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Politique

Déficit : les avertissements de la Cour des comptes

Pour Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, de nouveaux efforts seront nécessaires en 2014 et 2015.

Pour Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, de nouveaux efforts seront nécessaires en 2014 et 2015. - -

Selon le rapport annuel de la Cour des comptes, la France peut tenir ses objectifs pour 2013 à condition de garder le cap des économies. Il faudra malgré tout dégager des économies de 13 milliards en 2014 et 15 milliards en 2015 avec des mesures drastiques, comme un nouveau gel du point d'indice de la fonction publique ou une réforme des subventions et des prestations sociales.

Il va falloir se serrer la ceinture jusqu’au bout. Le report de deux ans de l'obligation de réduire le déficit de la France à 3% du PIB n'autorise aucun relâchement de l'effort prévu pour 2014 et 2015, surtout sur les dépenses, estime la Cour des comptes, qui n’appelle toutefois pas à prôner des efforts additionnels cette année mais à attendre 2014 et 2015.
L'atonie de la croissance économique risque de placer le déficit public aux alentours de 4% fin 2013 au lieu du 3,7% prévu, ajoute-t-elle dans un rapport annuel publié ce jeudi. « La France se situe à un moment crucial dans la conduite du redressement de ses finances publiques », a dit le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, aux députés. « Elle a engagé depuis 2011 l'indispensable redressement de ses déficits publics. Le message essentiel de ce rapport est que la moitié du chemin a bien été parcourue » et que « les efforts ne doivent en aucune manière être relâchés ».

« Réaliser entièrement l'effort programmé »

Réduire le déficit à 3% du PIB fin 2015 comme le demande désormais la Commission européenne suppose de maîtriser fortement les rémunérations dans la fonction publique et de prendre d'amples mesures d'économies pour les comptes sociaux. « Compte tenu de l'ampleur de l'effort programmé et de l'atonie de la croissance économique en 2012 et en 2013, la Cour considère qu'il n'y a pas lieu d'envisager des mesures de rééquilibrage en cours d'année », a précisé Didier Migaud. « En revanche, il convient de s'attacher à ce que l'effort programmé, le plus important de notre histoire budgétaire récente, soit entièrement réalisé », a-t-il poursuivi.
Si les recettes fiscales seront cette année moins élevées que prévu par le gouvernement en raison d'une croissance économique qui sera probablement légèrement négative (au lieu du +0,1% prévu par le gouvernement), la prévision d'évolution de la dépense publique figurant dans le programme de stabilité présenté à Bruxelles « apparaît plausible », lit-on.

« Mettre à contribution l'ensemble des administrations publiques »

Pour les deux années prochaines, « si l'on retient des hypothèses plus prudentes que celles du programme de stabilité, l'effort structurel prévu par celui-ci demeure nécessaire pour atteindre cet objectif de 3% en 2015 avec une marge de sécurité suffisante. Ce report n'autorise donc aucun relâchement de l'effort structurel », poursuit la Cour des comptes. Ceci suppose de dégager des économies d'environ 13 milliards d'euros en 2014 et 15 milliards en 2015, en « mettant à contribution l'ensemble des administrations publiques ».
Il faut donc mener des réformes structurelles pour redresser les comptes, mais en attendant qu'elles prennent leur effet, « des mesures à effet rapide sont nécessaires, telles que le gel du point de la fonction publique, la réduction du rythme de croissance de l'Ondam ou une révision des modalités d'indexation des prestations sociales, à l'exception des minima sociaux ». L'Ondam - Objectif de dépenses d'assurance maladie - permet de piloter les dépenses de santé.
« Des économies sur les dépenses d'intervention, c'est-à-dire les subventions et les prestations sociales sont également d'autant plus essentielles qu'elles représentent plus de la moitié de la dépense publique et qu'elles ont été peu concernées par les mesures prises jusqu'ici », a expliqué Didier Migaud. Selon la Cour des comptes, des revalorisations inférieures à l'inflation pourraient concerner les pensions de retraite, les prestations familiales et les aides au logement.

« Un redressement sans mesures drastiques d'austérité »

Limiter la croissance des dépenses de personnel dans la proportion prévue par le gouvernement pourrait priver l'Etat de la quasi-totalité des leviers de sa politique de rémunération. « Pour éviter de prolonger le gel du point ou de ralentir les déroulements de carrière, d'autres leviers peuvent être actionnés, notamment une réduction limitée des effectifs », estime la Cour, qui présente un scénario dans lequel un départ en retraite sur six ne serait pas remplacé (-10.000 emplois).
Les comptes sociaux évoluent dans une dynamique non soutenable, estime-t-elle, à quelques mois d'une réforme des retraites. Et ils doivent être maîtrisés en priorité. Les collectivités locales doivent participer à l'effort, d'autant que leurs dépenses ont fortement augmenté, dit-elle. Tout en appelant au plus grand sérieux, Didier Migaud a insisté sur le fait que « le redressement peut être réalisé sans passer par les mesures drastiques d'austérité que d'autres pays ont parfois mises en place, j'entends par là des diminutions de prestations sociales ou de rémunérations ».

La rédaction avec Reuters