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Police-Justice

Un ex-militaire mis en examen pour divulgation de secret-défense après la garde à vue d'une journaliste

La journaliste française Ariane Lavrilleux donne une conférence de presse au siège de l'ONG française Reporters Sans Frontières (RSF) à Paris, le 21 septembre 2023, après avoir passé près de 40 heures en garde à vue.

La journaliste française Ariane Lavrilleux donne une conférence de presse au siège de l'ONG française Reporters Sans Frontières (RSF) à Paris, le 21 septembre 2023, après avoir passé près de 40 heures en garde à vue. - Thomas SAMSON / AFP

Au lendemain de la fin de garde à vue de la journaliste d'investigation Ariane Lavrilleux, qui a indigné la profession, un ex-militaire a été mis en examen à Paris, suspecté de l'avoir renseignée.

La source d'une journaliste identifiée par la justice puis mise en cause? Un ex-militaire a été mis en examen ce jeudi à Paris, suspecté d'avoir renseigné la journaliste d'investigation de Disclose, Ariane Lavrilleux, placée en garde à vue pendant près de 40h pour compromission du secret de la Défense nationale. Il lui est reproché d'avoir écrit une série d'articles sur les ventes d'armes françaises à l'étranger dont un sur la mission de renseignement française "Sirli" publié en novembre 2021.

On y apprenait que cette mission, entamée en février 2016 et menée au profit de l'Égypte au nom de la lutte antiterroriste, avait été détournée par l'État égyptien, qui se servait des informations collectées pour effectuer des frappes aériennes sur des véhicules de contrebandiers présumés à la frontière égypto-libyenne.

Outre celui portant sur l'opération "Sirli", Disclose a précisé sur X (ex-Twitter) que les enquêteurs de la DGSI reprochent à la journaliste des articles portant sur "la vente de 30 avions Rafale à l'Égypte", "les armes livrées à la Russie jusqu'en 2020", "la vente de 150.000 obus à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (EAU)" et "le transfert d'armes illicite des EAU vers la Libye".

La journaliste et un ancien militaire placés en garde à vue

Deux juges d'instruction parisiens, chargés depuis juillet 2022 d'une information judiciaire sur plusieurs infractions relatives au secret de la défense nationale, avaient ordonné ce mardi le placement en garde à vue d'Ariane Lavrilleux ainsi que d'un ancien militaire.

Deux plaintes avaient été déposées par le ministère des Armées en janvier et novembre 2021 pour "la parution d'articles dans le média Disclose, comportant des documents et photographies supportant la mention 'Confidentiel Défense' ainsi que des éléments susceptibles de permettre l'identification d'agents du renseignement", a précisé le ministère public.

Après pratiquement 40 heures de garde à vue, qui ont indigné la profession, la journaliste a été relâchée mercredi soir vers 21h, libre sans poursuites à ce stade.

L'ancien militaire, que la justice semble considérer comme une des sources d'articles publiés par le média Disclose et notamment signés par la journaliste Ariane Lavrilleux, a lui été présenté ce jeudi aux juges d'instruction parisiens.

D'après le parquet de Paris, il a été mis en examen pour détournement et divulgation du secret de défense nationale par son dépositaire, deux infractions passibles de 7 ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende. Il a été placé sous contrôle judiciaire, a précisé le ministère public. Contactée, son avocate, Me Margaux Van Der Have, n'a pas souhaité commenter.

Indignation dans la profession

L'annonce de la mesure coercitive visant la journaliste a suscité une profonde indignation dans la profession, qui s'inquiète pour la protection du secret des sources. Des rassemblements ont eu lieu mercredi dans plusieurs villes, telles que Paris, Lyon ou Marseille. Plusieurs associations majeures défendant la liberté de la presse, telles que Reporters sans frontières (RSF) et Amnesty International, ont également condamné la mesure.

Lors d'une conférence de presse jeudi après-midi au siège de RSF à Paris, Ariane Lavrilleux s'est indignée qu'un "nouveau cap" ait été franchi contre la liberté d'informer, dénonçant un "détournement des services de la justice". "Si on ne protège pas les sources, c'est la fin du journalisme", a-t-elle insisté.

Pour elle, cette arrestation intervient "après des attaques qui se multiplient ces dernières années, essentiellement sous la présidence d'Emmanuel Macron", contre la liberté de la presse.

Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a refusé mercredi de répondre à plusieurs questions sur cette affaire, lors du compte-rendu du Conseil des ministres. De son côté, "la ministre de la Culture défend toujours la liberté de la presse mais ne commente jamais une procédure judiciaire en cours", a indiqué le cabinet de Rima Abdul Malak à l'AFP.

À la fois média d'information et ONG, le site Disclose a été fondé en 2018 par deux journalistes d'investigation. Son financement repose exclusivement sur les dons, garantissant son indépendance éditoriale, explique Disclose sur son site, où toutes ses enquêtes sont en libre accès.

J.Bro avec AFP