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Police-Justice

Un long combat lancé en France contre la violence psychologique

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par Elizabeth Pineau PARIS (Reuters) - La loi punissant la violence psychologique dans les familles en France devra être appliquée et complétée pour...

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - La loi punissant la violence psychologique dans les familles en France devra être appliquée et complétée pour lutter contre un mal répandu d'autant plus difficile à combattre qu'il est peu étudié et très insidieux.

Tel est le constat de professionnels - psychiatres, juristes, médecins, élus - réunis jeudi à Paris pour réfléchir à la mise en place de la loi du 9 juillet dernier sur la violence conjugale, décrétée grande cause nationale de l'année 2010.

Adopté à l'unanimité au Parlement, le texte introduit dans le Code pénal le délit de "harcèlement psychologique", qui peut désormais être illustré par toutes sortes de preuves (enregistrements, lettres, SMS, témoignages, etc).

La psychiatre Geneviève Pagnard évalue à 30% de la population, adultes et enfants, le nombre de personnes concernées par le problème, qui n'a jamais fait l'objet de statistiques précises.

"Environ un tiers de la population subit sans la détecter la forme la plus insidieuse, la plus fréquente et surtout la plus destructrice de violence psychologique qu'est la manipulation destructrice", estime-t-elle.

Egocentriques et paranoïaques, les manipulateurs sont difficiles à reconnaître dans la mesure où ils ont un comportement sans reproche en dehors du cercle familial.

"Ils sont dans le déni de la problématique, le double discours, le mensonge, des postures psychorigides. Ils utilisent souvent les enfants comme arme contre l'autre, avec en arrière-plan une escroquerie affective et économique", résume Me Laurent Hincker, avocat et président de l'Observatoire européen des violences familiales.

"La victime, surtout quand elle est amoureuse, est sous son emprise sans même s'en rendre compte", explique-t-il.

ENFANTS VICTIMES

Les manipulateurs destructeurs sont par définition plus difficiles à repérer que les auteurs de violences physiques.

"La violence psychologique et morale, ce sont des agissements qui s'étalent dans le temps. A un moment donné, le manipulateur va devoir se dévoiler, laisser des traces, des petits mots menaçants par exemple, et là il faut que les magistrats suivent", note Carlos Jaïco, juriste international.

Les conjoints, mais aussi les enfants, dont la garde est parfois confiée à l'agresseur, sont les victimes directes de ces agissements.

Delphine Schlumberger, avocat, combat l'idée répandue "qui veut que l'enfant, coûte que coûte, continue à voir ses deux parents" dont l'un peut être incestueux, violent ou destructeur.

"L'enfant, qui est dans une phase de construction, se retrouve face à un processus de destruction en permanence. C'est un traumatisme fondamental et terrifiant", prévient-elle.

Parmi les progrès à apporter, les professionnels citent la création d'un guichet unique qui permettrait aux magistrats du civil et du pénal de dialoguer entre eux sur une même affaire.

Le manque de formation des professionnels - gendarmes, policiers, magistrats - est aussi évoqué, de même que l'information du grand public.

La sénatrice centriste Muguette Dini reconnaît ainsi qu'"il n'y a pas suffisamment de prévention au risque de rencontrer un manipulateur". Elle prône le lancement de campagnes de prévention du type de celles sur les violences conjuguales.

Hervé Hamon, président du Tribunal pour enfants de Paris, insiste lui sur la nécessité de mener des recherches sur la maltraitance, qui doit pouvoir s'appuyer sur des chiffres.

"Comme on est dans le flou artistique, on a notre conviction personnelle mais on peut difficilement faire passer le message au grand public", déplore-t-il.

Edité par Yves Clarisse