Cahuzac: redresseur des finances publiques balayé par un mensonge

PORTRAIT - De redresseur des finances à symbole du mensonge en politique, la chute de Jérôme Cahuzac est d'autant plus dure. Retour sur son parcours.

L'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, qui a avoué mardi avoir eu un compte caché à l'étranger après avoir clamé le contraire, s'était imposé comme redresseur des finances publiques sans états d'âme avant de devoir quitter le gouvernement sous la pression de la justice.

Cet adepte de la boxe a pendant des mois encaissé et renvoyé les coups. Mais son destin politique avait vacillé le 4 décembre, lorsque le site d'informations Mediapart l'accusait d'avoir détenu un compte secret en Suisse pour échapper au fisc et de l'avoir ensuite transféré à Singapour.

Le chirurgien en vue se lance en politique

Ce chirurgien âgé de 60 ans, qui a fait fortune dans les implants capillaires tout en cultivant sa carrière politique, a démissionné de Bercy le 19 mars, quelques heures après l'ouverture d'une information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale.

"Je me souviendrai quelque temps" de cette journée, commente-t-il le lendemain, la gorge nouée et les larmes aux yeux, en passant le témoin à son successeur Bernard Cazeneuve.

Mardi, après avoir reconnu ce qu'il avait solennellement démenti devant l'Assemblée nationale, il s'est dit "dévasté par le remords" et a demandé "pardon" au président François Hollande et aux membres du gouvernement. "Aux Françaises et aux Français", il a exprimé ses "sincères et plus profonds regrets".

Le député obtient son premier portefeuille

Jérôme Cahuzac a été élu député en 1997, battu en 2002, et réélu en 2007 face à l'ex-juge Jean-Louis Bruguière, candidat UMP. Il avait ensuite été nommé ministre délégué au Budget en mai 2012, après avoir dénoncé les choix économiques de Nicolas Sarkozy depuis la présidence de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

Passionné de fiscalité, le député du Lot-et-Garonne, responsable de ces questions dans l'équipe de campagne de François Hollande, décrochait alors son premier portefeuille ministériel.

Un ministre partisan de l'orthodoxie budgétaire

Cet ex-admirateur de Michel Rocard et Lionel Jospin, proche de Dominique Strauss-Kahn avant de rejoindre le candidat Hollande, est plus partisan de l'orthodoxie budgétaire que des rêves keynésiens d'une relance par la dépense.

Orateur brillant au langage suranné, redoutable lorsqu'il s'agit de retourner les arguments de ses adversaires, il peut en privé se laisser aller aux jugements à l'emporte-pièce, critiquer vertement tel ou telle ministre, et se montrer peu courtois.

Stoïque, il a avalé bien des couleuvres, comme lorsqu'il découvre, en plein plateau télévisé, le projet du candidat Hollande de taxer à 75% les revenus au-dessus d'un million d'euros annuels.

Ou quand, à l'automne dernier, il a dû revoir un projet de hausse de la taxation des plus-values de cession face à la fronde de créateurs d'entreprises autoproclamés "pigeons".

Un sportif accompli

Jérôme Cahuzac pratique de nombreux sports: vélo, chasse sous marine, tennis, course à pied, avec deux marathons à son actif, et le ski de fond, qui l'a mené en Suède en 1995 parmi la foule des coureurs de la fameuse compétition de Vasaloppet.

Svelte, les lèvres minces et le sourire en coin, Jérôme Cahuzac est né à Talence (Gironde) le 19 juin 1952 de parents qui ont été résistants. Entré au PS en 1977, il a été conseiller technique au cabinet de Claude Evin, ministre de la Santé (1988 à 1991).

D. N. avec Thomas Paulmyer