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Police-Justice

Trois mois d'état d'urgence: les assignations à résidence de plus en plus critiquées

L'état d'urgence a été prolongé jusqu'au 26 mai.

L'état d'urgence a été prolongé jusqu'au 26 mai. - Jean-Christophe Magnenet - AFP

Le ministère de l'Intérieur a communiqué jeudi les chiffres des opérations menées sous l'état d'urgence. Si le grand nombre de perquisitions menées a permis de nombreuses saisies, le bilan des assignations à résidence est moins reluisant.

Le 16 février dernier, l'Assemblée nationale a voté la prolongation de l'état d'urgence jusqu'au 26 mai, prolongation qui doit entrer en vigueur ce vendredi. Le gouvernement la justifie par un "péril imminent" qui demeure, mais aussi par la nécessité de préparer les dispositions qui viendront en relais de l'état d'urgence, notamment la prochaine réforme pénale de Jean-Jacques Urvoas.

Pour illustrer cette nécessité, le ministère de l'Intérieur a divulgué jeudi les chiffres des trois premiers mois de l'état d'urgence. Au total, 3.426 perquisitions ont été effectuées, menant à la saisie de 587 armes, dont 42 armes de guerre. Elles ont également permis 254 découvertes de stupéfiants. Pourtant, ces descentes menées sous un état d'urgence justifié par la menace terroriste ont abouti à l'ouverture de seulement cinq procédures par le parquet antiterroriste de Paris.

Le bilan mitigé des assignations à résidence

Moins de 100 assignations à résidence sur les 274 actuellement en vigueur vont être renouvelées à l'occasion de la prolongation de l'état d'urgence. "Notre volonté est de se concentrer sur le haut du spectre" a expliqué à l'AFP le ministère de l'Intérieur. "Pour ceux dont les assignations seront levées, des mesures alternatives comme l'interdiction de sortie du territoire, si elle est justifiée, pourront être prises", a ajouté le ministère.

Surtout, le ministère va désormais devoir répondre de ces décisions, alors que cinq anciens assignés à résidence ont déposé plainte jeudi avec constitution de partie civile, et la même série de plaintes a été déposée devant la Cour de Justice de la République visant le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

Le ministère a "ratissé large"

Issa est l'un d'entre eux. Ce père de famille a été assigné à résidence sur la base d'un appel calomnieux, a-t-il témoigné ce jeudi sur BFMTV. "On voulait, moi et ma femme, partir en vacances et investir dans le textile en Turquie", explique-t-il. "Un jour avant de partir, les RG [Renseignements généraux, aujourd'hui fondus dans la Direction générale de la sécurité intérieure, ou DGSI, Ndlr] nous appellent en disant que nous étions sur le point de partir en Syrie."

Issa et sa femme demandent immédiatement à rencontrer les policiers, pour exposer leurs véritables projets. Mais le jour du départ, on leur notifie une interdiction de sortie du territoire. Il lui était interdit de sortir de la commune où il habite, et il devait pointer trois fois par jour au commissariat. "J'ai subi de l'humiliation", clame-t-il sur BFMTV. "Mon honneur a été bafoué. On est venu me pointer du doigt en tant que terroriste".

"Issa avait un projet de partir en Turquie qui tenait la route, il avait un billet retour, une réservation d'hôtel", rappelle son avocat, maître Bruno Vinay. "Et malgré cela, et c'est cela que nous dénonçons aujourd'hui, c'est que le ministère a - et je reprends les propos de l'administration - 'ratissé large'."

Grâce à un recours devant le Conseil d'État, Issa est désormais libre de circuler librement. Aujourd'hui, il réclame des explications devant la justice.
H. M. avec Pierre Millet et AFP