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Politique

Des préfets super-flics : le corps préfectoral inquiet

Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et Christian Lambert : le Chef de l’Etat, entouré du ministre de l’Intérieur et du nouveau préfet de Seine-Saint-Denis nommé en avril dernier.

Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et Christian Lambert : le Chef de l’Etat, entouré du ministre de l’Intérieur et du nouveau préfet de Seine-Saint-Denis nommé en avril dernier. - -

Après le limogeage brutal du préfet de l'Isère suite aux récentes violences urbaines à Grenoble, le corps préfectoral s'inquiète de la tendance du gouvernement à nommer des super-policiers comme préfets.

Nicolas Sarkozy se rend ce vendredi à Grenoble. Le Chef de l’Etat va installer le nouveau préfet de l'Isère dans ses fonctions, après les violences urbaines qui ont éclatées dans le quartier de la Villeneuve il y a quinze jours. Eric Le Douaron, ancien directeur de la police urbaine de proximité et proche du chef de l'Etat, remplace Albert Dupuy qui était en poste depuis décembre 2008.

La valse des préfets sous Sarkozy

Le corps préfectoral est inquiet : jamais autant de préfets n'ont été relevés de leurs fonctions, sanctionnés ou mutés que depuis que Nicolas Sarkozy est président de la République.
Avant le préfet de l'Isère, celui de la Seine-Saint-Denis, parce qu'il n'avait pas su gérer les problèmes de délinquance, avait été remplacé en avril par Christian Lambert, policier de métier, ancien patron du RAID, l'unité d'intervention d'élite de la police.
Autre motif de mutation, un déplacement présidentiel mal géré en 2009. Nicolas Sarkozy avait été sifflé lors d'un déplacement dans la Manche et le préfet en avait fait les frais.
Avant cela, le préfet de la Corse avait lui aussi était muté, parce des indépendantistes avaient envahi la propriété de l’acteur Christian Clavier.
D’autres ont choisi de partir avant d'être évincés. Ce fut le cas dans le Loiret, en début d'année, le préfet avait fait expulser une étudiante marocaine, le Chef de l'Etat était alors intervenu pour la faire rapatrier. Désavoué, le préfet avait lui-même demandé à être relevé de ses fonctions.

« On ne peut pas être serein quand on est sur un siège éjectable »

Alain Rigolet est préfet honoraire depuis un an et demi, c'est-à-dire préfet à la retraite. Il échange souvent avec ses anciens collègues et constate « un vrai malaise depuis quelque temps : des préfets sautent, explique-t-il, on les montre du doigt, avant, on les respectait un peu plus. L’ambiance est lourde aujourd’hui dans le corps préfectoral. On ne peut pas être serein quand on a l’impression d’être sur un siège éjectable ; et c’est le sentiment que partagent beaucoup de mes collègues, qui ne peuvent pas le dire, devoir de réserve oblige. »

« Parce qu'un préfet doit appliquer toutes les politiques »

Philippe Martin, député PS du Gers et préfet en détachement de longue durée, ne mâche pas ses mots pour raconter lui aussi cette « fébrilité » actuelle des préfets : « le corps préfectoral est soumis à la dictature des chiffres, des résultats, explique-t-il, et doit s’inquiéter du moindre mouvement de manifestation qui déplairait au prince qui nous commande. On sent effectivement une orientation sur la phase police qui paraît inquiétante, parce qu’un préfet représente tous les ministres du gouvernement dans un département et doit appliquer toutes les politiques, et pas simplement la politique de répression ou de police ».

« Vivement que ce temps politique passe ! »

Côté police, ces nouvelles orientations sécuritaires des préfets font « largement sourire » Yannick Danio, délégué national du syndicat de policiers SGP-FO : « Les préfets hyperactifs, ça nous fait largement sourire, parce qu’il y a presque 25 ans, c’était des officiers de paix, voire des commissaires de police, qui venaient contrôler et gérer les interventions de police. Et aujourd’hui, ce sont des préfets de départements qui viennent nous contrôler. Certes, il y a des diminutions d’effectifs, mais est-ce le rôle d’un préfet de faire un métier de gardien de la paix ou d’officier de police ? Les policiers ont besoin de retrouver une certaine sérénité dans leur travail, et vivement que ce temps politique passe ! ».

La Rédaction, avec Claire Andrieux