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Baromètre des éditorialistes: Macron "a des ambitions" pour l'Europe mais "prend un risque politique majeur"

Les éditorialistes de BFMTV Thierry Arnaud et Ulysse Gosset décryptent le discours d'Emmanuel Macron sur la refondation de l'Europe et en cernent les enjeux.

C'est peu de dire qu'Emmnanuel Macron a montré, mardi après-midi à la Sorbonne, le visage d'un Européen convaincu. Dans son discours-fleuve sur la refondation de l'Europe, le président a avancé des mesures concrètes et de très hautes ambitions. Au point qu'il a anticipé les critiques en expliquant que d'aucuns le trouveraient "irréaliste". Dans un climat très eurosceptique et une attitude de défiance de certains politiques envers l'Allemagne, le discours tranche.

> Ulysse Gosset: "Un discours fondateur qui fera date"

"C'est un discours fondateur. Ce discours fera date. Emmanuel Macron s'inscrit dans la lignée des grands Européens, Monnet, Delors, Schuman. Il se veut le fils prodigue d'une Europe qui va relancer une machine affaiblie par le Brexit, par la peur des migrants, par la peur de l'inconnu et aussi dans un monde de désordre.

C'est un discours fondateur sur l'Europe de la Défense. C'est la première fois qu'on voit exprimer concrètement cette volonté d'avoir une agence de défense européenne, un corps européen de défense. C'est aussi l'Europe de la fiscalité, de l'économie, l'Europe du digital avec des propositions concrètes qui touchent les jeunes. Par exemple, six mois à l'étranger pour tous les jeunes étudiants et apprentis de tous les milieux.

Une ambition peut-être un peu trop forte, mais qui correspond selon Emmanuel Macron aux dangers, à l'obscurantisme qui menace l'Europe. C'est une réponse au populisme, à tous ces électeurs qui troublés par la situation, se sont jetés dans les bras des conservateurs ou des populistes, comme cela a été le cas en Allemagne, en France ou en Grande-Bretagne avec le Brexit.

C'est un discours volontariste. 'Il n'y a pas de ligne rouge', dit Emmanuel Macron. De l'audace, toujours de l'audace, mais peut-être un peu trop d'audace pour les dirigeants européens qui ne sont pas d'accord avec lui et peut-être pour les Européens eux-mêmes qui se demandent comment il va pouvoir, au cours de son quinquennat, mettre en place toutes ces réformes. En tout cas, les propositions sont sur la table et il l'a dit lui-même: 'L'heure où la France propose est de retour.' Cette vision est là pour donner le cap, les propositions sont sur la table. Il propose même des conventions démocratiques, c'est-à-dire de donner la parole aux Européens, pas simplement aux dirigeants et puis on verra ce que cela donnera dans les années à venir."

> Thierry Arnaud: "On ne voit pas très bien comment Angela Merkel va pouvoir lui répondre"

"Sur la forme, il a prononcé la deuxième partie du discours sans consulter ses notes, c'est dire si ce sujet lui tient à cœur.

Sur le fond, l'ambition qu'il affiche est sidérante par rapport à ce qu'on a entendu des autres dirigeants politiques ces dernières années et ces derniers mois. Le pendant de ces ambitions est qu'il prend un risque politique majeur. Il fait, comme point de départ de cette refondation de l'Europe, une coopération beaucoup plus étroite qu'elle ne l'a jamais été avec l'Allemagne. Ce, dans un contexte où on ne voit pas très bien comment Angela Merkel va pouvoir lui répondre immédiatement parce qu'elle est en train de négocier pour essayer de créer une coalition gouvernementale et que, naturellement, ses choix en matière d'Europe vont être cruciaux, car elle est obligée de faire avec ses partenaires et notamment le parti démocrate libéral en Allemagne. 

Le risque politique, parce qu'il a déroulé un calendrier assez précis avec toute une série d'échéances, est qu'il sera facile à chaque rendez-vous, de se retourner vers lui et de vérifier à l'aune de ce qui a été annoncé ce qui a été accompli ou non, dans les prochains mois."

David Namias