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Mandelieu: un projet d'attentat déjoué et des questions sur la cellule Cannes-Torcy

L’immeuble, situé à Mandelieu-La-Napoule, où la DCRI a retrouvé le 17 février 900 grammes d'explosif.

L’immeuble, situé à Mandelieu-La-Napoule, où la DCRI a retrouvé le 17 février 900 grammes d'explosif. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

L'antiterrorisme français a révélé mercredi être convaincu d'avoir déjoué un projet d'attentat présumé, près de la ville de Cannes, sur la Côte d'Azur. Des révélations qui soulèvent énormément d'interrogations.

Ibrahim B. un homme de 23 ans de retour de Syrie et lié à la cellule islamiste Cannes-Torcy, a été appréhendé quelques jours avant la découverte, le 17 février dernier, à Mandelieu-La-Napoule, de 900 grammes d'explosifs de type TATP. Les explosifs ont été retrouvés dans les parties communes d'un immeuble de cette ville de la région de Cannes, où l'homme avait trouvé un point de chute. Selon l'antiterrorisme français, il préparait un attentat.

Pourquoi ces révélations arrivent-elles maintenant et quel risque pesait vraiment? BFMTV.com fait le point avec plusieurs spécialistes de la question terroriste.

> Pourquoi l'antiterrorisme révèle-t-il cette information maintenant?

Pour Louis Caprioli, conseiller du groupe Géos et ancien responsable de la DST, il ne s'agit pas à proprement parler d'un "projet d'attentat". "On a juste trouvé des explosifs", souligne-t-il dans un souci de précision. Quant à l'hypothèse selon laquelle l'antiterrorisme aurait fuité sur cette affaire, ce scénario lui semble peu plausible. Le spécialiste "voit mal un directeur la DCRI révéler ce type d'informations". Il formule deux hypothèses: "soit, cela vient du cabinet du ministre (de l'Intérieur), soit cela vient du cabinet du directeur général de la police."

Sur la question du timing, elle suppose déjà, selon Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences-Po, "qu'il y ait un timing, ce qui n'est pas du tout certain". En admettant que ces révélations soient orchestrées d'une manière ou d'une autre, le docteur en géopolitique identifie deux hypothèses de travail. Première piste, cette annonce pourrait faire écho à la neutralisation au Mali d'une quarantaine de jihadistes, annoncée le 20 mars dernier par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

La seconde piste se résumerait à une manière pour la France de montrer à la Chine et au président chinois Xi Jinping, en visite en France, "qu'elle est implacable dans la lutte contre le terrorisme". La Chine, elle-même, étant récemment "entrée dans la lutte contre le terrorisme avec les attentats perpétrés par la minorité ouïgoure".

> Cette découverte signifie-t-elle que la cellule Cannes-Torcy continue à être active?

Cette cellule, dite Cannes-Torcy, dont le procureur de la République de Paris avait souligné qu'elle était "la plus dangereuse depuis 1996", "n'a cessé d'être démantelée", rappelle Louis Caprioli. "Elle est apparue dans le scope de la DST en juin 2012, juste après l'affaire Merah". Depuis, rappelle-t-il encore une vingtaine de personnes ont été interpellées, notamment dans le sud de la France.

> A-t-on plus à craindre d'un terroriste isolé?

"L'affaire Mohamed Merah, l'a montré", rappelle Frédéric Encel. Le mode de fonctionnement adopté par les terroristes isolés est souvent décrit par l'expression de "loup solitaire". "Par définition, moins de gens sont au courant, moins vous êtes sous les radars de la police", explique-t-il. En revanche Ibrahim B. avait bel et bien été repéré à son retour de Syrie par les services français.

C'est presque une chance, car "on voit de moins en moins arriver ces personnes qui se radicalisent souvent toutes seules et qui n'arborent souvent plus les signes de reconnaissance habituels: barbe, visites assidues à la mosquée, chevilles apparentes dans les cas des salafistes…", explique le spécialiste.

> A-t-on une idée du nombre de projets terroristes fomentés en France chaque année?

"Non, c'est strictement impossible", explique Louis Caprioli. Mais note-t-il, "beaucoup de ceux qui reviennent de Syrie sont déterminés à agir, depuis les années 90 et notamment les actions du GIA en Algérie, la France est l'ennemie". Un état de fait qui se trouve encore renforcé par les récentes interventions au Mali et en Centrafrique.

La menace est donc à la fois diffuse et permanente. Des menaces récentes ont d'ailleurs été proférées contre la France et le président de la République qui avait réuni lundi à l'Elysée, un conseil restreint de Défense restreint sur la Syrie.

> Quels dégâts auraient pu faire ces 900 grammes d'explosifs retrouvés chez Ibrahim B.?

"Cette bombe aurait certainement pu tuer des gens", affirme sans aucune hésitation Louis Caprioli. Selon lui, elle est de type "artisanal" et "fabriquée avec des produits que l'on trouve aisément dans le commerce", comme de l'eau oxygénée, de l'acétone, acide chlorhydrique ou sulfurique. La tactique consiste pour les terroristes à acheter ces produits "en petites quantités pour ne pas se faire repérer". Ces explosifs sont les mêmes que ceux qui ont servi aux attentats de Londres le 5 juillet 1995 et de Marrakech en 2011. La recette pour les fabriquer se trouve sur de nombreux sites Internet et a aussi été donnée dans Inspire, le magazine en langue anglaise d'al-Qaïda diffusé dans la Péninsule arabique.

Toutefois, souligne l'expert, il manquait encore "un détonateur" et éventuellement un "retardateur", pour que le dispositif soit complet.

David Namias