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Politique

Discrétion inquiète à Berlin face aux attaques du PS français

Le gouvernement allemand a choisi la retenue face aux attaques du Parti socialiste français, qui ont fait d'Angela Merkel le bouc émissaire des difficultés économiques de la France, mais Berlin s'inquiète d'un déficit d'autorité de François Hollande. /Pho

Le gouvernement allemand a choisi la retenue face aux attaques du Parti socialiste français, qui ont fait d'Angela Merkel le bouc émissaire des difficultés économiques de la France, mais Berlin s'inquiète d'un déficit d'autorité de François Hollande. /Pho - -

par Emmanuel Jarry PARIS/BERLIN (Reuters) - Le gouvernement allemand a choisi la retenue face aux attaques du Parti socialiste français, qui ont fait...

par Emmanuel Jarry

PARIS/BERLIN (Reuters) - Le gouvernement allemand a choisi la retenue face aux attaques du Parti socialiste français, qui ont fait d'Angela Merkel le bouc émissaire des difficultés économiques de la France, mais Berlin s'inquiète d'un déficit d'autorité de François Hollande.

Un porte-parole de la chancelière allemande a assuré lundi que ces attaques ne remettaient pas en cause la coopération "essentielle" entre la France et l'Allemagne, célébrée en janvier à Berlin lors du 50e anniversaire du traité de l'Elysée.

"Ce qui compte pour nous, ce ne sont pas les partis mais le travail avec les gouvernements, comme la coopération directe avec le président français, le Premier ministre Ayrault et les ministres", a dit Steffen Seibert en conférence de presse.

Pour Claire Demesmay, de l'institut allemand de recherche DGAP, comme pour Thomas Klau, directeur du bureau parisien du Conseil européen des relations internationales (ECFR), Berlin s'en tiendra vraisemblablement là.

"En interne, évidemment, on s'inquiète de la situation de la France, en particulier de sa capacité à mener des réformes. Mais en même temps, on cherche à éviter la critique publique pour ne pas envenimer la situation", explique Claire Demesmay.

Face à la santé économique insolente de l'Allemagne dans une Europe en crise, le troisième personnage de l'Etat français, le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, et le Parti socialiste au pouvoir n'ont pas eu de ces pudeurs, d'autant plus que la conversion de Berlin à la discrétion est récente.

Le jour de la publication de chiffres du chômage record en France, le premier a invité jeudi dans le Monde le président de la République à ne pas se contenter d'une "tension amicale" avec l'Allemagne mais à entrer en "confrontation" avec elle.

Le lendemain, un projet de document du Parti socialiste taxant Angela Merkel d'"intransigeance égoïste" était rendu public grâce à une fuite. S'il a été édulcoré ce week-end, il faisait suite aux attaques répétées de la gauche du PS contre une austérité imposée, d'après elle, par Berlin à l'Europe.

L'AUTORITÉ DE HOLLANDE EN QUESTION ?

Le gouvernement français s'est efforcé de désamorcer l'impact de ce texte et des propos de Claude Bartolone, sévèrement recadré par plusieurs ministres.

Lundi, en déplacement en Ariège, Jean-Marc Ayrault en a rajouté dans le discours conciliant envers l'Allemagne - "notre premier partenaire" avec qui il faut oeuvrer "encore plus étroitement" à la croissance en Europe.

"Pas dans la confrontation ou dans l'invective mais avec le souci de mettre sur la table toutes les questions, les points de convergence mais aussi les divergences", a-t-il insisté.

Selon Thomas Klau, les réactions du gouvernement français ont en partie rassuré les dirigeants allemands.

"Mais cela n'enlève pas une inquiétude sur l'autorité du président", ajoute cet analyste, selon qui cet épisode laisse aussi l'impression à Berlin d'un PS français profondément divisé et d'une communication mal maîtrisée par l'Elysée.

"Cela renforce le sentiment d'un chef de l'exécutif qui ne tient pas ses troupes, qui est peut-être confronté à une fronde au sein de sa majorité", alors que les réformes les plus dures sont à venir et risquent de susciter une forte résistance dans l'électorat de François Hollande, explique-t-il.

L'inquiétude allemande est d'autant plus grande, souligne Claire Demesmay, que la France reste perçue à Berlin comme la "pièce majeure" pour résoudre la crise européenne.

"Dans l'analyse allemande, si la France tombe et s'enfonce dans la crise, c'est l'ensemble de la zone euro qui est menacée de turbulences", explique-t-elle. "En revanche, si la France s'en sort, on va vers une sortie de crise."

L'ÉLYSÉE DÉDRAMATISE

Un souci partagé par le patron allemand du groupe aéronautique européen EADS, Tom Enders.

"Nous devons faire tout notre possible pour éviter une situation où l'Allemagne se trouvera seule contre tous. Pour prévenir cela, la France et l'Allemagne doivent coopérer", dit-il dans une interview publiée lundi par Le Monde.

Il admet la tentation de "certains" en France de chercher des alliances contre l'Allemagne et le risque de voir les deux pays diverger, "ce qui ne serait pas bon pour la zone euro".

"L'Allemagne doit aborder les problèmes en se mettant à la place des autres et ses partenaires doivent faire de même", recommande Tom Enders. "L'Allemagne n'est pas le temple de l'austérité et de la politique de l'offre."

Une évolution récente mais que Claire Demesmay juge déjà sensible dans le discours allemand. Ainsi, souligne-t-elle, Berlin ne présente plus l'Allemagne comme un modèle et admet que croissance et rigueur ne sont pas incompatibles.

L'entourage de François Hollande fait montre de la même volonté de dédramatiser, quitte à minimiser des tensions bien réelles, fussent-elles "amicales".

"Il y a une perception alimentée plus ou moins de bonne foi (...) Cela n'a rien à voir avec la réalité, c'est exactement l'inverse qui se passe", soutient-on à l'Elysée. "La chancelière et ses ministres font confiance à la France."

Le député PS Christophe Caresche, membre de la commission des Affaires européennes de l'Assemblée, n'en juge pas moins nécessaire une "initiative franco-allemande" forte après les élections allemandes de septembre, quel que soit leur résultat.

"Sinon je suis très inquiet de ce qui se passera aux élections européennes de 2014", souligne cet élu, selon qui François Hollande et ses conseillers en sont conscients et réfléchissent d'ores et déjà à une telle initiative.

Emmanuel Jarry, avec Julien Ponthus à l'Elysée et Jean Décotte en Arriège, édité par Yves Clarisse