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Politique

De Pompidou à Sarkozy, petite histoire des scandales en campagne

François et Pénélope Fillon ne sont pas les premiers à se trouver en butte aux soupçons en pleine campagne. Affaire Markovic, diamants de Bokassa ou encore appartement à Neuilly-sur-Seine, les scandales ont été nombreux à peser sur les ambitions électorales.

Le clan François Fillon, candidat de la droite et du centre à la présidentielle, est dans la tourmente. Son épouse, Pénélope Fillon, aurait touché, selon Le Canard enchaîné, 500.000 euros brut en tant que son attachée parlementaire puis celle de son suppléant, un emploi soupçonné d’être fictif. L’ancien chef de gouvernement de Nicolas Sarkozy n’est pas franchement le premier candidat en campagne soudainement assailli par ce que l’on appelle "une affaire". Si certaines d’entre elles sont indolores, d’autres ont, par le passé, contribué à faire échouer le suspect dans sa quête électorale. Sous la Ve République, le premier candidat à avoir fait face au scandale peu avant une élection est Georges Pompidou.

L’affaire Markovic: le couple Pompidou plongé dans l’opprobre

Le 1er octobre 1968, Stefan Markovic est retrouvé mort dans les Yvelines. Ce trentenaire yougoslave est un ancien garde du corps d’Alain Delon. Personnage trouble habitué des milieux interlopes, il organise aussi des orgies. La presse d’extrême-droite, via le journal Minute, assure que Markovic monnayait des photos de la participation de "la femme d’un homme politique" à ces soirées peu recommandables. Une fréquentation du défunt, Boris Ackov, suggère bientôt le nom de Claude Pompidou. Tout est faux, l’épouse de celui qui a été le Premier ministre du général De Gaulle pendant six ans, jusqu’en juillet 1968, n’a jamais mis les pieds dans les parties fines du Yougoslave mais la rumeur est lancée et la justice poursuit un temps cette piste.

Georges Pompidou est prévenu tardivement du soupçon qui pèse sur son mariage par un proche…et non par l’Elysée, ni par le gouvernement alors dirigé par son successeur, Maurice Couve de Murville. Le normalien pense même qu’on a encouragé la confession calomnieuse de Boris Ackov. La campagne pour la succession de De Gaulle n’est pas encore ouverte pour la bonne et simple raison que le président n’a pas démissionné. C’est chose faite en avril 1969 après le désaveu public qu’il essuie dans le référendum sur la réforme du Sénat.

Aussitôt, Georges Pompidou prétend le remplacer à son poste et devient président en juin suivant, sans que la controverse ne lui nuise. Mais durant les cinq années qui lui restent alors à vivre, comme le note L'Express, Georges Pompidou conserve avec lui un carnet dans lequel il a consigné les noms des gens ayant trempé dans la machination.

Valéry Giscard d'Estaing et les "diam’s"

Après l’intérim du président du Sénat Alain Poher à la tête de l’Etat à la mort brutale de Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing prend possession de l’Elysée. Au bout de quelques années, lui aussi est rattrapé par le scandale. Le 10 octobre 1979, et les semaines consécutives, Le Canard enchaîné annonce que Valéry Giscard d’Estaing a reçu plusieurs diamants de Jean-Bedel Bokassa, président de la République de Centrafrique, au début des années 70.

Il est accusé de ne pas les avoir déclarés à la douane. Si un célèbre film affirme que les diamants sont éternels, il est sûr qu’ils ont longtemps collé à la peau du président Giscard d’Estaing et empoisonnent les dernières années de son mandat. A la télévision, l’humoriste Thierry Le Luron commence ses imitations du chef de l’Etat par un mordant "Bonsoir mes diam’s". La polémique ne disparaît pas jusqu’à la défaite du sortant face à François Mitterrand au printemps 1981.

Edouard Balladur éclaboussé par les frasques du RPR

Les deux précédents ont été élus président de la République avant ou après l’affaire, Edouard Balladur n’aura jamais franchi cette marche. En 1995, sa campagne est aussi entachée par une affaire. La polémique éclate publiquement le 20 décembre 1994 avec l’arrestation du docteur Jean-Pierre Maréchal. Celui-ci est accusé d’être impliqué, avec le conseiller général des Hauts-de-Seine Didier Schuller, dans un système de fausses facturations pour financer le RPR, parti auquel appartient le Premier ministre Edouard Balladur.

Si Edouard Balladur n’est pas directement inquiété, il n’en reste pas moins que, longtemps grand favori du scrutin, il tombe dès le premier tour de la présidentielle 1995. Il est devancé notamment par son ancien ami et désormais rival, Jacques Chirac.

Jacques Chirac, sulfureux globe-trotteur

En 2001, un an avant de se présenter à sa propre réélection, Jacques Chirac se retrouve au centre d’une enquête. Dans le viseur des enquêteurs, l’achat en liquide, pour lui et son entourage, d’une vingtaine de billets d’avion, pour une valeur totale de 2,4 millions de francs à l’époque. Ses transactions ont été opérées alors que Jacques Chirac était le maire de Paris.

En fait, les magistrats soupçonnent un lien entre cette obtention de billets en cash auprès d’une même agence et les commissions versées autour d’attributions de marchés du Conseil régional d’Île de France. Interrogé à ce sujet par les journalistes à la télévision, Jacques Chirac est certain que l’ensemble des accusations va faire "pschitt". Il a bien raison car quelques mois plus tard, il remporte le second tour de la présidentielle face à Jean-Marie Le Pen. L’affaire connaît son épilogue en 2005: la justice abandonne alors les poursuites dans ce dossier.

Nicolas Sarkozy, deux campagnes présidentielles et deux tempêtes à Neuilly-sur-Seine

En février 2007, Le Canard enchaîné publie que Nicolas Sarkozy, encore ministre de l’Intérieur mais en lice pour la présidence, a bénéficié d’un rabais très intéressant pour l’achat de son appartement sur l’île de la Jatte à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) dix ans plus tôt. Pour ce logement de 233 mètres carré dans une des villes les plus chères de France, il avait déboursé 5.747.670,25 francs (876.227 euros) soit deux millions de francs (et 300.000 euros) de moins que la valeur du marché. Il nie immédiatement avoir joui d’une ristourne. La procédure judiciaire s’arrête vite et n’a pas de poids auprès de l’électorat. Il est élu président de la République quelques mois plus tard avec environ 53% des voix contre les 47% des suffrages exprimés récoltés par Ségolène Royal.

Cinq ans plus tard, il brigue un second mandat mais peine à se défaire des lourds soupçons qui pèsent sur son camp depuis deux ans. En 2010, le site d’investigations Mediapart lance l’affaire Bettencourt, appelée à défrayer longuement la chronique. Il est question d’un financement illégal de la campagne présidentielle du candidat Nicolas Sarkozy en 2007 via des remises d’argent du couple formé par André et Liliane Bettencourt à destination notamment d’Éric Woerth. Nicolas Sarkozy est nommé comme témoin assisté en novembre 2012 et en mars 2013, il est mis en examen pour "abus de faiblesse" sur la personne de Liliane Bettencourt. Un non-lieu est cependant prononcé en octobre.

la tragédie bérégovoy

Pierre Bérégovoy n’a pas été fauché en pleine campagne législative mais son destin personnel et politique a été brisé par un scandale. Le 1er février 1993, la gauche est en difficulté, après cinq ans de second mandat pour François Mitterrand, alors que se profilent les élections législatives de 1993, quand Le Canard enchaîné met en Une le nom du Premier ministre du moment, Pierre Bérégovoy. Le journal révèle qu’en 1986, le ministre de l’Economie et des Finances qu’il est alors à perçu un prêt sans intérêt de l’homme d’affaires Roger-Patrice Pelat. Avec ce million de francs, Pierre Bérégovoy achète un appartement parisien. Durant la campagne pour le renouvellement de l’Assemblée nationale en 1993, le chef de la majorité sortante essuie un feu nourri de critiques et d’accusations. Il se sent délaissé par sa famille politique.

En mars, la gauche est balayé aux législatives. Le 1er mai 1993, trois mois après le début de l’affaire, persuadé d’avoir fait perdre ou d’avoir aggravé la débâcle de son camp, et accablé de voir sa probité remise en cause, Pierre Bérégovoy se tue par balle, le long d’un canal, près de Nevers, dans la Nièvre.

Robin Verner