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Politique

Contrôles d'identité au faciès : faut-il changer la loi ?

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D’après une enquête menée en 2009, les personnes d'origine africaine ont 6 fois plus de risques d'être contrôlées à Paris. Et depuis, rien n'a changé. Des avocats s'attaquent donc à ces "contrôles d'identité au faciès". Témoignages et débat.

Dans la capitale française, les personnes d'origine africaine avaient 6 à 7 fois plus de risques d'être contrôlées en 2009. Ce sont les chiffres d'une enquête menée par des chercheurs français et financée par l'ONG américaine Open Society Justice Initiative. Et depuis, rien n'a changé.
A quelques jours d'une mobilisation nationale contre le racisme, un collectif d'avocats lance cette semaine une offensive sur ces "contrôles d'identité au faciès". Ils vont déposer plusieurs "Questions prioritaires de constitutionnalité" (QPC). Ils estiment que la loi de 2003 sur les contrôles d'identité est contraire à la Constitution parce qu'elle est trop vague. Résultat : elle conduit à des contrôles au faciès. Ils veulent donc que la loi soit invalidée.

« On ne dit pas que les policiers sont racistes, mais... »

« La loi est tellement floue qu’elle permet tous les contrôles, confirme Jérôme Kersenti, avocat dans le Val-de-Marne et président de la section Créteil du Syndicat des Avocats de France. Le policier va dire "il y avait des raisons plausibles de penser que ces personnes allaient commettre ou avaient commis un délit, donc je contrôle". Et cet argument est impossible à vérifier pour le juge. Nous ne voulons pas dire là que les policiers sont des racistes, mais il y a un comportement socioculturel : il faut aller contrôler au faciès, à la casquette, au type noir. »

« Il n’y a ni motif ni urgence à changer la loi »

Mais pour Jean-Claude Delage, secrétaire général du Syndicat "Alliance Police Nationale", « il n’y a ni motif ni urgence à changer la loi. Pour nous, ce n’est pas subjectif, poursuit-il, nous pensons que ce texte permet aux forces de police de travailler de manière efficace. Et je ne crois pas qu’aujourd’hui les policiers pratiquent des contrôles au faciès ; ils pratiquent des contrôles d’identité dans le cadre stricte de la loi et non pas en fonction de leur couleur, de leurs vêtements… On est vraiment dans de l’arbitraire quand on dit ça. »

« Je me fais contrôler 2 fois par semaine, sans raison... »

Mike, 16 ans, est lycéen en seconde à Créteil (Val-de-Marne). Il est français et noir, ses parents étant originaires du Cap Vert et de Guadeloupe. « Je me fais contrôler en moyenne deux fois par semaine par les policiers, explique-t-il, sans raison, en sortant du bus… Ils voient un mec avec une casquette, ils contrôlent. Ils nous disent de nous mettre sur le côté, de lever les mains, contre le mur, et ils nous fouillent, nous demandent nos papiers… Ils peuvent nous contrôler, mais pas tout le temps, c’est pas normal. »

« C’est très humiliant… »

Et pour Alioune, 21 ans, lui aussi français noir (ses parents sont Africains), et en BTS de comptabilité, « c’est très humiliant : 2-3 fois par mois, sans raison… Quand on voit les jeunes Français, qui sont plusieurs, avec des bouteilles d’alcool à la main et qui ne se font jamais contrôlés, on a un peu les nerfs. »

La Rédaction, avec Yann Abback