billes. De quoi inspirer ce commentaire au dirigeant de la CNI cité plus haut:

"Je recommanderai dans beaucoup de cas à notre candidat de rester seul. Ça peut éviter de se retrouver dans une majorité municipale où on est régulièrement obligé d'avaler son chapeau durant la mandature." La même chose peut d'ailleurs valoir si on se retrouve fondu dans un groupe d'opposition.

Sauf qu'en cas de maintien dans une triangulaire ou quadrangulaire, avec un faible score au second tour, très peu d'élus marcheurs seraient envoyés au conseil municipal. Adieu, donc, à l'objectif des 10.000 conseillers municipaux asséné par LaREM depuis des mois si ce cas de figure devait se multiplier. 

Risque de devoir retirer l'étiquette LaREM

Un cadre macroniste se fait plus concret: "Il y a une vraie angoisse au QG, c'est que les types commencent à faire les négos eux-mêmes sans nous tenir au courant et se fassent écraser".

"Par exemple, si on a un candidat qui fait 11% et qui a à côté de lui une liste LR bien à droite à plus de 30%; s'il fusionne en imposant 4 ou 5 de ses mecs dans la liste LR sans nous consulter, pour qu'on découvre ensuite des candidats infréquentables sur la liste finale, le QG peut demander le retrait de l'étiquette LaREM ou alors désinvestir les candidats", poursuit-il auprès de BFMTV.com.

Le souci, c'est que le parti n'a a priori aucun moyen juridique de procéder à un retrait d'étiquette. La direction de LaREM n'aura d'autre choix que de publier, dans les cas où il souhaite "débrancher" un candidat, un communiqué annonçant que le mouvement s'en désolidarise purement et simplement. 

Barrage au RN

Parmi les recommandations rédigées par la direction d'En Marche, il y a l'impératif du barrage au Rassemblement national. Le délégué général du mouvement, Stanislas Guerini, a eu maintes occasions de le marteler, dans les médias comme en réunion publique. "Le mouvement fera toujours le choix d'une ligne claire: celui du choix républicain, afin de donner le moins de probabilité possibles de victoires du RN", peut-on lire dans le document. 

Trois obligations sont ainsi énumérées: se maintenir si la liste LaREM est "la première force politique (en termes de résultats) en capacité de battre le RN"; fusionner avec la liste ayant le plus de chance de battre le RN, moyennant partage de valeurs et de "schéma de gouvernance" avec la liste en question; se désister si la liste en position de force pour battre le RN n'est pas "en accord" avec les valeurs dites progressistes. 

"On va être en position de faiblesse partout"

A priori, l'ensemble des candidats devrait suivre ces instructions. Problème, beaucoup d'entre eux sont des marcheurs locaux dont l'objet même de la démarche autonome aura été de préserver leur identité propre. La macronie des origines, en somme. Ce qui fait craindre en haut lieu des cas de figure où certains candidats se maintiendraient dans le simple but de "faire vivre l'étiquette" LaREM jusqu'au bout. 

"Les négociations de fusion vont être très difficiles partout, parce qu'on va être en position de faiblesse partout. Il n'y aura aucun scénario où d'autres listes se rallieront à nous. On peut dire ce qu'on veut, mais d'une part, on est souvent face à des maires en place de longue date, et d'autre part, on ne fait rien avec 12% au premier tour", constate notre cadre marcheur. 

Quoi qu'il en soit, ce document préparatif contient une instruction on ne peut plus claire dans son en-tête: "Dans tous les cas, nous vous conseillons également d'en discuter avec votre conseiller politique au siège et/ou membre de la CNI. Nous vous appellerons prochainement à ce sujet". D'où le renfort de lignes téléphoniques. 

Jules Pecnard avec Mathieu Coache