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Bras de fer avec les armées: la première crise politique d'Emmanuel Macron

Emmanuel Macron à l'Elysée, le 16 juillet 2017.

Emmanuel Macron à l'Elysée, le 16 juillet 2017. - STEPHANE MAHE / POOL / AFP

Après la démission du chef d'état-major des armées, le président de la République, critiqué de toutes parts, donne un angle d'attaque à la droite. Cet épisode du début de son quinquennat pourrait desservir son image auprès des Français, très attachés à leurs armées.

Un "couac", un "échec", ou même, pour Benoît Hamon, un "chef d'œuvre". L'annonce de la démission du chef d'état-major des armées, après plusieurs jours de bras de fer avec Emmanuel Macron, fait l'unanimité contre ce dernier. La classe politique s'accorde à y voir une erreur de la part du Président, qui semble traverser sa première véritable crise politique. "Cela donne un angle d'attaque à la droite, alors qu'elle avait jusque là du mal à incarner l'opposition", analyse Bernard Sananès, directeur de l'institut de sondages Elabe, interrogé par BFMTV.com.

Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, il y a eu les "affaires", celle des Mutuelles de Bretagne, et celle des assistants parlementaires du MoDem. Il y a eu ensuite la démission de plusieurs membres du gouvernement et la stupeur provoquée par l'annonce de repousser la réforme fiscale à la fin du quinquennat, finalement contredite. Il y a eu enfin un premier vent de fronde dans les rangs de La République en marche sur certaines propositions de la loi de moralisation de la vie publique.

Les Français très attachés à leurs armées

Mais cette fois, comme le souligne sur notre antenne Damien Fleurot, du service politique, cette crise se concentre sur "un sujet de fond, une divergence profonde quant à des stratégies liées à l'avenir de la politique de Défense, et à l'avenir des armées". Au-delà de la réprobation de la classe politique, Emmanuel Macron pourrait bien voir une partie de l'opinion se retourner contre lui, étant donné l'attachement des Français à l'armée. 

"C'est un sujet qui est très cher aux Français, surtout dans le contexte actuel avec la menace terroriste. Les Français ont appris à vivre avec leur armée, à côté de chez eux, notamment dans les grandes villes", poursuit Damien Fleurot.

Le budget au cœur des préoccupations

A l'occasion du 14-Juillet, le ministère de la Défense a compilé les résultats de plusieurs mois de sondages sur les Français et l'armée, réalisés par l'IFOP pour la Délégation à l'information et à la communication de la Défense. Et force est de constater que cet attachement ne faiblit pas. En mai, 88% des Français avaient une bonne opinion de leurs armées, le plus haut niveau enregistré depuis 2012. 80% jugeaient aussi les armées françaises compétentes.

Chez une majorité de personnes interrogées par l'institut de sondages, la question du budget des armées était une préoccupation majeure. Au mois de mars, 82% des Français disaient souhaiter que ce budget soit maintenu ou augmenté. Deux mois plus tard, 55% estimaient que l'enveloppe actuelle ne permettait pas aux forces françaises de remplir leurs missions.

Macron a-t-il politiquement raison?

Mais si le choix d'Emmanuel Macron peut le desservir dans l'opinion, cela n'en fait pas pour autant un mauvais choix institutionnel et politique. "Dans une grande démocratie comme la nôtre, le civil a autorité sur le militaire, le militaire doit respecter les instructions données par le chef des Armées, en l’occurrence c’est le président de la République, qui considère qu’un pas a été franchi" (avec les déclarations de Pierre de Villiers), fait valoir le chef du service politique de BFMTV, Thierry Arnaud. D'après lui, Emmanuel Macron a eu "politiquement raison" de tenir tête au général.

"Qu'aurait-on dit s'il avait cédé? Ce Président qu’on présente comme l’ami des hommes d’affaires, l’ami des patrons, on l’aurait accusé d’avoir cédé devant le lobby militaro-industriel. D’avoir flanché sous le poids de la pression des généraux. Il est au début de son quinquennat, il faut qu’il installe une autorité, et d’un point de vue politique c’était très important pour lui", conclut-il.

Des interrogations sur la personnalité du Président

Pour Bernard Sananès, cette décision peut conduire certains électeurs à s'interroger sur la personnalité du Président, parce qu'elle questionne la limite entre l'autorité attendue du chef de l'Etat et une certaine forme d'autoritarisme.

"Cela peut laisser des traces dans l'opinion, il aurait en tout cas intérêt à s'expliquer", estime le sondeur.

Selon lui, "cette décision peut aussi porter atteinte à l'image de cohérence qu'Emmanuel Macron est parvenu à instaurer" depuis le début du quinquennat, puisqu'il s'emploie notamment à incarner pleinement les questions régaliennes. Il distingue cependant un point positif dans le fait que le choix de François Lecointre pour remplacer Pierre de Villiers ne soit pas contesté. Un élément qui lui fait dire que "la polémique ne s'éternisera pas forcément".

"Je suis derrière nos soldats", a affirmé Emmanuel Macron en fin d'après-midi ce mercredi, alors qu'il était interrogé sur France 2 en marge de sa visite au Tour de France. 

Charlie Vandekerkhove