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Elections Législatives 2024

Femme de ménage, boulanger... Ces visages de la gauche unie qui veulent "révolutionner" l'Assemblée

Parmi ses candidats, la "Nouvelle union populaire écologique et sociale" compte plusieurs figures de diverses mobilisations sociales. Des profils comme Rachel Kéké, femme de chambre qui s'est opposée au groupe hôtelier Accor, ou Stéphane Ravacley, qui a fait une grève de la faim pour son apprenti, alors sans titre de séjour.

À 6 semaines des législatives, la gauche rassemblée derrière Jean-Luc Mélenchon et sous la banière de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) veut faire émerger des profils quasi-absents des rangs de l'Assemblée nationale.

À l'occasion de la convention d'investiture programmée ce samedi à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), BFMTV.com s'est penché sur trois candidats qui ont valeur de symbole. Si leurs parcours sont différents, ils partagent une envie: faire entrer au Palais-Bourbon des sujets qu'ils estiment sous-représentés dans le débat politique.

• Rachel Kéké, la femme de chambre qui a fait plier Ibis

Femme de chambre à l'hôtel Ibis-Batignolles à Paris, propriété du groupe Accor, Rachel Kéké a croisé le fer contre son employeur pour obtenir de meilleures conditions de travail et une augmentation des salaires.

Après presque 2 ans de lutte, la porte-parole de ce mouvement a obtenu gain de cause en mai 2021 en obtenant une baisse du nombre de chambres à nettoyer, le paiement des heures supplémentaires, une pause pour le repas et des tenues de travail. De quoi donner des idées aux proches de Jean-Luc Mélenchon.

"C'est la France insoumise qui est venue me chercher et qui m'a proposé de me présenter. Au départ, j'étais un peu réticente parce que je suis pas une politicienne. Puis j'ai réfléchi et je me suis dit que tout le combat qu'on avait mené était très politique", explique celle qui se présente dans la 7ème circonscription du Val-de-Marne.

Parmi les déclencheurs, la gouvernante évoque notamment le combat mené par le député insoumis François Ruffin. L'ancien journaliste a déposé en mai 2020 une proposition de loi pour faire "cesser la maltraitance des femmes de ménage" et augmenter leurs rémunération.

"Elle a été rejetée et je me dis que les députés qui ont voté de cette façon ne savent pas ce que, nous, on vit. Ça me donne envie de porter une parole qu'on n'entend jamais", assure Rachel Kéké.

Dans les combats qu'elle souhaite défendre au Palais-Bourbon en cas de victoire les 12 et 19 juin prochains, la gouvernante cite l'amélioration des conditions de travail dans les Ehpad et plus largement dans "tous les métiers où l'on abuse des femmes".

La candidate affrontera notamment le député macroniste Jean-Jacques Bridey.

• Stéphane Ravacley, le boulanger qui a fait une grève de la faim pour son apprenti sans papiers

Stéphane Ravacley et Laye Fodé Traoréiné le 19 janvier 2021
Stéphane Ravacley et Laye Fodé Traoréiné le 19 janvier 2021 © SEBASTIEN BOZON / AFP

Stéphane Ravacley est devenu une petite star locale à Besançon après que son histoire a fait le tour des médias nationaux. En janvier 2021, ce boulanger entame une grève de la faim pour lutter contre la procédure d'expulsion qui vise son apprenti Laye Fodé Traoréiné. Le jeune homme a été accueilli sous le statut de mineur isolé en 2018 mais, à ses 18 ans, il est considéré comme un étranger en situation irrégulière. Le jeune homme est finalement régularisé une dizaine de jours plus tard.

L'histoire avait suscité une forte émotion, poussant plus de 200.000 personnes à signer une pétition qui appelait à la préfecture à lui accorder un titre de séjour, relayée notamment par le député européen Raphaël Glucksman. Une proposition de loi souhaitant permettre aux apprentis étrangers sans carte de séjour d'obtenir des papiers est portée par le sénateur socialiste Jérôme Durain, l'artisan est lui invité à l'Assemblée nationale.

"J'ai entendu de sacrés bêtises à ce moment-là de la part de certains députés. Là, je me suis dit qu'il fallait rentrer dans le système", explique Stéphane Ravacley dont le profil est alors repéré par le PS.

Le quinquagénaire a d'ailleurs échangé Anne Hidalgo lors de son meeting à Besançon en novembre dernier. Quatre mois plus tard, au lendemain de l'offensive russe en Ukraine, il lance un appel aux dons et achemine 25 camions d'aide humanitaire en Pologne.

"Mon nom a été proposé quand on a commencé à parler des législatives et la circonscription avait également été gelée par les écologistes", avance encore le Bisontin qui s'est engagé à siéger dans le groupe EELV au Palais-Bourbon en cas de victoire, sans toutefois adhérer à la formation de Yannick Jadot.

Celui qui souhaite faire avancer le statut des mineurs non accompagnés devra d'abord battre en juin prochain Éric Alauzet, le député sortant de la majorité présidentielle.

• Taha Bouhafs, le journaliste qui veut "faire rentrer les jeunes de banlieue" à l'Assemblée

Taha Bouhafs à Paris le 1er février 2020
Taha Bouhafs à Paris le 1er février 2020 © JOEL SAGET / AFP

Taha Bouhafs s'est fait un nom pour avoir suivi plusieurs mouvements sociaux comme "Nuit debout" ou les Gilets jaunes. Le journaliste engagé a été investi par la France insoumise dans le Rhône, après avoir été déjà candidat sous les couleurs de Jean-Luc Mélenchon en 2017 dans l'Isère.

"Je suis resté attaché aux camarades que j'ai croisés lors de mes luttes et on m'a proposé assez naturellement d'être candidat à nouveau", explique le jeune homme de 25 ans.

Celui qui a filmé Alexandre Benalla en train de molester des manifestants le 1er mai 2018 voit en sa candidature l'illustration du manque de représentativité au Parlement.

"Je n'ai pas le brevet, je n'ai pas le bac. J'ai fait de la manutention, des ménages. J'ai vécu des choses dans ma chair que pas grand-monde à l'Assemblée nationale ne comprend", souligne-t-il encore, en rappelant "l'absence d'ouvriers, de personnes racisées et de personnes issues des banlieues", sur les bancs du Palais-Bourbon.

Taha Bouhafs, qui voit dans son éventuelle victoire "un vrai bouleversement politique pour des millions de jeunes", a été pointé du doigt par une partie de la classe politique après l'annonce de son investiture. Ses critiques ont notamment rappelé qu'il a été condamné pour injure publique en 2020, après avoir traité une syndicaliste policière "d'arabe de service". Le journaliste a depuis fait appel.

"Je trouve ça assez révélateur qu'un jeune homme de gauche radicale arabe qui ne mâche pas ses mots soit réduit à ça", dénonce-t-il évoquant son "écœurement et sa fatigue" autour de cette affaire.

Le journaliste croisera le fer avec le député sortant Renaissance (ex-LaREM) Yves Blein, élu depuis 2012 au Parlement.

Marie-Pierre Bourgeois