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Darmanin "assume" la "double peine": en quoi consiste ce dispositif pour les étrangers condamnés

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur BFMTV.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur BFMTV. - BFMTV

Le ministre de l'Intérieur a annoncé vouloir présenter à la rentrée une loi permettant de lever une partie des restrictions législatives sur la double peine. Beauvau pourrait ainsi revenir sur l'interdiction d'expulser une personne étrangère condamnée et mariée à un ressortissant français.

Après la polémique à la Guillotière à Lyon liée à l'agression de plusieurs policiers, Gérald Darmanin "assume une forme de double peine" pour les délinquants étrangers ce mardi soir sur BFMTV. Dans un entretien au Monde début juillet, le ministre de l'Intérieur tenait des propos similaires. BFMTV.com vous explique en quoi consiste ce dispositif.

La "double peine" désigne le fait qu’un étranger, c'est-à-dire une personne qui n'a pas la nationalité française, et qui a commis un délit ou une infraction sur le territoire français, puisse être expulsé, une fois sa peine purgée, d'après la loi du 2 novembre 1945.

Un dispositif modifié en 1981

Parmi les crimes et délits qui ouvrent cette possibilité, on trouve notamment le viol, le meurtre, le trafic de stupéfiants ou encore la contrefaçon ou le terrorisme. La double peine peut être prononcée par le ministre de l'Intérieur ou le préfet par le biais d'un arrêté d'expulsion ou encore par un tribunal.

La double peine est une première fois modifiée en 1981 par Gaston Defferre. Alors locataire de la place Beauvau, ce proche de François Mitterrand instaure huit catégories d’étrangers qui peuvent opposer un recours au renvoi en cas de condamnation judiciaire en plaidant leur lien avec la France. Parmi celles-ci, on trouve notamment des étrangers mariés depuis au moins 3 ans avec une personne de nationalité française ou encore les personnes qui ont un enfant qu'elles élèvent.

Sarkozy change la loi et facilite le recours à l'assignation à résidence

La modification de la loi ne concerne cependant pas les condamnations liées aux droits fondamentaux comme l'incitation à la haine ou le terrorisme.

En 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur propose une réforme étendant la protection contre l'expulsion. La double peine ne concerne désormais plus les personnes étrangères arrivées en France avant l'âge de 13 ans ni celles qui y résident depuis plus de 20 ans.

Pour ces dernières, les juges peuvent désormais appliquer des assignations à résidence. "La manœuvre permettait de punir des étrangers dont on savait qu'on aurait du mal à les faire expulser", explique alors à Libération un policier.

Darmanin veut "améliorer le dispositif" de la double peine

Si les modalités d'application changent, la double peine est toujours utilisée. En 2010, on compte ainsi 3750 interdictions du territoire français sur 13.456 condamnations pénales.

Après la victoire de François Hollande, la gauche temporise et ne réforme pas le principe de la double peine. Le sujet revient sur la table en 2019 quand Marlène Schiappa, alors secrétaire d'État en charge de l'égalité femme-homme propose d'expulser les étrangers condamnés pour violences sexuelles, sans suite concrète dans la loi.

Début juillet 2022 dans Le Monde puis sur notre antenne, Gérald Darmanin remet le sujet sur la table, affirmant "vouloir améliorer" le dispositif de la double peine pour lever les "freins qui empêchent l'État français d'expulser des étrangers qui sont délinquants".

Des freins juridiques importants

Le ministre de l'Intérieur peut compter sur Marine Le Pen et ses 89 députés. Elle a déclaré vouloir dire "cent fois oui" à sa proposition lors de sa toute première question au gouvernement le 11 juillet dernier, affirmant qu’elle "signerait des deux mains" et soutiendrait ce texte.

Problème: cette disposition nécessiterait le contournement de plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l'homme ce qui reviendrait à supprimer les exceptions existantes. Mais pour cela, il faudrait enfreindre plusieurs articles de la convention européenne des droits de l’homme.

"Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance", indique ainsi ce texte, fermant la porte à l'expulsion d'une personne qui a un enfant en France par exemple ou des attaches maritales.

Cette nouvelle loi devrait être présentée à la rentrée en même temps que la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. Ce texte devrait notamment assouplir les critères permettant l'éloignement comme le mariage "ou l'âge d'arrivée en France", comme l'a expliqué le ministre sur notre antenne. Certaines nationalités ne seraient cependant pas visées comme les Syriens ou les Afghans, à la situation géopolitique jugée trop mauvaise par Gérald Darmanin.

Marie-Pierre Bourgeois