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Police-Justice

Une crise des implants surtout psychologique, juge un chirurgien

Patrick Perichaud, un chirurgien plasticien de Toulon (Var), juge la crise des prothèses mammaires PIP qui secoue la France "plus psychologique que scientifique", dans l'état actuel des connaissances, en particulier face au risque de cancer. /Photo prise

Patrick Perichaud, un chirurgien plasticien de Toulon (Var), juge la crise des prothèses mammaires PIP qui secoue la France "plus psychologique que scientifique", dans l'état actuel des connaissances, en particulier face au risque de cancer. /Photo prise - -

par Alexandria Sage et Gérard Bon PARIS (Reuters) - Patrick Perichaud, un chirurgien plasticien de Toulon (Var), juge la crise des prothèses...

par Alexandria Sage et Gérard Bon

PARIS (Reuters) - Patrick Perichaud, un chirurgien plasticien de Toulon (Var), juge la crise des prothèses mammaires PIP qui secoue la France "plus psychologique que scientifique", dans l'état actuel des connaissances, en particulier face au risque de cancer.

Le praticien, qui a implanté notamment des prothèses de la société PIP à 631 patientes entre 2001 et 2009, assure n'avoir constaté que des cas classiques de rupture de ces implants, "comme tout le monde et dans toutes les marques".

Dans un entretien à Reuters, il explique avoir changé de marque avant l'interdiction de mars 2010 parce qu'il avait eu connaissance d'autres implants avec des formes plus intéressantes, et non parce qu'il avait des soupçons sur la conformité du gel de silicone de la société varoise.

"Ce n'est pas le rôle du chirurgien de vérifier la conformité du gel mais plutôt celui de l'organisme notifié, indispensable pour obtenir une certification", dit-il.

Il conseille cependant à ses patientes "d'envisager, sans urgence, leur changement" dans un contexte marqué par une "médiatisation à outrance" de l'affaire et du procès à venir.

Partie de France, l'affaire des prothèses mammaires défectueuses prend une dimension mondiale tandis que l'étau se resserre autour des dirigeants de l'entreprise qui fabrique les implants, portés par des centaines de milliers de femmes.

Le nombre de personnes concernées par les produits fabriqués par la société française Poly Implant Prothèse (PIP) est estimé à 30.000 en France, 30.000 à 40.000 au Royaume-Uni et environ 300.000 dans le monde, dont beaucoup en Amérique latine.

La Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a dit son intention de porter plainte. Parallèlement à une enquête préliminaire pour tromperie, une information judiciaire a été ouverte contre X à Marseille pour blessures et homicide involontaire le 8 décembre dernier.

"Là on est devant une crise psychologique et non pas médicale. Mais il ne faut pas fermer les yeux, il ne faut pas faire l'autruche", dit Patrick Perichaud.

DES SEINS TRÈS NATURELS

"Il faut savoir ce qui s'est passé. Est-ce qu'il y a un rapport, est-ce qu'il n'y a pas de rapport ?" entre les cas de cancer signalés par la direction générale de la Santé et la pose d'implants PIP, ajoute-t-il.

"Le cancer du sein, aujourd'hui, touche une femme sur dix, voir une sur huit. S'il y a 30.000 patientes qui portent des prothèses PIP, ça fera 3.000 cancers du sein possibles statistiquement", ajoute-t-il.

Formé à Paris, Patrick Perichaud arrive à Toulon en 1991, époque à laquelle les plasticiens ne peuvent utiliser que des prothèses remplies de sérum physiologique en raison de l'interdiction en France, pendant dix ans, du gel de silicone.

Le laboratoire parisien avec lequel il travaillait lui fait alors savoir qu'un laboratoire installé à la Seyne-sur-Mer, PIP, fabrique des prothèses pré-remplies de sérum physiologique, alors qu'elles étaient jusque-là gonflables.

"Donc, c'était très bien. J'ai interviewé des chirurgiens qui les utilisaient déjà. C'est comme ça que j'ai commandé des prothèses chez PIP", raconte le plasticien.

En 2001, le moratoire sur le gel de silicone est levé en France, notamment parce que le produit a changé et qu'il est considéré comme plus sûr, avec du gel cohésif.

"Donc, tous les laboratoires ont remis sur le marché des prothèses en silicone. Et ce laboratoire PIP à ce moment-là a imaginé des prothèses asymétriques, des prothèses qui avaient déjà une forme de sein, une forme de goutte. C'étaient les premiers à imaginer ça. Aujourd'hui, tous les laboratoires fabriquent des prothèses anatomiques", poursuit-il.

"Ça faisait des seins très naturels et ça m'a permis de revenir à une position plus naturelle, c'est-à-dire de mettre les prothèses devant le muscle et non pas derrière le muscle comme on était obligé de le faire le plus souvent", ajoute-t-il.

Il insiste sur le fait qu'il n'en aurait pas implanté autant "si les patientes n'avaient pas été satisfaites" et réfute les informations selon lesquelles PIP bradait ses prothèses. Le prix d'un implant était selon lui de 610 euros.

L'idée selon laquelle les prothèses mammaires sont prévues pour durer dix ans n'est pas établie, a-t-il ajouté.

"Il n'y a pas de date de péremption, la courbe de rupture des prothèses commence à devenir un petit peu pentue à partir de huit ans. Des statistiques disent qu'il y aurait 12% de rupture à 8 ans chez tous les fabricants. J'ai eu en consultation une patiente qui avait des prothèses américaines. Ses prothèses n'avaient que cinq ans et il y avait une rupture manifeste."

Le chirurgien a réopéré 148 patientes depuis qu'a éclaté le scandale PIP en 2010.

Edité par Yves Clarisse