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Police-Justice

Violences sexuelles: après une série de plaintes contre des chauffeurs, Uber dans la polémique

700 témoignages de femmes "harcelées, agressées, violées" par des chauffeurs Uber ont été rassemblés sur les réseaux sociaux en France. Marlène Schiappa demande à l'entreprise de VTC de rendre des comptes.

Uber, qui a révélé avoir enregistré des milliers d'agressions sexuelles aux Etats-Unis, est maintenant en pleine polémique après une série de plaintes de clientes en France. La plateforme sera reçue jeudi par le gouvernement qui lui demande des comptes.

#Ubercestover

En juillet dernier, en sortant d'un festival, Camille, 25 ans est prise en charge par une voiture commandée via la plateforme du géant américain.

"À un moment, je vois qu'il enlève sa main droite du volant et la baisse au niveau de son jogging. Je me dis 'oh non, il est pas en train de faire ce que je pense...' Il me dit 'regarde comment tu me la lèves, tu m'excites", se souvient-elle auprès de BFMTV.

Elle porte plainte le jour-même et lorsque le mot-clé #Ubercestover est devenu viral sur les réseaux sociaux la plateforme a transmis la plaque et l'identité de son chauffeur aux autorités, selon Camille et Uber France.

"Auparavant, si les forces de l'ordre ne nous contactaient pas, nous ne donnions pas les informations", explique à Rym Staker, chargée de la communication de l'entreprise. Après les cas qui ont été signalés, "nous avons décidé de proactivement, quand la victime a porté plainte, même si nous ne recevons pas de réquisition, (de transmettre) les informations aux forces de l'ordre".

"La douleur me fait émerger de mon inconscience"

Anaïs, 25 ans, a été violée dans un véhicule Uber en 2016. Son agresseur, condamné en première et deuxième instance à 8 ans d'emprisonnement, s'est pourvu en cassation.

"J'étais saoule", raconte la jeune femme à l'Agence France-Presse (AFP), "la fatigue fait que je m'écroule sur la banquette". Elle se souvient d'avoir entendu le moteur se couper. Puis "la douleur me fait émerger de mon inconscience, je me débats comme je peux mais ça ne marche pas".

Après le viol, l'homme dépose Anaïs chez elle et sa colocataire prévient la police. L'ADN parle: c'était en fait le frère de "celui qui avait le compte Uber". 

Malgré son témoignage qui a fait grand bruit sur les réseaux sociaux, Anaïs n'avait toujours pas été contactée par Uber vendredi. Rym Staker assure qu'Uber dispose de son adresse électronique "souhaite entrer en contact avec elle". Anaïs témoigne car elle estime qu'"il y a une faille dans le système". Elle veut que "la parole se libère".

700 récits de femmes "harcelées, agressées, violées"

C'est justement pour que la "parole des victimes soit entendue" qu'Anna Toumazoff, "influenceuse" et activiste féministe, a lancé la semaine dernière le hashtag #Ubercestover. Le 17 novembre, elle raconte aux 30.000 abonnés de son compte Instagram les cas de Sonia et Noémie, qui disent avoir été agressées par le même chauffeur à deux ans d'intervalle à Strasbourg. 

"Je pensais que grâce à cette plateforme, j'allais mettre en relation ces deux personnes avec Uber et que le problème se règlerait entre eux", se souvient Anna Toumazoff. Mais le géant des VTC ne réagit pas, pire encore, "les commentaires Twitter qui signalent le problème sont supprimés". 

Depuis, l'entreprise s'est confondue en excuses. Avoir supprimé les commentaires "est inacceptable", reconnaît Steve Salom, patron d'Uber pour la France. "C'est un système de modération automatisé qui a malheureusement effacé les tweets", explique-t-il à l'AFP, assurant qu'Uber France a "immédiatement arrêté d'utiliser ce système".

Parallèlement, des témoignages affluent dans les messages privés d'Anna Toumazoff, qui découvre que les cas de Noémie et Sonia ne sont pas isolés. "J'ai reçu 700 témoignages": des femmes "harcelées, agressées, violées" par des chauffeurs Uber alors qu'elles "voulaient simplement rentrer en sécurité".

Schiappa demande des comptes

La "multitude de témoignages" de victimes de chauffeurs Uber dépeignent "une situation très préoccupante", déclare à l'AFP la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité femmes/hommes Marlène Schiappa. "Certaines n'avaient jamais eu de réponse de la part d'Uber, il n'y a rien de pire que de prendre son courage à deux mains pour témoigner et de ne pas avoir de réponse." 

Marlène Schiappa rencontrera jeudi les dirigeants d'Uber France. "Il faut qu'Uber rende des comptes", affirme-t-elle. "Lors de cette réunion, nous allons prendre au cas par cas les histoires qui me sont remontées et parler, au global, de ce qui est mis en place pour les femmes qui utilisent Uber".

Cette mise en demeure du gouvernement français intervient après la révélation jeudi par l'entreprise que 5981 agressions sexuelles (attouchements, tentatives d'agression, viols) ont été rapportées par des utilisateurs ou des conducteurs de son service, ainsi que des tiers, aux Etats-Unis en 2017 et 2018.

Esther Paolini avec AFP