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Police-Justice

Une méthode d'interrogatoire canadienne à l'origine des aveux de Jonathann Daval

Jonathann Daval devant le portrait d'Alexia Daval durant une marche silencieuse en l'honneur de celle-ci, le 5 novembre 2015.

Jonathann Daval devant le portrait d'Alexia Daval durant une marche silencieuse en l'honneur de celle-ci, le 5 novembre 2015. - SEBASTIEN BOZON / AFP

"Progreai" pour "Processus général de recueil des entretiens, auditoires et interrogatoires": tel est le nom de la méthode canadienne d'interrogatoire que les gendarmes ont employée pour conduire Jonathann Daval à finalement avouer ce mardi le meurtre de son épouse, Alexia Daval.

Trois mois après le début de l'affaire, le signalement par ses propres soins de la disparition de son épouse le 28 octobre, puis la découverte du corps partiellement brûlé le 30 octobre, Jonathann Daval a avoué le meurtre de sa femme Alexia au cours de sa garde à vue ce mardi. Il a dit l'avoir tuée "par accident" durant une crise conjugale et nie avoir brûlé le cadavre. 

Une conversation autant qu'un interrogatoire

Il s'agit d'une méthode d'interrogatoire innovante en provenance du Canada, que les gendarmes français ont commencé à importer dans certaines de leurs investigations en 2009, comme le notait à l'époque cet article d'Europe 1 qui fait observer qu'elle a été conçue par le criminologue Jacques Landry. C'est précisément cette méthode qui a été utilisée pour mener les auditions de Jonathann Daval et aboutir à ses aveux, selon nos informations. 

Le nom de ce nouveau procédé: "Progreai", l'acronyme de "processus général de recueil des entretiens, auditoires et interrogatoires". Il s'agit de mettre le suspect en confiance, et de se détacher de la structure très formelle des interrogatoires pour échanger davantage sur le mode de la conversation. Pour l'essentiel, c'est le gardé à vue qui a la parole. Dans un premier temps, les enquêteurs le lancent sur des sujets annexes, sans lien apparent avec l'affaire. Ainsi, le suspect est interrogé sur sa famille, sa vie personnelle, sur ses passions, sur son travail. Abordant ces chapitres de son existence, semble-t-il anodins, il se dévoile. 

Face à ses contradictions

Ensuite, la personne interrogée est invitée à présenter sa propre version des faits. Une fois cet exposé personnel des faits accompli, les enquêteurs demandent à leur interlocuteur de fournir ou de préciser le plus de détails possibles. Bientôt, dans bien des cas, apparaissent des incohérences et des invraisemblances auxquelles ce dernier est alors confronté. Enfin, les agents dressent face au gardé à vue le tableau des éléments accablants pesant contre lui.

En l'espèce, Jonathann Daval a dû répondre au témoignage de son voisin, qui a déclaré avoir entendu son véhicule professionnel quitter son domicile dans la nuit du 27 au 28 octobre, veille du signalement de la disparition d'Alexia par son mari, alors que celui-ci avait jusqu'ici assuré ne pas être sorti de chez lui, après être rentré avec son épouse d'un dîner chez sa belle-famille et le lendemain matin. On lui a aussi demandé des explications sur la présence sur les lieux de la découverte de la dépouille de draps appartenant à son foyer et manquants au sein de sa maison. 

Des gendarmes discrets 

Si l'élément de surprise est capital à ce stade, les enquêteurs ont été gênés par la divulgation dans la presse de ces éléments alors que la garde à vue de Jonathann Daval débutait à peine.

En outre, les gendarmes chargés de ces investigations se sont montrés méthodiques à un autre titre encore. D'après nos informations, ils ont décidé de ne pas verser au dossier ces éléments décisifs dont ils avaient connaissance pour protéger leur enquête. 

Robin Verner, avec Sarah-Lou Cohen