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Boutin : « L'objectif : supprimer les expulsions »

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Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville encaisse le coup suite à la démission de son directeur de cabinet. Mais elle retrouve de l'allant pour évoquer ses initiatives en matière de logement.


J-J B : Question directe : votre directeur de cabinet, son logement, vous ne saviez pas ?
C B : Bien sûr que non je ne savais pas ; quand on recrute quelqu’un on ne lui demande pas où il habite, ce n’est pas dans mes habitudes. C’est un dossier sans doute beaucoup plus complexe que ce qui a été présenté.

J-J B : Martin Hirsch dit « si ça arrivait à un de mes collaborateurs, je lui dirais de déménager, de me proposer sa démission ». Il est intervenu très vite sur le sujet (ndlr avant même la démission de Jean-Paul Bolufer, effective depuis ce jeudi midi)
C B : C’est vrai que ce n’est pas une preuve de solidarité amicale qu’il ne m’ait pas appelé pour savoir le fond des choses ; j’entends bien l’émotion de Martin Hirsch, j’entends surtout l’émotion des Français, et je la comprends car il y a une véritable crise du logement. Il peut paraître absolument surprenant qu’un directeur de cabinet du Ministre du Logement, puisse être dans un logement avec un loyer si peu élevé. En ce qui concerne Martin Hirsch, je ne dirais rien de plus, car moi je sais ce que c’est que la solidarité amicale et gouvernementale.

J-J B : J’ai une idée : votre directeur de cabinet rembourse les différences de loyer et l’argent est versé à une association qui s’occupe de sans-abri ?
C B : C’est une éventualité, une des pistes surs lesquelles je suis en train de travailler. Mais ce qui est certain c’est que le cas de mon directeur de cabinet, tel que je vois l’étude de son dossier, n’est pas seul. Je peux vous dire qu’il ne sera pas le seul.

J-J B : Ce qui veut dire que vous allez mettre sur la place publique les noms de tous ceux qui bénéficient de logements, même si ce n’est pas HLM ?
C B : Non, ce n’est pas un logement HLM, c’est un logement qui dépend de la ville de Paris et de sa gestion. L’Etat n’a pas mis un centime dans la construction de ces logements et ne subventionne pas. Il n’y a pas eu de réévaluation des loyers. Il se trouve que M. Bolufer est dans cet appartement depuis 20 ans. Quand il a sous-loué cet appartement, ça faisait partie de son bail. Et de toute façon, il avait écrit à la société gérante de ces logements et la personne qui a sous-loué payait avec ses chèques. Donc il y avait absolument totale transparence de cette sous-location, chacun était au courant.

J-J B : Je vous sens touchée quand même…
C B : Non, je ne suis pas touchée, je suis même étonnée de mon zen intérieur parce que je pense que c’est quand même étonnant de voir ce dossier sortir maintenant.

J-J B : Ça veut dire quoi, c’est un coup politique ?
C B : Pour l’instant je ne dis rien.

J-J B : Parlons maintenant du plan d’urgence pour les sans-abris, parce que c’est ce qui nous concerne le plus directement. Moi je ne comprends plus rien parce que les associations nous disent qu’il n’y a plus suffisamment de place pour les sans abris et d’hébergements d’urgence, vous me dites que c’est faux. Les associations ont fini par dire que vous aviez raison. Seulement quand on est SDF, qu’on entre dans un logement provisoire d’urgence, on en ressort aussi SDF et on n’a pas de logement durable ?
C B : Bien sur et c’est la raison pour laquelle j’ai entrepris toute une grande politique sous la demande du président de la République. Merci de reconnaître ce qu’ont dit les associations. Moi j’aime bien la vérité, j’aime bien la clarté, dans ce domaine comme dans tous les autres. Pour que les auditeurs comprennent, il est certain que la crise de notre pays c’est la crise du logement. Dans ceci nous sommes tous responsables. Toute la Gauche comme la Droite. Ça fait 25 ans que nous ne construisons pas suffisamment de logements pour des raisons diverses. Aussi parce que les français n’acceptent pas qu’on construise à côté de chez eux. Et ce retard de construction fait que toute la chaîne du logement est embolisée. Quand on est SDF et que l’on a l’intention d’être hébergé, il y a un certain nombre de places d’hébergements qui ont été créés : hébergements d’urgence mais aussi des places d’hébergements pérennes qui sont ouvertes toute l’année. Quand il fait froid, des places supplémentaires sont ouvertes. Là, je prétends et j’affirme, même si ces places ont besoin d’être aménagées parce qu’elles ne sont pas toutes en parfait état, ça existe. Ensuite vous avez les personnes qui sont dans cet hébergement de réinsertion sociale, qui pourraient aller dans un logement ordinaire, qui soit public ou privé. Comme il n’y a pas suffisamment de logements libres, ces personnes restent dans les CHRS et ne permettent pas aux SDF de pouvoir rentrer dans ces centres de réinsertion sociale.

J-J B : En Grande-Bretagne ils ont eu une idée que je trouve assez bonne : ils logent les sans-abri dans des appartements privés, les sans-abri paient ce qu’ils peuvent quand ils ont un petit travail, et l’Etat compense la différence de loyer. Ça fait faire des économies à l’Etat parce qu’il vaut mieux compenser la différence de loyer plutôt que de payer des hôtels par exemple…
C B : Je suis allée à Londres, le problème du logement est un problème qui m’intéresse beaucoup et je suis allée voir sur place. Il faut d’abord relativiser tout ça parce que finalement les anglais ne font pas vraiment beaucoup mieux que nous. Quand on va à Londres, on est assez frappé parce qu’effectivement il n’y a pas de sans-abri dans la rue. Mais si on ne les voit pas c’est aussi parce que s’il y a en a un il peut se faire embarquer, ça ne veut pas dire qu’ils n’existent pas. La formule dont vous venez de parler, c’est une formule intéressante ; moi j’ai pris le premier véhicule législatif parce que nous sommes quand même dans un Etat de droit, il faut respecter la loi. Donc grâce à un amendement, nous donnons la possibilité aux associations d’être l’interlocuteur du bailleur privé à la place de ce public désocialisé pour assurer le paiement et l’entretien des bâtiments et du logement. Ceci va effectivement dans le même sens que ce que disent et font les anglais. C’est un des instruments qui va permettre de débloquer la situation.

J-J B : Tout village de tentes sera évacué par la police cet hiver ?
C B : C’est ce qu’a dit le premier Ministre de façon très claire.

J-J B : Pourquoi est ce que nous n’avons pas suffisamment de places en hébergement de réinsertion ?
C B : Je vous dis, il y a l’hébergement d’urgence, l’hébergement de réinsertion sociale, et enfin des logements de transition avant d’aller dans le logement ordinaire. Parce que quand on est un public désocialisé, c’est assez difficile d’aller directement dans un logement ordinaire. Et dans ces logements de transition que j’ai appelé les maisons relais, qui ont différents concepts, il y avait un objectif qui était de 12 000 et nous en avons réalisé 6000, il en reste donc 6000.

J-J B : Mais pourquoi est ce qu’on n’est pas allé plus vite ?
C B : Parce que c’est excessivement compliqué, parce qu’il faut un logement, il faut construire, il faut des travailleurs sociaux.

J-J B : Qu’est ce qui freine ?
C B : C’est essentiellement le foncier. Vous avez trois partenaires, l’Etat, les collectivités territoriales, et les associations. C’est beaucoup plus long à mettre sur pied que de faire un hébergement d’urgence où on donne un lit, une couverture et un petit déjeuner. Ça met donc un petit peu plus de temps mais c’est budgété et j’espère que nous arriverons à les réaliser en 2008. C’est très important.

J-J B : Il y a des partenaires qui traînent les pieds ?
C B : Il faut faire en sorte que les trois partenaires se mettent d’accord plus rapidement pour pouvoir faire sortir des maisons relais. La grande question c’est la question du foncier et en particulier en Ile de France qui concentre 50% des difficultés, j’ai donc demandé au préfet de région d’organiser deux conférences régionales sur le logement et l’hébergement, qui doivent me donner leurs conclusions à la fin de cette année où dans les quinze premiers jours de janvier, pour voir quelles sont les orientations. Le président de la République a dit très clairement que si les élus ne faisaient pas l’effort de donner des terrains à construire, l’Etat reprendrait ses prérogatives de construction. Je suis pour ma part tout à fait heureuse que le Président de la République ait dit cela parce qu’il y a un moment où il va bien falloir sortir de la crise grave dans laquelle nous sommes en ce qui concerne le logement et chacun d’entre nous.

J-J B : Et que les citoyens acceptent de voir des logements sociaux construits près de chez eux ?
C B : Absolument.

J-J B : Cette fameuse loi au logement opposable sera appliquée au 1er janvier ?
C B : Elle sera appliquée. Tout le monde me disait que je n’y arriverais pas et que je n’arriverais pas à respecter le calendrier, alors qu’il l’est parfaitement. Les commissions de médiation départementales seront mises en place le 2 janvier et il y a même déjà des commissions qui ont été préfigurées à paris, dans les Yvelines et d’autres département. Pour ces commissions de médiation tout est à inventer, tout est à créer. Elles vont avoir à examiner les dossiers et l’imprimé est déjà prêt. Ensuite il faudra voir si les personnes ayant déposées un dossier font partie d’une des six catégories prioritaires définies par la loi. Dans la mesure où il serait classé comme prioritaire nous avons l’obligation de loger cette personne.

J-J B : Vous avez un délai ?
C B : Il faut le faire entre le 2 janvier et le 1er décembre 2008 parce que dès le 1er décembre 2008, le citoyen peut se retourner contre l’Etat devant le tribunal administratif. J’ai toujours dit que compte tenu du manque de logement et du nombre de personnes qui vont être concernées, il y aura certainement des difficultés au mois de décembre. En six mois il est forcément impossible de régler un retard de construction de trente ans. Je vais donc essayer de diminuer au maximum la difficulté dès maintenant. Il y a des éventualités comme celles de réquisitionner, de se substituer aux élus.

J-J B : Vous êtes prête à réquisitionner ?
C B : Bien sûr, je l’ai déjà dit de nombreuses fois. Je n’élimine aucune possibilité. Avec les constructeurs et promoteurs, je leur ai demandé de trouver un produit. La possibilité de faire une construction de 20 000 maisons à quinze euros par jour, qui permettraient de répondre déjà sur 20000 logements. Cela dit il faut que je trouve du foncier pour pouvoir faire ces maisons. Le concept existe et j’ai l’assurance que ça pourrait être fait mais il faut du foncier.

J-J B : Donc obliger les maires à appliquer la loi SRU (ndlr : chaque commune d'une certaine importance devra accueillir au moins 20 % de logements sociaux) ?
C B : De toute façon la loi SRU va être appliquée. Les consignes que j’ai donné aux préfets sont très strictes. Mais cela dit la loi SRU est complexe parce qu’il faut regarder sur trois ans quelle est l’évolution nombre de logements sociaux dans une commune et si la tendance est bonne on ne peut pas appliquer la loi SRU. C’est jusqu’en 2012 que l’on doit atteindre les 20%.

J-J B : Il faut changer la loi ?
C B : Je ne pense pas que ce soit intéressant de changer la loi et je préfère qu’elle soit appliquée de façon stricte parce que de toute façon ça ne me donne aucun logement et l’argent ne tombe pas dans mon escarcelle. Par contre, je veux sanctionner ceux qui ne respectent pas.

J-J B : Où va l’argent des amendes ?
C B : Ça repart dans le pot commun, il y a une partie qui part vers la rénovation urbaine. A coté de ça, je suis en train de négocier des mesures fiscales ou de subvention pour valoriser les maires bâtisseurs, c'est-à-dire encourager, inciter à la construction par des mesures diverses.

J-J B : J’ai une question sur les loyers, je pense aux propriétaires et aux locataires : on sait les difficultés aujourd’hui pour se loger, pour trouver un appartement à louer, c’est très cher, notamment dans les grandes villes. Un mois de caution et étalement du paiement des loyers c’est le projet du Gouvernement c’est ça ?
C B : Non, le premier c’est l’indexation des loyers sur l’inflation ; en ce qui concerne le montant de garantie il y a effectivement une réduction de deux mois à un mois, ça ne change rien pour le HLM puisque c’était déjà un seul mois. Ce soir à l’Assemblée Nationale, je pourrais faire part d’un accord qui est intervenu et qui devrait faire en sorte que l’extension du locapass permette d’avoir un prêt d’un taux zéro qui fait qu’il n’y aurait plus besoin de dépôt de garantie du tout.

J-J B : Ceux qui n’ont pas les moyens de verser ce fameux dépôt de garantie pourront bénéficier d’un prêt à taux zéro ?
C B : Oui, par le biais du locapass et ça sera ouvert à tout le monde. C’est grâce aux partenaires sociaux et au 1%.

J-J B : Et pour les autres qui ont les moyens de déposer une garantie ?
C B : Ils verseront leur mois de caution, un mois de dépôt de garantie.

J-J B : Mais certains avaient dit qu’on pourrait l’étaler sur plusieurs mois ?
C B : Non, ça se substitue, parce que c’est beaucoup plus intéressant de ne pas avoir de dépôt de garantie.

J-J B : Les propriétaires disent qu’un mois de garantie ce n’est pas suffisant, j’ai entendu la colère des propriétaires.
C B : Je l’ai entendu aussi, je n’arrête pas de gérer des colères. Je comprends leur émoi, car effectivement, les deux mesures prises dans ce texte sur le pouvoir d’achat, on peut estimer qu’elles sont plutôt favorables aux locataires. Cela dit il doit y avoir un texte de loi qui doit être présenté au premier trimestre 2008 dans lequel nous allons étendre la garantie du risque locatif, qui en fait, va être un système qui va être gagnant/gagnant. C'est-à-dire que le propriétaire sera assuré de ne plus avoir d’impayé de loyer et sera assurer de retrouver son logement dans l’état initial.

J-J B : C’est donc l’Etat qui se substituera ?
C B : Il y aura une participation de l’Etat, il y a une mutualisation des fonds et donc naturellement les propriétaires attendent cette mesure avec intérêt. C’est quelque chose de très important parce que ça doit aussi avoir comme conséquence de diminuer sinon même annuler complètement les expulsions. Puisqu’il y aura garantie de paiement du loyer.

La rédaction-Bourdin & Co