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Coronavirus: le gouvernement pressé par ses opposants de reporter le second tour des municipales

Le gouvernement pourrait s'appuyer sur la théorie juridique des "circonstances exceptionnelles" pour passer un décret, qui donnerait du temps au Parlement pour rédiger une loi prévoyant un nouveau scrutin.

Le droit, aussi rigide puisse-t-il paraître, peut toujours être contourné. Surtout dans des circonstances aussi particulières, voire exceptionnelles. Pour autant le second tour des élections municipales, prévu pour le 22 mars, peut-il être reporté ou annulé comme le demandent de nombreux opposants politiques à Emmanuel Macron? Marine Le Pen, Yannick Jadot, Damien Abad, François Ruffin... Tous ont fait appel à la prudence du gouvernement s'agissant de la tenue du scrutin. 

Prenant la parole depuis Le Havre, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé qu'experts scientifiques et partis politiques seraient consultés "en début de semaine", en espérant obtenir un "consensus républicain" autour de la tenue ou non du second tour. 

Une des réalités de ce scrutin, en plus de l'abstention record, est sa relégation en arrière-plan d'une épidémie autrement plus importante à traiter. De fait, la propagation spectaculaire du coronavirus de jour en jour indique qu'une fois arrivé le second tour, les Français se détourneront davantage encore de ces municipales décidément étranges et ce, à plus d'un titre.

La théorie des "circonstances exceptionnelles"

Une loi peut remettre en cause la tenue du scrutin le 22 mars. Encore faut-il que le Parlement puisse se réunir, ce qui est loin d'être évident au vu de l'interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes déjà en vigueur - sans même parler de l'hypothèse d'un confinement total du pays, qui pourrait être acté dès lundi selon les informations qui circulent.

Le gouvernement pourrait, au préalable, s'appuyer sur la théorie des "circonstances exceptionnelles", issue d'une jurisprudence du Conseil d'État datant de juin 1918 - spécifiquement l'arrêt Heyriès. 

"On pourrait envisager que, exceptionnellement, un décret soit pris par le Premier ministre annulant ce second tour, afin de laisser le temps au Parlement de faire (une) loi", a expliqué le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier sur notre antenne ce dimanche. Cette loi aurait pour objet, donc, de reporter le scrutin, avec deux bémols apportés par le code électoral. Son article L.227 dispose que les conseillers municipaux sont "élus pour six ans" et "renouvelés intégralement au mois de mars". Quant à l'article L.56, il dispose que "les deux tours d'une élection doivent être connectés".

Une question connexe et toute aussi essentielle en découle: faut-il prendre en compte les résultats du premier tour? À commencer par ceux dans les villes - Meaux, Béziers, Hénin-Beaumont... - où un candidat l'a emporté dès ce dimanche. Sur ce point, les analyses divergent. Certains juristes estiment que si le second tour est annulé, le premier doit l'être intégralement aussi.

D'autres, comme Jean-Philippe Derosier justement, jugent que les candidats élus dès le premier tour ne doivent pas voir leur succès invalidé. Quoi qu'il en soit, l'exécutif va devoir agir vite: les listes définitives d'entre-deux tours, pour les villes où au moins deux camps sont en ballottage, doivent être déposées avant mardi à 18 heures.

Jules Pecnard