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Départementales: la présence d'une candidate LaREM voilée sur un tract divise le parti

Un tract des candidats LaREM pour les élections départementales dans le canton de Montpellier I (Hérault).

Un tract des candidats LaREM pour les élections départementales dans le canton de Montpellier I (Hérault). - BFMTV

Le patron du mouvement macroniste, Stanislas Guerini, a relayé un tweet du RN Jordan Bardella pour exprimer son opposition à ce qu'une candidate LaREM dans l'Hérault apparaisse voilée sur les tracts de campagne.

Cela peut sembler dérisoire, mais il suffit parfois d'un retweet pour diviser son propre camp. L'actuelle polémique autour de Sara Zemmahi, une candidate La République en marche aux élections départementales dans l'Hérault, en est une bonne illustration. Lundi soir, le délégué général de LaREM Stanislas Guerini a dénoncé, sur Twitter, le fait que cette candidate arbore un foulard islamique sur l'affiche de campagne. Les valeurs du mouvement macroniste "ne sont pas compatibles avec le port ostentatoire de signes religieux", a-t-il écrit.

Problème: le député de Paris relayait, ce faisant, un tweet initialement publié par Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement national, qui dénonçait la présence de cette femme voilée sur un tract électoral. Malaise immédiat dans les rangs de LaREM, où bon nombre de députés accusent tout bonnement Stanislas Guerini de "courir après" le RN en se calquant sur ses positions concernant l'islam.

"C'est un désastre. Il faut savoir parfois se retenir de tweeter, ne rien dire. C'est vraiment avoir le sens politique d'un bulot. La méthode consistant à retweeter Bardella est juste cata", peste un député marcheur opposé au retrait de la candidate, Sara Zemmahi, des tracts de campagne.

Double front

En agissant ainsi à la va-vite, Stanislas Guerini (qui compte déjà bien des rivaux au sein de son propre mouvement) a ouvert un front double. Il y a d'abord ceux, plutôt issus de l'aile gauche de la macronie (mais pas que), qui critiquent le fond de sa prise de position et qui jugent qu'une femme voilée n'a pas à être retirée d'un tract de campagne.

"On pourrait investir des candidates religieuses qui portent le voile, mais pas en les mettant sur les outils de com? C'est n'importe quoi. Soit on les investit et on les assume, parce que ce qui prévaut c'est les idées et les valeurs qu'elles portent. Soit on considère que nos candidats s'obligent à une neutralité, et à ce moment là ça doit être inscrit quelque part dans les statuts en amont", observe une députée LaREM de premier plan auprès de BFMTV.com.

Tenante d'une ligne stricte sur la laïcité, la députée LaREM des Yvelines Aurore Bergé a invoqué un exemple d'une liste du Nouveau Parti Anticapitaliste datant de 2010, dans laquelle apparaissait une femme voilée. Un choix critiqué à l'époque par Martine Aubry et Jean-Luc Mélenchon. Plusieurs cadres marcheurs ont repris cet exemple.

"10 ans après certains nous accuseraient de tous les maux pour être au clair sur nos valeurs universalistes et laïques?", a demandé Aurore Bergé sur Twitter.

Invité de France Inter ce mardi matin, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a brandi le même précédent et soutenu Stanislas Guerini. "Effectivement, on ne souhaite pas présenter de candidat qui s'affiche sur des documents officiels de campagne avec un signe ostensible religieux. C'est une question de choix politique", a-t-il déclaré.

Mauvaise méthode

Il y a ensuite la question de la méthode. La présence de Sara Zemmahi sur la photo, en tant que suppléante du binôme en tête de liste, été évoquée lundi soir lors de la réunion du bureau exécutif de LaREM.

"On en parlait avant le tweet de Bardella, mais du coup quand il a tweeté on a décidé de réagir. On aurait sans doute du le faire différemment. Même si retweeter n’est pas endosser!", se défend un membre de la direction du mouvement.

Lors de la réunion de groupe parlementaire de ce mardi, particulièrement houleuse, Stanislas Guerini a fait son mea culpa. "Avec le recul, je pense que c’était une erreur de répondre à Bardella. Si certains ont été heurtés, je m’en excuse", a-t-il prononcé devant ses troupes, ajoutant qu'il faudrait "tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de tweeter".

La réunion a été l'occasion pour plusieurs représentants de l'aile gauche de LaREM de critiquer ouvertement le chef du mouvement. "Sacrifier des candidats en place publique et les mettre en pâture, c'est vraiment mortifère", a lancé le député de la Vienne Sacha Houlé, qui s'est dit "extrêmement choqué par le retweet d'un candidat RN". Le même Sacha Houlié qui, par ailleurs, a déclaré auprès de Libération qu'il serait bon que Stanislas Guerini "passe la main et les instances du parti avec lui".

Contacté par BFMTV.com, l'ancien socialiste a précisé son propos: "Je n'appelle pas à la démission de Stanislas, mais à la tenue d'élections internes, comme dans tous les partis démocratiques. Ce sont des élections qui auraient dû avoir lieu cet hiver. C'est un rendez-vous pris pour l'après-régionales." Sacha Houlié n'a pas voulu préciser s'il serait lui-même candidat à la succession de l'actuel délégué général.

"On ira jusqu'au bout"

"Les commissions d'investiture départementales, ça ne marche pas, c'est ridicule", raille une poids lourd du groupe LaREM. Un commentaire qui fait allusion aux imbroglios réguliers entre les décisions stratégiques prises au niveau local et les discussions qui se déroulent à Paris. Les discordances entre ces deux étages auront été légion sous ce quinquennat, expliquant en partie l'inefficacité chronique du mouvement En Marche.

"Si le parti doit avoir une règle plus sévère que celle de la loi, ce qui est le cas en l'espèce, il faut qu'il l'inscrive quelque part. Je demande à ce qu'on me montre le texte dans les statuts de LaREM qui comporte cette règle. Pour l'instant je n'ai rien trouvé", affirme une cadre du groupe parlementaire.

Quant aux premiers concernés, à savoir le binôme candidat - Hélène Qvistgaard et Mahfoud Benali - dans le canton de Montpellier et leurs suppléants, ils ont décidé de ne pas céder. Le droit autorise une personne à être candidat en arborant un signe religieux, ont-il rappelé sur BFMTV.

"On ira jusqu'au bout, avec ou sans l'étiquette, mais toujours en soutenant le président de la République. (...) En République, on respecte les lois. M. Guerini n'est pas au-dessus du Conseil d'Etat", a prévenu Hélène Qvistgaard sur notre antenne.
Jules Pecnard Journaliste BFMTV