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Politique

Concessions en trompe-l'oeil sur les retraites

Face au risque de radicalisation du mouvement contre sa réforme des retraites, Nicolas Sarkozy a concédé des aménagements en faveur des femmes et des parents d'enfants handicapés mais est resté ferme sur les dispositions les plus emblématiques et les plus

Face au risque de radicalisation du mouvement contre sa réforme des retraites, Nicolas Sarkozy a concédé des aménagements en faveur des femmes et des parents d'enfants handicapés mais est resté ferme sur les dispositions les plus emblématiques et les plus - -

Face au risque de radicalisation du mouvement contre sa réforme des retraites, Nicolas Sarkozy a concédé jeudi des aménagements en faveur des femmes et des parents d'enfants handicapés mais reste ferme sur les dispositions les plus emblématiques et les plus contestées.

Ces concessions constituent aussi un geste à l'adresse des sénateurs de la majorité, qui examinent actuellement ce texte, au moment où une partie de leurs collègues députés brandissent l'étendard de la révolte contre le "bouclier fiscal", une autre réforme phare du président français.

Si elles permettent au chef de l'Etat et au gouvernement de se dire à l'écoute de l'opinion publique, elles restent très insuffisantes aux yeux des syndicats, qui brandissent la menace de grèves reconductibles à partir du 12 octobre.

Pour le directeur de l'institut Viavoice, François Miquet-Marty, "ce sont des concessions secondaires qui ne remettent pas en cause l'architecture du projet et le coeur de la réforme" et elles ne constituent certainement pas un "recul".

Selon l'Elysée, Nicolas Sarkozy a demandé au gouvernement de déposer un amendement maintenant à 65 ans, pendant cinq ans, l'âge d'annulation de la décote pour les parents de trois enfants, nés avant 1956 et qui se sont arrêtées de travailler au moins un an après la naissance d'un de ces enfants.

De même, les parents d'enfants handicapés conserveront le bénéfice de la retraite à taux plein à 65 ans, quelle que soit leur durée de cotisation et sans limite dans le temps.

L'Elysée maintient en revanche que le recul de 60 à 62 ans de l'âge légal de la retraite est une "composante essentielle de la réforme", comme celui de l'annulation de la décote à 67 ans pour les personnes non concernées par les derniers aménagements.

RAPPORT DE FORCE

Les aménagements annoncés avaient été proposés par le président UMP du Sénat, Gérard Larcher, et implicitement approuvés par le ministre du Travail, Eric Woerth.

"Nicolas Sarkozy avait dit qu'il y aurait des marges dans la discussion au Senat", fait valoir une source gouvernementale. "Cela montre que le gouvernement est à l'écoute de la réflexion au Sénat et qu'il évolue au rythme des débats."

L'opposition de gauche crie à la mise en scène, tandis que les syndicats veulent voir dans ces concessions en trompe-l'oeil la preuve que la mobilisation paie.

"Ce ne sont pas là des éléments de nature à modifier la critique fondamentale sur le projet de réforme", a cependant déclaré le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.

La CFDT a salué une "avancée" et un "pas en avant" mais son secrétaire national chargé du dossier a déclaré à Reuters que cela ne remettait en rien en cause l'appréciation globalement négative de la réforme par la centrale.

"La réforme est structurellement injuste", a dit Jean-Louis Malys. "On appelle à la mobilisation le 12 octobre et on souhaite une très forte mobilisation (...) On est dans une dynamique où le rapport de force se développe."

François Miquet-Marty n'exclut pas que l'Elysée cherche par ses annonces à enfoncer un coin entre radicaux adeptes de grèves reconductibles et éléments plus fatalistes ou résignés.

"Le scénario le plus envisageable maintenant c'est le pourrissement", estime le directeur de Viavoice.

CRISTALLISATION

"Mais cela ne résoudrait pas les problèmes de fond et le risque serait d'une accentuation de l'exacerbation sociale", avertit cet analyste. Car la réforme des retraites "cristallise" la révolte d'une bonne partie des Français contre la situation économique et sociale et ce ne sont pas ces concessions qui "changeront la donne".

Guy Groux, du Centre de recherches politiques (Cevipof) de Sciences Po Paris, voit également dans l'annonce de ces aménagements une "tentative de neutraliser" les appels à la grève reconductible dans le secteur public, qui pèsent sur le débat au Sénat en menaçant le pays de paralysie.

"Est-ce que cela peut suffire ? J'en doute", juge ce spécialiste des mouvements sociaux en France. "Aujourd'hui, la question essentielle posée par les syndicats, notamment par la CGT, c'est l'ouverture de vraies négociations."

Mais lui aussi est sceptique sur les suites du mouvement en l'absence d'une véritable mobilisation dans le secteur privé.

"Si la question est de savoir s'il peut y avoir une mobilisation de type mai 1968, la réponse est non. Nous n'en sommes certainement pas là", explique-t-il en faisant allusion aux plus grandes grèves de l'histoire de la Ve République.

Il ne voit pas non plus Nicolas Sarkozy reculer sur les principales mesures de la réforme. "Le coût politique serait extrêmement élevé dans son électorat", à 18 mois des élections présidentielle et législatives de 2012, souligne Guy Groux.

Edité par Patrick Vignal