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TOUT COMPRENDRE - L'affaire de la rétractation de Takieddine, qui vaut à Sarkozy une nouvelle mise en examen

Nicolas Sarkozy a été mis en examen ce vendredi dans l'enquête sur la rétractation de l'intermédiaire Ziad Takieddine à propos de ses accusations de financement libyen de la campagne présidentielle française de 2007. Une affaire dans l'affaire, qui débute, elle, en 2020.

L'ex-président Nicolas Sarkozy a été mis en examen ce vendredi dans l'enquête sur de possibles manœuvres frauduleuses pour le disculper des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle 2007. Cette opération aurait d'abord consisté à obtenir la rétractation des accusations contre Nicolas Sarkozy de l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine en échange d'une possible rémunération.

• En quoi consiste l'affaire du financement de la campagne de 2007?

Cette nouvelle mise en examen trouve ses origines dans l'affaire du possible financement libyen de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy. L'ancien président de la République devrait comparaître pendant quatre mois début 2025 pour "corruption passive", "association de malfaiteurs", "financement illégal de campagne électorale" et "recel de détournement de fonds publics" libyens.

Dans ce dossier, l'un des intermédiaires soupçonnés, Ziad Takieddine, est également l'un des principaux témoins à charge contre Nicolas Sarkozy. Dès 2012, Ziad Takieddine évoquait dans la presse le possible financement de la campagne de l'ex-chef de l'État français par la Libye.

Fin 2016, il parlait à Mediapart de valises d'argent et de 5 millions d'euros remis en 2006 et 2007 à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant. Il a confirmé ensuite à plusieurs reprises ces propos devant le juge d'instruction.

• Comment Ziad Takieddine s'est-il rétracté?

Mais le 11 novembre 2020, Ziad Takieddine opère une spectaculaire volte-face sur BFMTV et dans Paris Match. Il assure que l'ex-chef de l'État "n'a pas eu un financement libyen pour la campagne présidentielle" de 2007.

Dans une déposition transmise un mois plus tard aux juges parisiens, l'homme d'affaires, en fuite au Liban après sa condamnation dans l'affaire Karachi en juin 2020, accuse de nouveau les magistrats français: "Les juges m'avaient fait des promesses en échange de déclarations erronées et à charge contre Nicolas Sarkozy et j'ai accepté".

• Pourquoi la justice s'interroge-t-elle?

Auditionné à Beyrouth en janvier 2021 par les juges français, Ziad Takieddine recommence à incriminer Nicolas Sarkozy en assurant que ses propos de novembre avaient été "déformés" par Paris Match, qui "appartient à un ami de Sarkozy". L'hebdomadaire est une propriété du groupe Lagardère, dont Nicolas Sarkozy est membre du conseil d'administration.

En mai 2021, une information judiciaire est ouverte sur les conditions de préparation de l'interview avec en ligne de mire des soupçons de subornation de témoin. Pour les enquêteurs, au moins 608.000 euros auraient pu être utilisés pour l'ensemble de l'opération, dont les protagonistes contestent la teneur frauduleuse.

• Qui a été mis en examen dans cette affaire?

La justice s'intéresse aux manœuvres qui auraient été élaborées par au moins neuf autres protagonistes, impliqués à des degrés et moments divers.

Le 5 juin 2021, la patronne de l'agence de paparazzi Bestimage, "Mimi" Marchand, de son vrai nom Michèle Marchand, proche du couple Sarkozy, a été mise en examen et placée sous contrôle judiciaire, notamment pour "subornation de témoin".

D'autres mises en examen ont suivi, dont celle du publicitaire Arnaud de la Villesbrune, ancien directeur de l'agence Publicis, de l'homme d'affaires Pierre Reynaud (décédé en mai 2023), de l'intermédiaire Noël Dubus (déjà condamné pour escroquerie) ou encore de l'entrepreneur David Layani.

Toutes ces personnes sont soupçonnées d'avoir œuvré au retrait par Ziad Takieddine, avec contrepartie, de ses propos mettant en cause l'ancien chef de l'État.

• Nicolas Sarkozy était-il au courant?

L'ex-chef de l'État, qui conteste fermement toute participation aux faits incriminés, est soupçonné d'avoir bénéficié, en connaissance de cause, des manœuvres entreprises par plusieurs protagonistes pour le disculper.

Ce vendredi, il a été mis en examen pour "recel de subornation de témoins". Cela signifie que les juges ont estimé qu'il y avait suffisamment d'indices laissant penser que Nicolas Sarkozy a bénéficié de la rétractation de Takieddine en toute connaissance de cause.

L'ex-chef de l'État a aussi été mis en examen pour "association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie au jugement". Les juges estiment donc que Nicolas Sarkozy était bien informé que cette opération avait pour but de le disculper. L'instruction doit se poursuivre, à l'issue de laquelle Nicolas Sarkozy pourra être renvoyé devant le tribunal.

S.C avec AFP