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Badinter dénonce "l'imposture" de Sarkozy sur la sécurité

L'ancien ministre socialiste de la Justice Robert Badinter, qui a inspiré et préfacé un rapport sur la délinquance diffusé mardi, dénonce un "concours Lépine de la compassion" et une "exploitation cynique" des chiffres de la délinquance, à contrario de la

L'ancien ministre socialiste de la Justice Robert Badinter, qui a inspiré et préfacé un rapport sur la délinquance diffusé mardi, dénonce un "concours Lépine de la compassion" et une "exploitation cynique" des chiffres de la délinquance, à contrario de la - -

PARIS (Reuters) - La politique de sécurité dont Nicolas Sarkozy vante le succès depuis dix ans n'est qu'une imposture qui a eu peu d'effets réels...

PARIS (Reuters) - La politique de sécurité dont Nicolas Sarkozy vante le succès depuis dix ans n'est qu'une imposture qui a eu peu d'effets réels mais a désorganisé la police et la justice, estime Terra Nova, club de réflexion proche du Parti socialiste.

Dans un rapport diffusé mardi, ses auteurs appellent les candidats à la présidentielle à "éviter de poursuivre cette course en avant" et prônent une remise à flot des politiques de sécurité publique sur au moins dix ans.

Le texte, qui dit s'appuyer sur des données législatives et scientifiques, dénonce la culture du chiffre impulsée par Nicolas Sarkozy dès son accession au ministère de l'Intérieur en 2002 et une frénésie pénale sans effet réel.

L'ancien ministre socialiste de la Justice Robert Badinter, qui a inspiré et préfacé le rapport, a dénoncé lors d'une conférence de presse un "concours Lépine de la compassion" et une "exploitation cynique" des chiffres de la délinquance.

Il reproche au chef de l'Etat d'avoir masqué "sa politique répressive "sous les traits de la compassion", afin "d'accabler la gauche", censée faire preuve de laxisme et d'angélisme.

Au chapitre des "mystifications" et du "charlatanisme", Robert Badinter s'est élevé contre la présentation d'un chiffre unique et global de la délinquance, tout en reconnaissant que cette pratique existait aussi sous la gauche.

Selon lui, réunir des formes distinctes de délinquance sous une "étiquette unique" pour dire que la délinquance a reculé ou augmenté n'a aucun sens.

"On ne dit pas la maladie a reculé", a-t-il ironisé.

Robert Badinter s'est élevé en particulier contre le recours par le gouvernement à la notion de "victimes épargnées", ironisant sur une "armée fantôme" de victimes qui n'ont d'existence "que comptable."

QUI SONT LES VICTIMES ÉPARGNÉES ?

"Au moins permettent-elles à l'actuel ministre de l'Intérieur Claude Guéant de se targuer d'une baisse de 500.000 victimes par an. D'où sortent ces victimes épargnées ? Il n'a à aucun moment expliqué comment il arrivait à ce chiffre, sinon le lier à 17% de baisse de la délinquance" depuis 2002, a-t-il dit.

Cette baisse de 17% est elle-même jugée douteuse par l'ancien ministre.

Le rapport de Terra Nova, signé par les magistrats Valérie Sagant et Benoist Hurel, ainsi que par l'avocat Eric Plouvier, rejoint les critiques formulées de longue date par des sociologues, syndicats de police et responsables de gauche.

Tous ciblent la "culture du chiffre" qui a entraîné selon eux des effets pervers, éloigné la police de la population et dont les résultats "contredisent les discours volontaristes."

Ainsi, les vols restent à un niveau élevé et les violences, qui alimentent le sentiment d'insécurité, "demeurent une préoccupation majeure", selon le rapport de Terra Nova.

"Il y a eu une pression sur les policiers, les gendarmes et les magistrats pour produire de bonnes statistiques plutôt que de bons services à la population", a dit Valérie Sagant.

Elle a cité en exemple le fait pour les enquêteurs de multiplier les interpellations d'usagers de stupéfiants (140.000), qui ont doublé en dix ans, et sont plus faciles à réaliser que celles des trafiquants.

Cette politique s'est également traduite, selon le rapport, par dix années de recul de la prévention de la délinquance.

De même, le développement coûteux de la vidéosurveillance donne des résultats qui ne sont pas à la hauteur des investissements engagés, dit le texte.

Gérard Bon, édité par Yves Clarisse