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Terrorisme

Pour un ex-détenu français de Guantanamo, isoler les prisonniers radicalisés "peut être dangereux"

Mourad Benchellali sur le plateau de BFMTV, le 25 février 2018

Mourad Benchellali sur le plateau de BFMTV, le 25 février 2018 - BFMTV / Capture d'écran

Invité de l'émission Et en même temps de BFMTV ce dimanche, Mourad Benchellali estime qu'isoler les détenus radicalisés peut s'avérer contre-productif sur le long terme.

C'est l'une des mesures phares présentées par Edouard Philippe vendredi. Pour lutter contre la radicalisation jihadiste, le gouvernement ambitionne de renforcer l'isolement des détenus radicalisés, alors qu'ils étaient jusqu'à présent dispersés dans les prisons.

"C'était toxique"

Mourad Benchellali, qui a vécu 30 mois d'emprisonnement à Guantanamo, puis 18 autres à Fleury-Mérogis après un passage en Afghanistan à l'été 2001, a lui aussi été isolé lorsqu'il était incarcéré dans la prison cubaine.

"Cette idée d’isoler et de regrouper des personnes qu’on considère radicalisées, je l’ai vécu à un niveau plus extrême, quand j’étais à Guantanamo. Au fur et à mesure que le temps passait, je n’ai pas eu le sentiment que les détenus étaient plus apaisés", a-t-il expliqué au cours de l'émission Et en même temps ce dimanche. "Au contraire, certains sont même devenus jihadistes à Guantanamo ou se sont ancrés davantage. Donc c’était toxique, contre-productif, ce qui est paradoxal pour une prison qui est censée lutter contre le terrorisme".

Selon lui, il ne s'agit pas d'une solution efficace sur le long terme.

"Les isoler, sur le court-terme ça peut être efficace, on peut éviter le prosélytisme, certains contacts avec l’extérieur, on sait ou ils sont. Mais moi je ne peux pas m’empêcher de penser au long terme. Comment vont sortir ces détenus, une fois qu’on les a mis ensemble pendant plusieurs mois? (...) Ils vont se connaître, se structurer. Sur le long terme, je pense que ça peut être dangereux."

Mourad Benchellali appelle à mêler les détenus radicalisés et les autres 

Mourad Benchellali, qui part aujourd'hui à la rencontre des jeunes pour les décourager du jihad, estime que laisser les détenus radicalisés se mélanger avec les autres prisonniers n'est pas forcément une hypothèse à exclure.

"Et pourquoi les disperser ce ne serait pas la solution? (...) Je pense qu’il faut un renseignement pénitentiaire qui soit fort et efficace, qui puisse savoir qui dit quoi. Moi quand j’étais à la prison de Fleury Mérogis, j’ai pu aller à l’école, au sport, à la bibliothèque. Je me mélangeais avec des détenus qui n’étaient pas du tout djihadistes, et ça me faisait du bien", s'est-il souvenu.

"Si à mon retour de Guantanamo, j’étais arrivé à Fleury Mérogis et qu’on avait créé ces unités d’isolement, qu’on ne m’avait mis qu’avec des jihadistes, comment j’aurais fait? Comment j’en serais ressorti? Peut-être que je ne serais pas aussi apaisé que je le suis aujourd’hui si j’avais eu ce traitement", analyse-t-il.

Céline Penicaud