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Politique

Buffet : « Sarkozy, le président des restrictions »

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Marie-George Buffet attend des Municipales qu’elles donnent des responsabilités à des équipes de gauche, citoyennes, inventives et ambitieuses. La députée communiste est fondamentalement contre Sarkozy… Mais toujours pas avec Besancenot.

J-J B : Vous seriez citoyenne américaine, pour qui voteriez-vous ?
M-G B : On va dire Obama.

J-J B : Pourquoi ?
M-G B : Peut-être parce que ce serait un moment important pour qu’un homme, de couleur noire, puisse accéder à cette haute responsabilité. En ce qui concerne sa politique, j’aurais certainement des critiques ou des apports. Mais je trouve que ce serait vraiment un signe extrêmement important.

J-J B : Vous seriez salariée à Arcelor-Mittal à Gandrange, est-ce que vous auriez applaudi Nicolas Sarkozy hier ?
M-G B : J’aurai applaudi ma lutte qui a permis que le plan social ne s’applique pas immédiatement. Mais il faut que Arcelor-Mittal mette des sous aussi. 8 milliards de bénéfices ! Que l’Etat s’engage pourquoi pas… si on contrôle l’utilisation de l’argent public. Parce qu’il y en a eu tellement de donné à des entreprises et un an après, l’entreprise fermait quand même boutique et les salariés se retrouvaient à la rue… Donc il faut que cet argent public soit contrôlé par les organisations syndicales.

J-J B : Donner de l’argent public à une entreprise qui fait des bénéfices ça parait surréaliste ou pas ?
M-G B : Oui ça paraît surréaliste, c’est pour ça que je dis qu’il faut qu’Arcelor-Mittal soit contraint de mettre aussi de l’argent.

J-J B : Ça veut dire que vous approuvez le fait qu’on injecte de l’argent public dans une entreprise privée ?
M-G B : Sous contrôle des organisations syndicales pour l’utilisation de cet argent public. Si ça sert à développer la recherche, si ça sert à moderniser, si ça sert à la formation, ça peut se concevoir. Mais il faut que ce soit sous contrôle. Ça se fait depuis des années, il y a eu des tonnes d’argent qui ont été donné dans les entreprises.

J-J B : C’est le rôle de l’Etat d’intervenir ?
M-G B : L’Etat doit s’occuper de maintenir une politique, une industrie dans notre pays. Ça passe d’abord pour de l’argent pour la recherche, on n’a pas assez de recherche en France pour développer les productions modernes de qualité. Ça passe par une législation qui permet une sécurité d’emploi et de formation pour que les salariés aient un emploi stable et qu’ils puissent se qualifier tout au long de leur carrière. Ça passe par de nouveaux pouvoirs pour les salariés dans les entreprises pour que justement l’argent serve à l’entreprise et ne serve pas à des actionnaires ou à des spéculations boursières avec les conséquences qu’on connaît.nisUnisU

J-J B : Ça veut dire que l’intervention du Président de la République vous paraît bien ?
M-G B : Je ne dis pas que c’est bien.

J-J B : Vous approuvez ou pas cette intervention ?
M-G B : Ce que j’approuve c’est qu’aujourd’hui les salariés ne sont pas à la rue, ils ont obtenu un délai supplémentaire et ça c’est bien, c’est positif. Si l’Etat investit de l’argent sur la formation, à condition qu’Arcelor-Mittal utilise ces bénéfices faramineux pour aussi moderniser cette entreprise et maintenir l’emploi, alors d’accord. Si ce n’est pas le cas, je ne suis pas d’accord.

J-J B : Mais vous êtes dans le même discours que Nicolas Sarkozy…
M-G B : Non, ne me faites pas dire des choses que je ne pense pas. Nicolas Sarkozy fait une vague promesse en disant qu’il va nous donner de l’argent public alors que moi je dis qu’il faut qu’Arcelor-Mittal mette de l’argent dans cette entreprise. Je dis que l’argent public doit servir à la formation et à la recherche et doit être contrôlé par des organisations syndicales pour qu’on ne revive pas ce qu’on a vécu dans plein d’entreprises où l’Etat ou les collectivités territoriales ont donné de l’argent puis ensuite l’entreprise a fermé.

J-J B : L’Etat est dans son rôle quand il intervient ?
M-G B : L’Etat doit se mêler de maintenir une politique industrielle dans notre pays.

J-J B : Et dans le dossier de la Société Générale, imaginons qu’il y ait un repreneur qui vienne de l’étranger, est-ce que l’Etat, là encore, doit intervenir ?
M-G B : Il faudrait surtout faire le clair sur ce qui s’est passé à la Société Générale parce qu’il faudrait savoir comment, exactement, cette banque est gérée. Je trouve quand même assez malsain, mais finalement pas trop surprenant, que quelques jours après ce grave incident, la BNP ou d’autres banques pointent leur nez pour dire qu’elles pourraient faire une OPA sur cette banque. En fait elles profitent des difficultés que connaît une banque pour essayer de s’en saisir. Mais au fond de l’affaire qu’est ce qu’il y a : il y a le fait qu’il y a aujourd’hui une bulle financière, qui ne s’appuie pas sur un réel développement économique, sur une réalité économique. Donc, alors qu’on aurait besoin d’argent pour développer une politique économique industrielle, on joue en bourse. C’est ça le drame aujourd’hui.

J-J B : Vous voulez dire que ce monde est fou ?
M-G B : Oui ce monde est fou.

J-J B : Immoral ?

M-G B : Oui il y a une forme d’immoralité. Quand vous voyez ces milliards qui cavalent de bourse en bourse, ces actionnaires qui se servent bien au passage, et ensuite on explique aux salariés qu’ils gagnent trop, qu’ils ne font pas assez d’heures, et qu’en fin de compte il faut mieux aller exploiter un peu plus d’autres salariés ailleurs, oui il y a une forme d’immoralité. Le capitalisme est quelque part un système très immoral.

J-J B : On peut parler d’autres entreprises : Alcatel, Michelin, ou encore d’autres où l’Etat doit intervenir si je comprends bien ?

M-G B : L’Etat doit intervenir mais de différentes façons. L’Etat peut par exemple faire en sorte que des lois soient votées à l’Assemblée Nationale, qui donnent de nouveaux pouvoirs aux salariés dans les entreprises, qui permettent aux salariés d’être plus mêlés à la gestion et aux choix de gestion des entreprises. On pourrait revenir sur EADS : Si les salariés avaient été un peu plus partie prenante des choix de gestion de ces entreprises, on n’aurait pas connu les difficultés qu’ont connues ces entreprises avec le plan de fermetures et de licenciements dans un certain nombre de sites. Des salariés au conseil d’administration, ça relève d’une volonté politique, ça peut être une loi à l’Assemblée Nationale. L’Etat peut aussi décider de mettre beaucoup plus d’argent dans la recherche publique pour que cette recherche justement permette un développement technique et scientifique.

J-J B : C’est le plan Attali ça ?

M-G B : Non, le plan Attali c’est de dire : libéralisons tout et sortons l’Etat de tout ça.

J-J B : Qu’est-ce que vous en pensez d’ailleurs de ce plan Attali ?

M-G B : L’ancien Premier Ministre Raffarin a eu une bonne formule, il disait « les défaites que l’on a eu aux partielles à Chartes sont les premières conséquences de l’annonce du plan Attali ».

J-J B : Vous le croyez vraiment ?
M-G B : Oui je crois qu’aujourd’hui, beaucoup d’hommes et femmes à la fois sont déçus parce que le candidat du pouvoir d’achat est devenu un Président des restrictions et d’une politique de rigueur et il y a beaucoup d’angoisse sur cette forme d’insécurité sociale et démocratique que connaît notre pays. Casse des services publics, précarité qui s’installe dans l’entreprise, baisse du pouvoir d’achat… Comme tous les ans j’ai été faire le tour des restaurants du cœur des trois villes dont je suis Députée et ce qui m’a le plus frappé cette année, c’est la présence de personnes du troisième âge. Quand vous débattez avec elles, ce sont des gens qui ont toujours travaillé, et ils ont des pensions qui ne leur permettent plus de faire face aujourd’hui. On dit qu’il faut travailler plus pour gagner plus, on donne des leçons à tout le monde, mais ces gens là ont travaillé toute leur vie et leur pension ne leur permet plus de se nourrir.

J-J B : C’est une urgence d’améliorer les petites retraites ?

M-G B : C’est une urgence d’améliorer les petites retraites, améliorer les salaires. Je reprends un autre dossier : on pointe beaucoup du doigt les enseignants en ce moment, mais une jeune femme qui prend sa classe dans le primaire après cinq ou six ans d’étude, elle commence à moins de 1500 euros, c’est ça la réalité des salaires dans ce pays. Donc remonter les salaires, remonter les pensions, et ça fera du bien à notre croissance, qui est bien en difficulté.

J-J B : En une heure un quart hier, la France s’est remariée avec l’Europe à Versailles, vous aviez dit non…

M-G B : Oui, j’ai voté contre cette modification constitutionnelle parce que c’était le moyen d’aller vers un débat citoyen avec un référendum. Je dis ça pour l’Europe parce que si on a envie que l’Europe se construise, il faut que les gens se sentent partie prenante. Et en 2005 tout le monde parlait de l’Europe. Alors qu’aujourd’hui, on vote en vitesse la modification constitutionnelle. On est convoqués mercredi soir à 21h30 à l’Assemblée Nationale pour débattre de la ratification du traité, c’est à dire un acte extrêmement important. Il n’y a pas de débat, les gens ne savent pas vraiment ce qu’il y a dans ce traité. Ça méritait qu’on consulte les hommes et les femmes de ce pays. Si ce traité est tellement bon, alors il n’y a rien à craindre, les gens auraient souhaité l’adopter. Si ce traité n’est pas bon, ni pour les gens ni pour l’Europe, chacun avait le droit de le penser.

J-J B : C’est un geste politique selon vous, une posture politicienne ?

M-G B : Je pense que c’est la posture du Président Sarkozy, c’est à dire qu’il décide de tout, comme si les gens n’avaient plus le droit de contester ses mesures même s’ils ont voté pour Sarkozy. Ce n’est pas parce qu’il a dit quelque chose pendant sa campagne que maintenant toute la France doit mettre le genou à terre et écouter ce que dit le Président de la République. Les Français sont assez intelligents. J’ai été choqué parce que j’ai lu l’interview de M. Giscard D’Estaing qui dit qu’il ne fallait pas faire de référendum parce que les francais auraient confondu avec le pouvoir d’achat donc ils auraient manifesté leur mécontentement mais les francais ne sont pas des imbéciles ; quand on leur pose une question sur l’Europe, ils répondent sur l’Europe et pas sur le pouvoir d’achat. C’est un manque de confiance envers l’intelligence et la capacité des Français de se prononcer.

J-J B : Le pouvoir d’achat va peser sur les municipales ?
M-G B : Il y a un profond mécontentement, il y a beaucoup de souffrance par rapport à cela : lorsque vous ne pouvez pas finir correctement le mois, lorsque vous hésitez à acheter un manteau dans l’enfant a besoin, lorsque vous vous restreignez sur l’achat de fruits. Je vois partout la publicité « manger cinq fruits ou légumes par jour »… Mais quand vous allez à ce rayon, c’est difficile d’acheter des produits frais. Quand ces produits sont au rabais, on voit comme les gens se précipitent. Le problème du pouvoir d’achat c’est donc un problème important et ça passe par une augmentation des salaires, des allocations…

J-J B : Et ça va peser sur les municipales ?
M-G B : Oui parce qu’il y a un profond mécontentement. Moi je dis : ne faisons des municipales le troisième tour de la présidentielle. Les municipales c’est le moment où on élit une équipe, un maire. Ce maire, s’il est de gauche, ça peut être un outil pour résister, pour participer aux luttes contre la gestion de la droite mais c’est aussi un maire et une équipe qui doivent réaliser, qui doivent avoir des projets, qui doivent créer des conditions d’un meilleur bien être des populations. Il faut donc à la fois se servir des municipales pour faire de ces municipalités des lieux de résistance à la politique de Sarkozy, mais il faut aussi élire des équipes qui ont des projets ambitieux.

J-J B : Quel est l’objectif du parti communiste francais ? Vous dirigez aujourd’hui 36 villes de plus de 20 000 habitants, c’est cela ?
M-G B : Oui. Au total 743 communes et 13000 élus. Je pense que nous devons sortir avec plus d’élus dans les conseils municipaux et aussi dans les cantons parce qu’il y a aussi les élections pour les conseils généraux.

J-J B : Mettez vous à la place des francais : comment selon vous regardent ils ce spectacle d’un parti de gauche qui n’est pas très stable ?
M-G B : Ils sont très perturbés. Mais j’ai envie de dire qu’il faut regarder les 181 parlementaires qui ont pris le chemin de l’honneur en votant non pour qu’ils aient la parole. Parmi eux il y a bien sûr tous les députés et sénateurs communistes, mais aussi des députés et des sénateurs socialistes. Je le prends au positif et je salue ces sénateurs et députés socialistes.

J-J B : Et Besancenot qui veut vous rassembler tous. Il parle beaucoup de vous, du parti communiste, il parle beaucoup de toute l’extrême gauche, il veut rassembler tout le monde ; vous seriez prête à vous rallier au panache de cet homme ?
M-G B : Pas du tout. Et je veux lui dire clairement et pourquoi : parce que moi je pense qu’un parti comme le nôtre, je suis élue, et ce que je veux ce n’est pas simplement faire des discours, ce n’est pas simplement appeler les travailleurs à la lutte, j’ai envie d’être dans la gestion au conseil municipal et peut être un jour, au Gouvernement, pour construire, pour réellement changer les choses et voter des lois, pour faire en sorte que les choses bougent.

J-J B : Besancenot ne veut que détruire à vos yeux ?
M-G B : Non, je ne dis pas ça. Je ne me ressens pas d’extrême gauche et je ne me sens pas dans la contestation. Je suis révoltée, je suis prête à manifester, à vraiment dire ma colère, ma révolte, faire des propositions audacieuses, je veux dépasser le système capitaliste, mais je veux, au jour le jour, au quotidien, travailler à améliorer la vie des hommes et des femmes de ce pays, et ça passe par la gestion, par des listes de rassemblement de gauche. Je vois même dans la liste à laquelle j’appartiens, il y a des communistes, des socialistes, des écologistes, il y a la lutte ouvrière ; j’ai envie de dire qu’il faudrait aussi qu’il y ait la ligue.

J-J B : Et pourquoi elle ne veut pas venir selon vous ?
M-G B : Parce que je pense qu’il y a cette idée qu’il ne faut rien faire avec les socialistes mais c’est faux, il faut essayer. Même si on n’est pas d’accord et qu’il y a des divergences, on peut trouver le moyen de travailler sur des projets ensemble, de construire. On est face à la droite, on est face à Nicolas Sarkozy, ce n’est pas n’importe laquelle cette droite, elle est particulièrement régressive, particulièrement liberticide et on ne va pas se rassembler pour travailler ensemble à des projets, pour résister ensemble ? Qu’est ce que ça veut dire !

La rédaction-Bourdin & Co