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Politique

Droit de vote des étrangers : assez de cynisme !

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Retour sur le débat relancé par le gouvernement à propos du droit de vote des étrangers non européens aux élections locales. Un parti pris en forme de coup de colère.

Il y a forcément un calcul derrière cette affaire. Si on parle de maladresse (à propos de cette a confidence du directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault à des journalistes qui a déclenché l’affaire), ça veut dire que le gouvernement voulait manœuvrer en cachette au Parlement – on ne voit pas ce qui justifierait un tel secret. Et si c’est une fuite organisée, c’est la preuve d’une volonté de ranimer la controverse sur un sujet qu’on sait toujours inflammable – ce qui revient à jouer avec les allumettes. Donc on est soit dans l’opacité, soit dans la duplicité. Dans les deux cas, c’est désolant : la question du droit de vote des étrangers mérite de la transparence et de la responsabilité. Pas de la désinvolture ni du cynisme.

Mais on connaît le problème : il faut une majorité des 3/5 au Parlement pour adopter une telle réforme, et la gauche n’a jamais eu cette majorité…

C’est vrai – mais d’après les sondages, chez les Français aussi il n’y a qu’une majorité étroite sur ce point. Alors ou le gouvernement juge cette réforme primordiale et il a le devoir de chercher à convaincre – et en tout cas de proposer un texte ; ou bien il considère que ce n’est pas une priorité – et il y renonce. Voilà 30 ans que le PS promet le droit de vote aux étrangers : c’est un serment qui ne coûte rien puisque, justement, ils ne votent pas. Le moment est peut-être venu d’arrêter de parler pour ne rien dire – et surtout pour ne rien faire. Peut-être qu’en définitive, la moins mauvaise solution serait un référendum. A condition que la question soit clairement posée – et pas noyée dans un ensemble de mesures plus ou moins consensuelles.

Le président du groupe UMP à l’Assemblée, Christian Jacob, et Jean-Louis Borloo dénoncent une opération de « diversion » du gouvernement. Vous êtes d’accord avec eux ?

C’est commode de penser que le gouvernement cherche à faire oublier ses difficultés – d’autant que la droite est plus unanime qu’elle n’a jamais été pour s’opposer au vote des étrangers. En vérité, il y a d’autres enjeux propres à la gauche : la majorité est de plus en plus divisée, elle, sur la politique économique et sociale (coupes budgétaires, indemnisation du chômage, financement des retraites…). L’avantage des sujets de société (mariage, école, vote des étrangers) c’est qu’ils ressoudent les camps en soulignant les différences entre la droite et la gauche. Ce sont des sujets « clivants ». Mais quand on les soulève sans les régler, ce sont aussi des sujets crispants…

Est-ce qu’on peut penser qu’un jour, les étrangers obtiendront en France ce fameux droit de vote aux élections locales ?

Il existe déjà : pour les Européens ! Donc si c’est une affaire de principe, le principe est entamé. En réalité, c’est un sujet qui reste lourdement chargé de préjugés islamophobes – pour ne pas dire racistes : les étrangers dont le vote fait peur à une partie des Français, ce sont les maghrébins et les africains, pas les Américains… Quand Christian Estrosi, maire de la 5è ville de France, agite la menace du vote de « ceux qui haïssent la France » à propos de gens qui, pourtant, ont choisi d’y vivre, on sait bien qui il vise. J’ai envie de lui répondre qu’il arrive aussi, dans ce débat, que certains élus donnent de la France une image… haïssable.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce jeudi 31 janvier.

Hervé Gattegno